Un autre
Henri Bosco, eh oui! Je ne me lasse pas de ses histoires du siècle dernier, dans une Provence presque figée dans le temps. Cette fois-ci, un homme à l'âge incertain, Joachim Balesta, revient dans le village de Pierrelousse où sa famille habitait jadis, avant que ses biens ne passe à des mains étrangères. Si lui reconnait les rues, les habitations, le quartier, si des nombreux souvenirs lui reviennent à la mémoire, il n'en est pas de même pour les villageois. Il passe pour un étranger. Tant pis, tan mieux! Ce bonhomme est là pour terminer ses jours, profiter de la vie. Et quel meilleur endroit que le sud de la France pour méditer, se laisser aller à la nostalgie?
Joachim s'installe aux Aubignettes, une maison de plusieurs étages qui accueille quelques autres foyers, « invisibles et silencieux, ils atteignaient parfois à une sorte de mystérieuse inexistence » (p. 15). Il se tient informé par la vieille Agathe, qui tient son ménage. Puis, au fils des jours, des relations se nouent avec quelques uns d'entre eux mais, rapidement, l'équilibre et les passions des uns et des autres se trouvent dérangées par le pauvre homme. Comme s'il était un catalyseur. Vers la même époque, il fait l'acquisition d'un lopin de terre (ayant jadis appartenu à sa famille) à la campagne : la Tonnelle de Saint-
Antonin, comme un petit paradis. Coïncidence, le chemin pour s'y rendre passe par les terres de son voisin de palier Bahr, dont l'oeil clandestin surveille tout. Il faut dire que, le sentiment de propriété est fort dans ces contrées, chacun surveille jalousement ses biens, et la convoitise l'est autant. Par moment, il me remontait des souvenirs du Château de ma mère, inquiet pour Joachim à l'idée qu'il traverse cette propriété et que le vieux Bahr fasse une scène.
Entretemps, aux Aubignettes, la situation ne s'améliore pas. C'est comme le jeu du chat et de la souris dans les escaliers claustrophobiques qui fait monter la tension : la jeune Mélanie Miralet fière mais fragile se languit, le bossu Fulbert Barissel n'ose avouer son amour, Adelaïde Taridou est à moitié folle, mademoiselle Valentine s'enfuit et son père, l'irascible Bahr, s'enfonce dans sa rancune et mijote une revanche. Aussi, pourquoi le curé Vincent profite-t-il de la pénombre pour pénétrer dans le couvent des soeurs cloitrées? Que de mystères… Heureusement, Joachim ne se laisse pas entrainer dans leur hystérie. Plutôt, il se promène dans le village, sur la place, au café
Saint-Yves, comme on imagine toutes ces jolies places du sud de la France. Et puis, il y a la Tonnelle de Saint-
Antonin, ce paradis au sommet d'une colline. Déjà, pour s'y rendre, il faut marcher, profiter du grand air. Et, une fois là-bas, profiter de la vue, trois terrasses où des vieux oliviers tenaient bon, puis des amandiers et des cerisiers, et de la vigne aussi. Comme les matinées de septembre y sont calmes!
Comme dans d'autres bouquins de
Henri Bosco, la beauté (le sublime?) côtoie la terreur. Bon, ce terme est peut-être un peu fort mais il n'est pas très loin de la vérité. Chaque moment dramatique est suivi d'un autre, plus doux, où les attraits et les charmes de la Provence sont mis de l'avant. Ce roman est ponctué de paysages enchanteurs, de silences éloquents et de mystères. Malgré cela, une tension s'installe rapidement, fait régner une atmosphère vaguement menaçante qui atteint son paroxysme dans un dénouement spectaculaire où les éléments de la nature (une tempête) viennent compléter ce tableau.
À la fin du bouquin se trouve une liste des oeuvres écrites par
Henri Bosco. Les titres de plusieurs d'entre elles portent les noms de personnages de l'histoire :
Les Balesta,
Sabinus... Je suppose qu'eux aussi ont eu droit à leurs aventures, à leur roman.
L'épervier se lit très bien en tant qu'histoire à part entière. Toutefois, peut-être serait-il intéressant de lire les romans de l'auteur en ordre chronologique afin de se faire une meilleure tête de l'univers provençal de Bosco?