Voici un très beau témoignage — un témoignage dessiné, pas une bande dessinée, pas un roman graphique — à propos de l'expérience personnelle des deux parents de l'auteur dans le camps de Harkis de Saint-Laurent des Arbres de 1967 à 1976.
Témoignage de deux témoins, qui étaient aussi des acteurs de ce qui se passait dans ce camp, et qu'on a du mal à imaginer de nos jours si l'on a pas vécu cette situation.
Témoignage d'autant plus fort à l'heure actuelle où l'on entend tellement parler des réfugiés (principalement Syriens mais pas seulement) et de leur accueil problématique.
Ça s'est passé près de chez vous, comme le stipule le titre d'un film devenu culte du début des années 1990, ça s'est passé en France soit disant démocratique et républicaine, siège de l'état de droit. Oui, ça s'est passé…
Daniel et
Claudine Blancou, avec respectivement une année et zéro année d'expérience au compteur, ont été débarqués dans un camp militaire où l'on avait parqué des familles de Harkis.
En deux mots et très succinctement, pour ceux qui ne s'en souviennent plus, les Harkis sont des combattants algériens qui ont pris les armes aux côtés de la France au moment de la Guerre d'Algérie (définition extraordinairement faible et insuffisante, j'en conviens, j'ai fait court dans un soucis de concision).
Ils ont donc hérité du remarquable statut de traites et de collaborateurs du point de vue algérien, et d'arabes comme les autres, donc étrangers et méprisables, pour les Français moyens racistes et bas de plafond, qui étaient et qui sont peut-être encore majoritaires dans notre pays.
Que faire de ces Harkis pour la France ? Choix n° 1 du gouvernement français de l'époque : les abandonner à leur triste sort algérien, sachant qu'ils vont s'en prendre plein la gueule, mais c'est pas bien grave, ce ne sont que des Arabes après tout. Choix n° 2 pour les quelques uns qui sont parvenus dans la métropole : les parquer dans des réserves d'Indiens puisque, de toute façon, les rapports avec les autres émigrés algériens sont très mauvais dans les cité-ghettos crées pour stocker la main d'oeuvre bon marché qui était arrivée en masse suite à l'indépendance. La conclusion étant la même : mais c'est pas bien grave, ce ne sont que des Arabes après tout.
Nous avons donc tout lieu d'être particulièrement fiers de notre gouvernement d'alors, sachant que l'économie nationale ne s'est jamais si bien portée qu'à cette période (années 1960) et que l'accueil décent de ces populations n'aurait sans doute pas grevé trop le budget, sachant, au demeurant que le pays connaissait quasiment le plein emploi.
Voici donc l'expérience d'un ghetto de Harkis en pleine campagne gardoise. Un parc à bestiaux clôturé avec des barbelés et encadré par des militaires, donc, à peu de chose près, une prison, pour des gens qui vivaient déjà le traumatisme du déracinement, qui, pour la plupart ne parlaient même pas la langue française.
Si l'on remet en perspective avec ce que nous vivons actuellement, le simple terme de " camp " de réfugiés a de quoi faire froid dans le dos. Des populations aux abois qui quittent en hâte un pays — précision pour ceux qui en douteraient, ce n'est jamais de gaité de coeur que l'on quitte son pays, il faut que la situation y soit devenue particulièrement invivable — et qui se retrouvent parquées… dans des camps !
Ouais…
Témoignage, donc, de ces deux instits qui ont essayé, avec leurs moyens, très limités, de mettre un peu d'humanité là-dedans, de faire leur travail dignement au milieu de cette indignité.
Très beau témoignage, simple, sans emphase, sans pathos, à toujours garder à l'esprit, surtout en ce moment. Mais bien sûr ce n'est que mon avis, c'est-à-dire, bien peu de chose.