Méthodique, précis, il relata les événements. Le garçon écouta attentivement puis, d'un ton indigné :
« Ce n'est pas possible! Si je transportais de la contrebande dans cette barre, j'aurais pensé qu'elle avait pu se détacher à la première embardée et je n'en aurais pas parlé.
- C'est ce que nous avons conclu, dit le Tondu... mais votre explication?
- Je n'en vois pas... Je ne vois surtout pas comment ma voiture aurait pu être truquée en Espagne, à mon insu.
- C'est pourtant un fait. À un moment donné, quelqu'un a plaqué la barre sous votre Simca. Essayez de vous rappeler. D'abord, où êtes-vous allé, en Espagne?
- Je suis entré par le poste frontière de Bourg-Madame pour descendre vers Saragosse et Madrid. Puis j'ai obliqué vers Valence et je me suis arrêté trois jours sur une plage près de Tarragone, avant de rentrer par le Perthus.
- Entre Tarragone et la frontière, vous avez fait une étape?
- Non... mais j'ai dû m'arrêter dans la banlieue de Barcelone pour faire réparer ma boîte de vitesses. Ma voiture n'est pas neuve; je l'ai achetée d'occasion. J'ai perdu là plus de six heures. Normalement, j'aurais dû passer la frontière dans l'après-midi et arriver à Lyon dans la soirée.
- Avez-vous été contrôlé, au passage de la douane?
- Un douanier m'a demandé ce que j'avais acheté en Espagne. J'ai répondu: simplement deux ou trois bouteilles de liqueur. C'était un douanier assez âgé. Il n'a pas exigé de visiter mon coffre et j'ai filé... jusqu'à ce que, quelques kilomètres plus loin, j'aperçoive deux autres uniformes au bord de la route.
- Pourquoi avez-vous pris peur?
- En réalité, je transportais six bouteilles; j'avais entendu dire que c'était très ennuyeux quand on avait fait une fausse déclaration. Je l'ai déjà dit, je n'aurais pas dû leur brûler la politesse. Je me suis affolé. »
Puis, réfléchissant.
« Je ne comprends pas. À quel moment aurait-on placé une marchandise frauduleuse sous ma voiture? Et par qui et à quel moment devait-elle être reprise? Je n'avais pas l'intention de m'arrêter avant Lyon. Qui savait que je rentrais à Lyon? Bien sûr, d'après le numéro de ma Simca on pouvait supposer que j'allais dans le Rhône mais c'est tout. »
Ces questions, les Compagnons se les étaient déjà posées. Personne ne put y répondre.
« Pendant votre randonnée en Espagne, demanda le Tondu, vous est-il arrivé de prendre à bord des auto-stoppeurs?
- Du côté de Madrid, une vieille Espagnole qui avait manqué son autobus et, entre Valence et Castellon, deux jeunes Français à qui je n'ai pour ainsi dire pas parlé. »