Éditions Marlo Quirvane
La maison d'édition Marlo Quirvane édite de courts textes de fiction, structurés en plusieurs collections. “
La nuit des éphémères” est éditée dans la collection “Fragiles pouvoirs”, dédiée à des bureaucrates, technocrates élitaires de l'administration qui se retrouvent dans les villes et campagnes.
Mise en pages
Les livres de cette maison d'édition sont petits, mais ils sentent bon, avec leur papier gros (4 à 5 gr.), couleur crème, joliment cousu. Et la typographie Garamond est attrayante.
Thomas Boudie
L'auteur est né à Agen, a ensuite grandi à la Réunion. Il a enseigné dans un collège zep (zone d'éducation prioritaire) durant une quinzaine d'années, où il a participé à de nombreux projets pédagogiques stimulants, avant de rejoindre un établissement du centre de la ville riche.
Il connait donc bien Agen, décor de ce livre. Mais
Thomas Boudie est également bien au courant des problèmes que connaissent les familles à faibles revenus, et du contraste avec la mentalité des familles riches. de tous ces éléments est né la nouvelle «
La nuit des éphémères ».
Les éphémères (ou mannes)
Partout dans le livre, l'auteur parlera de ‘papillons' quand il mentionnera les éphémères. Elles ne font pourtant pas partie de la classe des papillons. Ce sont de petits insectes volants qui ne vivent que pendant quelques heures. Ils en profitent pour s'accoupler, et les femelles pondent les oeufs sur l'eau.
Elles éclosent en même temps, et il y en a énormément. L'éphémère est attirée par la lumière et c'est pourquoi, elle s'accroche aux réverbères des roues et des ponts, ce qui cause des problèmes de circulation. Sur une route des États Unis, près d'un lac, on a déjà mesuré plus d'un mètre d'épaisseur de cadavres de mannes. La nuit des éphémères
Style
Le langage est très sobre. Chaque mot est à sa place et bien choisi, chaque phrase, chaque paragraphe. Aucun mot n'est de trop, mais il n'y a pas un seul mot de trop peu non plus .
Le style était tellement sobre, qu'un grand silence se déployait, dans lequel l'histoire pouvait se dérouler. Dans ce silence j'avais aussi le sentiment qu'il n'y avait aucun jugement. Les faits étaient racontés comme ils se sont déroulés, c'est tout. Après la lecture de cette nouvelle je n'ai pas eu le sentiment que la nouvelle avait été trop courte car tout était dit.
Le langage semble régulièrement un peu désuet, et un emploi du temps, des verbes, assez surprenants.
Peut-être ce style élitaire, mais très élégant, est utilisé pour accentuer le monde élitaire dans lequel le Préfet circule. Et… ça fonctionne !
Et puis, il y a pas mal de références à l'histoire, surtout à Napoléon, trop pour moi, dans un si petit texte.
L'histoire
On sent l'amour de l'auteur pour cette région. Mais aussi pour les personnages.
Pour les thèmes principaux je ne veux pas trop dévoiler. Je peux référer à ce qu'en dit la maison d'édition, car la description du livre est juste. Agen, Lot-et-Garonne, lutte des classes sociales, et surtout celle dans le couple.
Pour ceux qui ont lu livre, je peux ajouter mon interprétation du texte, qui révèle, pour moi, plus de thèmes.
Problèmes de communication : ce problème est présent partout dans le texte, et existe entre tous les personnages. Problèmes de communication entre le Préfet et sa femme Alice, une distance incroyable entre le maire et Alice, problèmes entre les préoccupations du Préfet et celles du maire… chacun est préoccupé par autre chose. Pourtant, si chacun avait bien, vraiment écouté ce que l'autre avait à dire, la finale aurait été évitée, la disparition peut-être même résolue, le mariage, sauvé. Et le fameux projet douteux, abordé autrement.
Encore un thème : croyance, superstition. le Préfet juge Alice trop croyante, superstitieuse. Il est vrai qu'elle pense parfois à son “destin”, entre autres.
Mais, si lui est tellement rationnel, pourquoi ce livre débute-t-il par un chapitre où il va tenter de se faire guérir par un guérisseur ?
Et lorsqu'il se moque d'Alice parce qu'elle s'accroche à tous les bons moments que leur couple a vécu, il compare cela à un christianisme mystique. Il dit « tu conserves ces morceaux de nous comme des reliques, tu retiens nos paroles comme des traces de l'Évangile. ». Est-ce que le christianisme non mystique est une chose rationnelle ? Est-ce que l'Évangile est important, est-ce que cela vaut la peine de croire en l'Évangile ? La croyance en un guérisseur et l'Évangile, n'est-elle pas autant croyance que les croyances plus personnelles d'Alice ?
Bref…
Rien que des superlatifs. Pour la très belle édition. Pour le style sobre, mais tellement beau. Pour les thèmes qui en valent la peine, les personnages agréables à découvrir. Un petit livre à lire, à reprendre en mains, à relire, et à chérir.
Je lis lentement, j'ai pu jouir de ce petit livre pendant deux soirées.
Remerciements
J'ai reçu un exemplaire du livre dans le cadre de Masse Critique. Un grand merci à l'équipe de Babelio et à la maison d'édition Malo Quirvane.