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Mémoires de la comtesse de Boigne tome 1 sur 2

Jean-Claude Berchet (Éditeur scientifique)
EAN : 9782715221789
764 pages
Le Mercure de France (10/11/1999)
4.11/5   19 notes
Résumé :

Couvrant près de soixante-dix ans, les Mémoires de la comtesse de Boigne occupent une place à part dans la littérature de souvenirs, ne serait-ce que par la richesse de leur information et la qualité exceptionnelle de leur style. Document irremplaçable sur toute la période qui va des dernières années de l'Ancien Régime à la révolution de 1848, ces Mémoires ont fait de la comtesse de Boigne, ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Edition annotée & présentée par Jean-Claude Berchet

ISBN : 9782715221789 - 9782715221796

Paru sous le titre original et quasi ségurien de "Mémoires d'une Tante", ce volume, publié en deux tomes au "Mercure de France", dans la fameuse série "Le Temps Retrouvé", est probablement, pour plus d'un amateur, l'oeuvre à lire et relire en notre sinistre époque. Née à Versailles, à la fin du règne de Louis XVI, Melle d'Osmond, devenue, par un mariage sur lequel elle ne s'attarde pas et qui ne fut guère heureux, la comtesse de Boigne, connut tous les grands bouleversements de la toute fin du XVIIIème siècle, qui engendrèrent les multiples tempêtes de la première moitié du siècle suivant. Elle ne posa en effet officiellement la plume qu'après la Révolution de 1848, même si les appendices vont jusqu'à la transformation de Louis-Napoléon Bonaparte (qu'elle ne semble guère apprécier mais dont elle comprend la nécessité d'un gouvernement "fort") jusqu'en l'Empereur Napoléon III.

De son propre aveu, Mme de Boigne, femme intègre, n'a pas de talent. Elle le croit bien sincèrement et non pour que la postérité lui jette des fleurs et pourtant, Madame, du talent, notamment un merveilleux talent de portraitiste, plein d'humour, parfois acerbe et incroyablement moderne dans l'écriture, se fait jour dans ces pages que vous nous avez laissées pour notre plus grand plaisir - et comme pour nous redonner foi et courage en notre pays. Certes, vous l'ignoriez quand vous les rédigiez, mais L Histoire, grande comme petite, que vous nous racontez, n'est pas sans nous rappeler ce qu'il se passe actuellement dans notre pays, cette France qui reste le vôtre, à vous, la patriote qui, bien que foncièrement royaliste, n'avait nulle honte à voir la France, votre nation glorieuse et tant aimée, jusque dans les drapeaux pris par l'Empire à l'ennemi et pour qui le petit caporal Bonaparte, devenu l'Empereur Napoléon Ier, restera à jamais (on le sent bien) "l'Empereur" et notre France, à toutes et à tous, dans ce qu'elle a de plus noble et de plus triomphant.

Vous avez, Madame, la vraie noblesse, celle du coeur, celle de l'âme, qui vous fait envisager la France et son peuple comme un tout auquel, quels que soient les sommets où le Hasard vous fit naître, vous appartenez corps et âme. Malgré l'affection intense qui vous lie à Marie-Amélie de Bourbon, princesse des Deux-Siciles, à qui échut, à sa grande inquiétude, pour ne pas dire à son profond mécontentement, la couronne de France puisqu'elle n'était autre que l'épouse de Louis-Philippe Ier, duc d'Orléans, puis "Roi des Français", et si vous évoquez, comme aucune autre, le calvaire de cette mère qui se sentit toute sa vie responsable de la mort, dans un accident de voiture stupide, de son enfant préféré, le Prince Royal et futur héritier du Royaume, Ferdinand-Philippe, alors duc d'Orléans, tout cela ne vous empêche pas de mentionner aussi ce qui vous plaît moins, voire pas du tout au coeur de toute cette harmonie qui rappellera parfois les antiques toiles de Jouy.

Bref, Madame, si l'on vous sent plutôt "orléaniste" bien que vous ayez essayé, de toutes vos forces et par respect de la mémoire du Roi-martyr mort sur l'échafaud, de demeurer "légitimiste", vous vous révélez un témoin impartial qui pointe du doigt la redoutable faiblesse de Louis-Philippe - cet amour de l'argent qui sonne horriblement boutiquier pour un monarque - et vous allez même, lors des événements qui précèdent les Trois Glorieuses de 1830, jusqu'à vous poser nettement la question terrible : oui ou non, Louis-Philippe, alors duc d'Orléans mais toujours fils de régicide, a-t-il comploté, avec patience, avec ténacité, avec intelligence aussi, pour que la couronne d'Hugues Capet tombât dans l'escarcelle de la branche cadette des Bourbons ?

Vous ne jugez, Madame, ni ne condamnez. Comme vous le dites vous-même çà et là, avec une simplicité charmante et que l'on perçoit des plus sincère, vous ne rapportez que ce que vous avez vu et vécu. Et si les faits objectifs entraînent parfois chez vous, ce qui est normal, des conclusions subjectives, vous vous refusez à omettre cette subjectivité, fût-ce au nom d'une très ancienne amitié. Vous écrivez sans haine, avec une réelle connaissance de la politique si agitée de l'époque (votre père fut souvent ambassadeur et vous l'assistâtes pour tenir sa maison, notamment à Londres) et le lecteur de notre XXIème siècle, siècle que nous recommandons à la protection de vos mânes si cela vous est possible car ce sera celle d'une femme qui avait le sens de l'Etat et de la France, ne peut que s'incliner devant votre bon sens et votre rectitude morale, toujours nuancés d'humour, comme nous le dirions aujourd'hui (mais n'avez-vous pas grandi en Grande-Bretagne ?).

Sachez, Madame, que l'amour que l'on perçoit encore, brûlant, passionné, pour votre pays, pour cette France qui est aussi la nôtre et qui, en dépit de ses changements de constitution, reste, Madame, et pour toujours, la vôtre, touche toujours par son authenticité nos âmes modernes mais amoureuses des vieux papiers et des récits d'époque.

En vous lisant, Madame, le Français actuel, et peu importent ses opinions politiques pourvu qu'il aime le pays qu'il partage avec vous, reprend espoir et courage. Il s'attriste, oui, il s'irrite, mais il constate qu'il y a toujours eu de parfaits imbéciles et de non moins redoutables parasites pour vouloir à tous prix détruire notre culture et l'âme de la France. Et si, à la fin, l'âge et les douleurs étant désormais à demeure tandis que ceux que vous avez aimés, connus et même carrément détestés vous ont, un par un, quittée pour d'autres dimensions, on perçoit votre lassitude, on n'en sort pas moins de vos "Mémoires" comme régénérés et raffermis dans notre confiance - qui fut aussi la vôtre - du Génie français.

"La France en a vu d'autres, mes enfants, je le sais bien : j'y étais," voilà un peu le discours que vous nous tenez à travers vos "Mémoires". "Gardez confiance et n'ayez pas peur. Ce que vous voyez et verrez n'est pas et ne sera pas toujours très honorable mais notre nation s'en sortira. Bouleversée, avec de nouvelles balafres hideusement sanglantes, ce que je ne puis que regretter autant en ma qualité de femme que dans mon honneur de Française, mais elle s'en sortira et son panache, comme son courage, seront une fois de plus au rendez-vous. Croyez, espérez, agissez et défendez cette "certaine idée de la France" qu'a si bien vantée votre fameux Général et que, à mon époque, partageait un Napoléon Ier, fût-il parvenu au sommet en usurpant une couronne. L'essentiel, c'est la France et tant qu'il y aura des gens, de toutes classes et de toutes idéologies, pour le proclamer bien haut et la défendre contre la vermine, ses ennemis ne parviendront pas à l'écraser."

Merci encore, Mme de Boigne, pour vos croquis De Chateaubriand, de sa prose et de son incroyable narcissisme ; pour votre analyse si subtile de la branche aînée des Bourbons (avec un Louis XVIII dont vous saluez l'intelligence mais rappelez aussi bien la fausseté innée que la faiblesse, instillée en lui depuis l'enfance sans avoir été détectée - le diabète - qui l'empêcha d'être un monarque à part entière, et un Charles X, ex-comte d'Artois, dont on a vraiment pu dire à son sujet qu'"il n'avait rien oublié mais qu'il n'avait non plus rien appris", sans passer sous silence les bizarreries d'une duchesse d'Angoulême, ex-Mme Royale, dont vous non plus ne paraissez pas, par exemple, vous expliquer nettement les sentiments très ambigus qu'elle portait à sa mère si tragiquement décédée) ; avec votre volonté si déterminée de ne pas laisser votre tendresse pour le côté "humain" de la famille d'Orléans occulter tout ce qu'il y avait de déplaisant dans le fils du régicide ; avec votre magistral portrait du tsar Alexandre Ier, à qui la France dut, autant en 1815 qu'en 1814, de ne pas être démembrée, et enfin avec ce merveilleux courage qui est le vôtre lorsque vous rendez hommage au prince de Talleyrand en qualité d'Homme d'Etat et de Français tout en déplorant le cynisme de l'homme tout court et du prêtre défroqué et intrigant.

Merci pour tout le plaisir et tout le désir de me relever et de continuer que vos mémoires m'ont donnés lors d'une période assez difficile, aussi bien sur le plan personnel que sur le plan extérieur. Merci, chère Mme de Boigne et sachez que le seul point sur lequel je me refuse (et me refuserai TOUJOURS) à être d'accord avec vous, c'est le manque de talent que vous vous prêtez. La preuve : à ma modeste échelle, je ferai un maximum pour inciter ceux qu'intéressent les mémorialistes à vous découvrir, à vous lire, à vous relire et à vous faire connaître. J'irai même bien plus loin : ce sera pour moi non seulement une joie mais aussi un honneur que je vous remercie de bien vouloir m'accorder. ;o)
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Née en 1781 et morte en 1866 à l'âge de 85 ans, la Comtesse de Boigne écrit ses mémoires sans se trouver aucun talent. Quelle erreur.
Ce sont des chapitres plus ou moins longs qui nous font rentrer dans l'histoire de France et les évènements qui l'ont le plus marqués. Elle indique ne mettre sur papier que ce dont elle est vraiment sûre. On y croise Louis XVI, Marie-Antoinette, Bonapartre, Madame de Staël... Bref, que du beau monde. De naissance noble (elle ne cache pas être royaliste), elle a beaucoup d'amis qu'elle loue mais n'hésite pas à être caustique pour ceux qui ne trouvent pas grâce à ses yeux.
Ses descriptions des visages de uns et des autres sont tordantes.
Publiées en 1907 alors que tout ce beau monde est mort, ses mémoires font scandales car elle ne ménage personne et certains descendants s'en émeuvent.
L'écriture est moderne et cela se lit sans difficulté. Par contre, il ne faut pas tenter de comprendre qui à un lien de parenté avec qui ; c'est encore plus compliqué qu'un roman russe.
Marcel Proust a adoré les mémoires de la Comtesse de Boigne et moi aussi.
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J'aime lire des Mémoires qui offrent un regard subjectif sur la grande histoire. Et la Comtesse de Boigne présente un cas d'école :85 ans de vie qui la menèrent de la cour de Louis XVI à la chute de la Royauté en 1848. Et cela par une femme cultivée , située dans les sphères du pouvoir , apte à narrer dans une langue savoureuse ce à quoi elle assistait. Ce premier tome nous raconte la Révolution, l'Emigration ,l'Empire, la Restauration avec une grande qualité d'analyse lucide et une verve caustique parfois réjouissante.


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Citations et extraits (19) Voir plus Ajouter une citation
L'état de madame de Polastron, attaquée de la poitrine, empira. Elle se livra à toutes les fantaisies dispendieuses qui accompagnent cette maladie. Les revenus ne suffisant pas, monsieur du Theil, intendant de monsieur le comte d'Artois, inventa un façon d'augmenter les fonds. Il arrivait fréquemment des émissaires de France. On choisissait un des projets les plus spécieux ; on annonçait un mouvement prochain, en Vendée ou en Bretagne, à l'aide duquel on obtenait quelques milliers de livres sterling du gouvernement anglais. On en donnait deux ou trois cents à un pauvre diable qui allait se faire fusiller sur la côte, et les fantaisies de madame de Polastron dévoraient le reste.
Je ne sais pas si le prince entrait dans ces tripotages ; mais, du moins, il les tolérait et n'a pu les ignorer, car cette manœuvre s'étant répétée jusqu'à trois fois en peu de mois, monsieur Windham la découvrit et s'en expliqué vivement avec lui. C'est par monsieur Windham lui-même que j'en ai eu directement connaissance. Au reste, ce n'était pas un secret. Les émigrés, en Angleterre, s'étaient accoutumés à regarder l'argent anglais comme de légitime prise, par tous les moyens.
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À dater de [la Restauration], les seigneurs de l'ancienne Cour n'ont plus été occupés que de leurs intérêts de fortune et d'avancement, que de faire dominer leurs prétentions sur celles des autres ; et ils ont été un des grands obstacles à la dynastie qu'ils voulaient consacrer.
N'établissons pas que ces sentiments soient exclusifs à cette classe ; ils appartiennent probablement à tous les hommes qui touchent au pouvoir. J'ai vu une seconde révolution faite par la bourgeoisie et, ainsi que dans celle dont le récit m'occupe en cet instant, dès le cinquième jour tous les sentiments généreux et patriotiques étaient absorbés par l'ambition et les intérêts personnels.
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Au nombre de ces idéalistes, [Napoléon] rangeait monsieur de Chateaubriand. C'était une erreur. Monsieur de Chateaubriand n'a aucune faiblesse pour le genre humain ; il ne s'est jamais occupé que de lui-même et de se faire un piédestal d'où il puisse dominer son siècle. [...] Il y a réussit en ce sens qu'il s'est toujours fait une petite atmosphère à part dont il était le soleil. Dès qu'il en sort, il est saisi de l'air extérieur d'une façon si pénible qu'il devient d'une maussaderie insupportable ; mais, tant qu'il y reste plongé, on ne saurait être meilleur, plus aimable et distribuer ses rayons avec plus de grâce.
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Parmi les étiquettes, il y en avait une avec laquelle mon père n'a jamais pu se réconcilier et que je lui ai entendu souvent raconter, c'était la manière dont on était invité à ce qu'on appelait le "souper dans les cabinets". Ces soupers se composaient de la famille royale et d'une trentaine de personnes priées. Ils se donnaient dans l'intérieur du Roi, dans des appartements si peu vastes qu'on couvrait le billard de planches pour y poser le buffet, et que le Roi était forcé de hâter sa partie pour faire place au service.
Les femmes étaient averties le matin ou la veille ; ... Après le spectacle, elles suivaient le Roi et la famille royale dans les cabinets.
Pour les hommes, leur sort était moins doux. Il y avait deux banquettes vis-à-vis des femmes invitées. Les courtisans qui aspiraient à être priés s'y plaçaient. Pendant le spectacle, le Roi, qui était seul dans sa loge, dirigeait une grosse lorgnette d'opéra sur ces bancs, et on le voyait écrire au crayon un certain nombre de noms. Les seigneurs qui avaient occupé ces banquettes (cela s'appelait se présenter pour les cabinets) se réunissaient dans une salle qui précédait les cabinets. Bientôt après, un huissier, un bougeoir à la main et tenant le papier écrit par le Roi, entr'ouvrait la porte et proclamait un nom ; l'heureux élu faisait la révérence aux autres, on en appelait un autre et ainsi de suite jusqu'à ce que la liste fut épuisée. Cette fois, l'huissier repoussait la porte avec une violence d'étiquette. A ce bruit, chacun savait que ses espérances étaient trompées et s'en allait toujours un peu honteux, quoiqu'on sût bien d'avance qu'il y aurait bien plus de candidats que d'appelés.
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Madame Victoire avait fort peu d'esprit et une extrême bonté. C'est elle qui disait, les larmes aux yeux, dans un temps de disette où on parlait des souffrances des malheureux manquant de pain : « Mais, mon Dieu, s'ils pouvaient se résigner à manger de la croûte de pâté ! »
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