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François-Xavier Fauvelle (Autre)
EAN : 9782080289452
356 pages
Flammarion (28/09/2022)
3.5/5   10 notes
Résumé :
L'histoire débute à la fin du XIXe siècle. Persuadés d'avoir retrouvé en Afrique la nature disparue en Europe, les colons créent les premiers parcs naturels du continent, du Congo jusqu'en Afrique du Sud. Puis, au lendemain des années 1960, les anciens administrateurs coloniaux se reconvertissent en experts internationaux. Il faudrait sauver l'Eden ! Mais cette Afrique n'existe pas. Il n'y a pas de vastes territoires vierges de présence humaine, et arpentés seulemen... >Voir plus
Que lire après L'invention du colonialisme vert: Pour en finir avec le mythe de l'Éden AfricainVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Ce bouquin de Guillaume Blanc me faisait déjà de l'oeil depuis un petit moment, et c'est donc très curieuse que j'ai ouvert. L'auteur débute par une comparaison des parcs nationaux africains et des parcs nationaux européens, et leur représentation dans l'imaginaire de la sauvegarde de la nature. Les parcs nationaux européens sont glorifiés par le lien qu'entretiennent populations résidentes avec leur environnement, et par la mise en valeur qui en découle, à l'image du parc des Cévennes, tandis que les parcs africains doivent être purgés de leurs populations, sans quoi ils ne pourraient être « intacts ». Guillaume Blanc souligne aussi la différence sémantique employée entre Afrique et Europe : « ethnie » pour décrire les Oromos éthiopiens, « peuple » pour décrire les Bretons.

L'objectif de son essai : dénoncer le mythe d'une surexploitation de la nature africaine par les indigènes, lorsque celle-ci est en réalité due à la colonisation. Pour illustrer son propos, il se base sur le parc national du Simien, en Ethiopie, un choix que j'ai trouvé très intéressant : l'auteur rappelle en effet que si l'on considère l'Ethiopie comme l'un des seuls pays d'Afrique non colonisé par une puissance européenne, Ménélik II ne s'est pas privé pour étendre son propre empire, faisant donc de l'Ethiopie un colonisateur, du moins régional ; ce passé peut servir de clef de lecture au conflit autour du Simien et de son inscription au patrimoine mondial de l'Unesco.

Rappelant à quel point la littérature occidentale (Kipling, Blixen…) a contribué à la construction du mythe africain exempt de présence humaine, Guillaume Blanc souligne également les origines coloniales des premières associations de préservation de la nature, dont les objectifs étaient parfois plus de sécuriser des réserves de chasse pour les riches occidentaux que de protéger une nature qui aurait « atteint une capacité de charge maximale » justifiant l'expulsion des populations locales. L'auteur note que la création des parcs naturels est allée systématiquement de pair avec une réduction des droits humains, et des expulsions.

Etrillant l'Unesco et ses critères drastiques pour être recensé sur sa liste, Guillaume Blanc reprend son exemple éthiopien pour montrer que les dirigeants du pays ont des intérêts tout autant économiques que politiques à voir inscrit à l'Unesco le parc du Simien : la visibilité des sites inscrits au patrimoine mondial de l'humanité permet d'attirer des touristes et de faire grimper les prix, tandis que l'impératif de « vide » est une excuse rêvée pour éloigner les populations mursi et afar souvent en conflit avec le pouvoir central d'Addis Abeba.

Une lecture vraiment intéressante pour le point de vue décalé qu'elle offre sur la pseudo préservation d'une nature africaine que son peuple ne mériterait pas, et qui est en réalité un vase clos pour les touristes occidentaux ; à noter toutefois que je n'ai pas trouvé cet essai particulièrement bien écrit ni l'argumentation clairement structurée, même si ce n'est pas une raison pour se soustraire à la lecture si le sujet vous intrigue !
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Offre une vision alternative des origines et de la mise en oeuvre des grands projets de conservation menés depuis la colonisation jusqu'à nos jours.

Je recommande vivement car il ouvre une réflexion sur la manière dont ces projets sont menés souvent au mépris des populations locales et sans réel fondement scientifique.

Si l'auteur je remets pas en cause l'idée même de conservation, il invite à repenser en profondeur sa mise en oeuvre.

A lire !
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
Tout commence en Amérique du Nord, à la fin du XIXe siècle. Les États-Unis et le Canada créent les premiers parcs nationaux du monde,et dans chacun d’eux ils expulsent les habitants. Ils (ré)introduisent des espèces animales dites authentiques, ils (re)plantent des forêts dites originelles et ils (ré)enherbent des plaines dites naturelles. Puis, une fois ce travail accompli, ils font de la nature sauvage, la wilderness en anglais, un symbole national. Dans chaque parc, la nature devient l’âme de la nation. Elle est décrite au public commel’essence authentique des deux sociétés, la figure originelle de deux pays qui se seraient construits sur l’expérience collective d’un terre sauvage et inhabitée, et non pas sur la violence d’une conquête coloniale. L’engouement pour les parcs nationauxs’étend ensuite à l’Europe, au début des années1930. Les États européens expulsent rarement les habitants de leurs parcs. Ils instrumentalisent eux aussi la nature, mais l’invententautrement. Plutôt que de fabriquer une wilderness vierge et atemporelle, ils associent leur nation à une nature humanisée depuis des temps immémoriaux. Par exemple, la confédération suisse fait de ses pâturages de montagne un sol sacré, l’emblème d’une terre qui serait exploitée de la même façon et depuis des siècles, au-delà des différences qui les séparent, par les peuples d’une seule et même nation. Dans la même veine, l’Allemagne fait de ses forêts et de leur folklore le symbole des petites patries (Heimat) où la population peut apprendre à aimer la grande patrie (Vaterland). Le procédé est donc le même qu’en Amérique du Nord. Partout, les parcs naturels favorisent une extension du local au national : du parc jusqu’au national qui le protège, de l’amour d’un petit territoire à l’amour d’un territoire plus vaste, pour reprendre la belle expression de l’historien François Walter. La France s’empare à son tour de ce modèle,au milieu des années 1960. La France des paysans disparaît, et l’État cherche un substitut àl’identité rurale de la nation. Alors, dans la Vanoise, les Pyrénées ou le Mercantour, les gestionnaires des parcs nationaux disent « restaurer l’équilibre écologique des lieux ». Ils interdisent l’industrialisation de l’agriculture,(re)naturalisent les écosystèmes, là-bas des pelouses d’altitude, ici des tourbières, et(ré)introduisent des espèces animales, vau-tours fauves, coqs de bruyère et bouquetins,entre autres. Aux dires de l’État français, ce travail garantit le « retour naturel d’espèces d’intérêt patrimonial ».Ce retour n’a pourtant rien de naturel. Il n’a rien, non plus, de très objectif. Dans les rivières du parc national des Cévennes, par exemple, l’administration réintroduit des castors au nom de leur « authenticité » ; les castors ont disparu de la région au XIVe siècle. En revanche, aucune opération de cette ampleur n’est menée pour pallier la disparition des perdrix grises ou des loups. Moins emblématiques ou plus dangereuses, ces espèces ont néanmoins disparu, elles, il y a à peine un siècle. Cette subjectivité de la chose authentique est encore plus criante quand on observe comment, en France, les responsables des parcs préservent ce qu’ils appellent le « caractère des lieux ». Ils rénovent les bergeries dites traditionnelles. Ils louent des terres aux agro-pasteurs qui, grâce à des loyers réduits, peuvent continuer de vivre sur place. Ils entretiennent les sentiers de transhumance et, au début de l’été, ils versent des subventions aux bergers qui acceptent de partir en transhumance à pied, et non pas en camion, comme cela se fait partout ailleurs dans le pays. Ils soutiennent financièrement l’artisanat local, et forment aussi de jeunes actifs à l’apprentissage de savoir-faire architecturaux soi-disant ancestraux. Bref, en France comme ailleurs, les gestionnaires des parcs font de la nature ce qu’ils croient qu’elle fut.Il n’en va pas autrement de l’autre côté de la Méditerranée.
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Lorsque des agro-pasteurs sont réinstallés dans une zone-tampon, ils arrivent avec leur bétail, et l'opération provoque un afflux de bovins. Alors les prix du marché chutent, puis les populations s'appauvrissent, inévitablement. Quant aux zones-cœurs où les habitants sont autorités à rester, la condition est qu'ils réduisent leur activité agricole. Le processus entraîne, ici, l'intensification de l'économie pastorale : c'est le seul moyen de compenser la perte du travail des champs. Alors les sols sont trop utilisés par le bétail pour pouvoir se régénérer, et les populations perdent leurs moyens de subsistance, forcément. En Afrique, pour les habitants d'un parc, conservation rime toujours avec pauvreté.
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Ce genre de récits se diffuse partout sur le continent, à la faveur du Projet Spécial pour l'Afrique. Là où les Européens ont défriché la forêt, les Éthiopiens déforestent. Là où les Américains se sont adaptés à l'environnement, les Ghanéens dégradent. Là où les Occidentaux exploitent les ressources, les Africains les détruisent. Ces analyses reposent sur des représentations racistes. Mais les experts déploient un argumentaire à l'allure si rationnelle que leurs jugements deviennent des faits, et leur discours une vérité. Voici comment le colonialisme vert prend forme, au lendemain des indépendances. Après les théories racistes qui légitimaient le fardeau civilisationnel de l'homme blanc, l'heure est au colonialisme vert, né des théories déclinistes qui légitiment le fardeau écologique de l'expert occidental, dans toute l'Afrique.
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Face à un même type d'espace agro-pastoral, l'un en France, l'autre en Ethiopie, l'Unesco livre donc deux histoires radicalement différentes. La première est européenne : elle décrit l'adaptation de l'homme à la nature. La seconde est africaine : elle raconte la dégradation de la nature par l'homme.
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Les Africains n’auraient aucune place sur leur propre continent. Ils seraient plutôt des intrus qui perturbent l’équilibre d’une planète verte. L’Asie n’est pas non plus en reste. En octobre 2019, Le Monde consacre un dossier à la montée de l’écofascisme. Le quotidien français revient notamment sur la tuerie perpétrée à Christchurch, en Nouvelle-Zélande, par un militant australien d’extrême droite. Quelques minutes avant d’abattre 51 musulmans dans leurs mosquées, Brenton Tarrant publiait un manifeste sur les réseaux sociaux : « L’environnement est détruit par la surpopulation, et nous, les Européens, sommes les seuls qui necontribuons pas à la surpopulation. » Pourtous ceux qui, comme lui, se revendiquent « écofascistes », « il faut tuer les envahisseurs, tuer la surpopulation, et ainsi sauver l’environnement.
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Videos de Guillaume Blanc (9) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Guillaume Blanc
Guillaume Blanc vous présente son ouvrage "La nature des hommes : une mission écologique pour sauver l'Afrique" aux éditions La Découverte. Entretien avec Nicolas Patin.
Retrouvez le livre : https://www.mollat.com/livres/3066373/guillaume-blanc-la-nature-des-hommes-une-mission-ecologique-pour-sauver-l-afrique
Note de musique : © mollat Sous-titres générés automatiquement en français par YouTube.
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