Cliff Hardy est un détective privé qui vit à Sydney, dans un petit logement décoré de plantes renommées pour leur capacité à survivre malgré l'absence de soins. Ses factures nécessitant un règlement rapide, il espère un client. En l'occurrence, il s'agit d'une cliente, une Lady âgée, veuve, qui sentant sa fin proche, lui confie la mission – bien rétribuée si résultats - de retrouver un hypothétique petit-fils dont elle ignore tout, ayant rompu sa relation avec sa fille unique.
Cliff part de zéro, l'existence de l'héritier n'est pas établie ; inconnue l'adresse de sa mère. Utilisant des bribes homéopathiques d'informations vieilles de trois décennies, le détective se lance dans une recherche à l'issue incertaine. Il fonctionne par réflexes, bondissant d'un détail à un autre sans rien calculer, espérant que les indices finiront par s'emboîter et le rapprocher du centre nerveux de l'histoire. de fragiles témoignages à recueillir lui font traverser l'Australie de Sydney à Canberra, à bord de sa vieille Falcon, aussi voyante qu'un clown à un enterrement. Faut-il toucher le fond de l'incompréhension avant que la clarté se fasse ?
Pourquoi
Peter Corris ne bénéficie-t-il pas d'une plus grande notoriété en France ? That is the question. J'ai éprouvé un grand plaisir en lisant ce roman publié en 1982, traduit en 1989 par Rivages/noir sous la direction de
François Guérif. Si le point de départ de l'intrigue – recherche d'un héritier avant le grand sommeil – est un classique des romans noirs, tout est dans l'art et la manière d'interpréter la partition. Et justement, l'art et la manière sont la spécialité de
Peter Corris, surnommé par la presse américaine « Le Chandler australien ». Je nuance cette élogieuse comparaison car personnellement je trouve l'auteur beaucoup plus proche de
John Ross MacDonald, dont le fiston Lew Archer partage de fortes similitudes avec Cliff Hardy. Tous deux ont un code moral irréprochable et portent des valeurs humanistes et progressistes. Ils ne jugent pas, sont respectueux des convictions de chacun, et aussi des femmes alors que Me too n'a pas encore entrepris le grand ménage. Dans
le garçon merveilleux,
Peter Corris évoque les mariages forcés et les enfants non désirés qui ont été en leur temps, l'une des premières causes de la misère humaine australienne. le style élégamment percutant, le choix original des mots, la formule qui fait mouche donnent au personnage de Cliff Hardy son caractère, renforcé par l'auto-dérision et l'humour dont l'auteur a doté son héros. Dans
le garçon merveilleux, une voiture «dérape dans un virage comme si quelqu'un avait abaissé un drapeau à damier » ; « nous nous embrassions comme si je devais partir au front le lendemain » ; «Il agite les bras comme un homme qui guide un avion pour l'atterrissage » ; «Elle l'observait comme si elle projetait de le faire empailler ». J'en passe et de bien meilleures...
Bref, un vrai régal de lecture. Un auteur que j'invite tous les amateurs de noir à découvrir.