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sur 2972 notes
Dans un jardin public de Moscou, un écrivain et un poète discutent religion: Jésus a-t-il réellement existé? Alors que l'écrivain tente d'imposer sa vision des choses au poète, un troisième personnage apparaît subitement, comme issu d'un mouvement de l'air. Il se mêle à la conversation des deux hommes, dit être un professeur de magie noire en visite à Moscou pour une série de consultations et commence à raconter une étrange histoire sur Ponce Pilate.

Cet inconnu, c'est en fait le Diable. Il prédit la mort de l'écrivain et le séjour en hôpital psychiatrique du poète. Or, en sortant du jardin public, Berlioz, l'écrivain, meurt justement de la manière qu'a décrite le Diable...


Commencé en 1928 par Boulgakov, "Le Maître et Marguerite" ne fût terminé qu'en 1940, peu de temps avant la mort de l'auteur. Et il faudra encore attendre 1966 pour qu'il soit enfin publié en URSS, amputé de près de 80 pages par la censure...

Ce magnifique roman n'a donc pas été tout de suite reconnu à sa juste valeur. Et pourtant, quel chef d'oeuvre! Une profusion de décors et de personnages, des intrigues différentes d'un chapitre à l'autre, mais toujours mêlées les unes aux autres en font une magnifique fresque à la fois haute en couleurs et toujours en mouvement, un peu comme un carrousel en folie, lancé dans des tours sans fin et de plus en plus rapides.

Autour du personnage du Diable, qui, chez Boulgakov, se nomme Woland, s'organisent en réalité trois récits distincts. Tout d'abord, on assiste au drame dans lequel l'arrivée du Diable et de sa troupe plonge Moscou. Et quel drame! La milice moscovite donne l'impression de courir dans tous les sens afin de lutter contre les étranges événements qui se manifestent aux quatre coins de la ville: disparitions étranges, vol de certains morceaux de cadavres, détournement de fonds, femmes se baladant toutes nues (alors que Woland vient de leur offrir des robes de grands couturiers), fausse monnaie... Peu à peu, la ville entière est plongée dans la perplexité devant les phénomènes quasiment surnaturels qui se produisent à Moscou, habituellement si tranquille.

Ensuite, nous faisons la connaissance du Maître et de son histoire, qui forme le second récit à l'intérieur du "Maître et Marguerite". C'est par le biais du malheureux Ivan, le poète devenu fou et enfermé dans un établissement psychiatrique, que nous rencontrons ce fameux Maître. Lui aussi est pensionnaire de cet hôpital et raconte à Ivan les événements qui l'ont rendu fou. Ce Maître est, bien entendu, amoureux de Marguerite, une belle jeune femme qui l'a encouragé à poursuivre le roman qu'il écrivait lorsqu'ils se sont rencontrés (car le Maître est écrivain) et qui traite de Ponce Pilate.

Et ce célèbre personnage historique, procurateur de Judée au temps de la crucifixion de Jésus forme le troisième récit du roman. Nous suivons ainsi les pas de Pilate depuis le moment où il rencontre Jésus, tout d'abord grâce au récit de Woland, qui parle de ce moment historique à Berlioz et Ivan, et ensuite grâce au manuscrit du Maître.

Ces trois romans en un sont remplis de références et d'anecdotes en lien avec l'URSS de l'époque de Boulgakov. Et l'auteur n'est pas vraiment tendre avec son pays: il se lance plus d'une fois dans des scènes très cocasses qui donnent l'impression qu'il tente de ridiculiser l'ordre établi. Et heureusement pour nous, puisque c'est justement cet humour assez cruel de Boulgakov qui, mêlé aux nombreux tours et détours du récit, font du Maître et Marguerite un véritable délice!
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Le Maître et Marguerite, c'est un livre d'une folie incroyable, le livre de toute une vie pour son auteur, Mikhaïl Boulgakov, dont l'écriture l'a accompagné presque jusqu'à la mort. Ne comptez pas sur moi pour tenter de vous en résumer l'histoire ou esquisser l'intrigue ; je suis ressorti de ce texte lessivé, essoré, comme démembré, revenant d'une autre planète, d'un ailleurs sidéral, d'un endroit invisible pour le regard du commun des mortels, quelque chose qui vous échappe, vous dépasse complètement, et cela presque à chaque page.
Si je commence à vous raconter, ne serait-ce que le début du récit, vous aurez du mal à me croire et je risque de subir le même sort que l'un des personnages du roman, un certain Ivan Nikolaïevitch Ponerief qui finit à l'hôpital psychiatrique, pour la simple raison que ce qu'il vient de vivre en cette fin de journée printanière des années trente à Moscou, relève de la pure folie et qu'il a le malheur de vouloir le raconter autour de lui tel qu'il vient de le vivre.
Imaginez un récit où brusquement viennent se mêler comme dans un capharnaüm insensé : un étranger capable de lire l'avenir, un personnage maléfique qui se transforme en chat amateur de Cognac et de thé et qui, plus tard, arrachera la tête d'un animateur de spectacles, des femmes rousses qui s'envolent nues dans la nuit étoilée chevauchant un balai, des roubles qui se transforment en dollars et qu'on dissimule aussitôt dans des gaines d'aération de toilettes, un homme transformé en pourceau... De temps en temps, un autre texte surgit, d'un temps ancien se situant à Jérusalem, le procès d'un certain Yeshoua mené par le procurateur Ponce Pilate, homme lâche, soucieux de sa carrière plutôt que de l'équité de la justice. L'ombre de Jules César plane au loin, pour un peu on lui devinerait une sorte de moustache à la Groucho Marx et on le surnommerait le Petit Père des peuples... Les deux récits vont se faire écho, finir par s'entremêler, donnant sens peu à peu à l'ensemble du roman...
Et puis, brusquement, comme un tournant du récit, tournant les pages du récit comme les ailes d'un moulin à vent, il y a ce bal éperdu, échevelé, enivré par le trouble de la pleine lune...
Ce n'est pourtant pas ce genre de littérature qui m'attire habituellement...
Si le récit est enlevé, il n'en demeure pas moins complexe comme un puzzle où il nous faut rassembler quelques morceaux éparpillés pour tenter de reconstituer une tentative de compréhension, convoquant l'étonnement et l'imaginaire du lecteur que je suis, me transformant peut-être à mon tour dans l'effervescence des mots.
Au début de ma lecture, j'ai avancé à tâtons dans ce texte multiple, un peu comme Alice au Pays des Merveilles, sauf qu'ici le pays que j'ai découvert était semé de figures démoniaques. C'est un texte fait de chausse-trappes, se jouant du temps et le façonnant à sa manière, les chapitres se succèdent dans un tourbillon vertigineux, sans logique apparente, chaque personnage entre en scène et tire sa révérence pour laisser d'autres apparaître ; un fil semble pourtant se tisser entre eux, à peine perceptible au regard du lecteur. Le Maître tarde à venir, comme un héros attendu, guetté par le lecteur, j'y ai vu ici comme une sorte de double de Boulgakov, le Maître, celui-ci n'étant plus nommé que de cette manière, écrivain ayant perdu son nom, peut-être son identité, mais pas son âme, son nom est effacé, comme figurant déjà les prémices d'une violente répression à l'égard de l'art, des artistes, de la culture, celle qui existait avant...
Dans cette étrange féérie macabre et gothique, se dégage un texte dont la fluidité de la lecture peut surprendre, il n'en demeure pas moins que l'architecture du récit est complexe, vertigineuse, abyssale, déroutante. Mais au final, contre toute attente, je suis parvenu à retomber sur mes pieds, à avec nettement moins de désagréments que certains des personnages du livre. Au final, tournant les dernières pages du roman, se dessinait dans mes yeux comme le soupçon d'une harmonie.
Au coeur du récit, il y a aussi une passion amoureuse, celle de Marguerite et du Maître, Marguerite convoque le mythe de Faust, invitée à vendre son âme au diable en devenant reine du fameux bal, pour retrouver le Maître et son amour.
Et si tout ceci était bien réel finalement... En effet, il y a quelque chose qui ressemble à une farce pitoyable et ubuesque, comme le fut le régime stalinien, aussi cruel fut-il. Ce livre est une sorte de parodie grotesque de tout cela, un pamphlet politique, une satire diluée dans un conte fantastique et cauchemardesque. Les gardiens de la censure n'y aurait-il alors vu que du feu ? Auraient-ils été nigauds à ce point ? Sans doute que oui, mais des nigauds cruels à la botte d'un dictateur fou qui tirait les marionnettes, sorte de réincarnation diabolique...
Et c'est là que nous sommes invités à lire d'une tout autre manière ce roman qui a subi la censure sous le régime soviétique et la dictature stalinienne. Des notes de bas de page invitent à décrypter le texte, à en dévoiler les zones souterraines, la façon dont certaines phrases censurées jusque-là, furent réhabilitées au récit, en 1966.
J'ai rencontré Mikhaïl Boulgakov, si je peux m'exprimer ainsi, en découvrant sa statue à l'allure fière et austère, tout près de sa maison natale devenue le musée qui lui est dédié, à Kiev, dans la fameuse et très belle descente de Saint-André. La veille, je venais de faire connaissance avec celle qui allait devenir mon épouse. Nous étions en fin décembre 2014, quelques mois après les événements de la place Maïdan, la capitale commençait à respirer tout en se souvenant des cent neuf manifestants abattus dix mois plus tôt sous les balles des snipers pro-russes embusqués sur les toits et dans les chambres des deux grands hôtels qui dominaient la place. Le lendemain, je découvrais une horreur dans l'histoire de l'Ukraine, en visitant le mémorial consacré à cet événement, cette gigantesque famine des années trente appelée Holodomor, restée presque inconnue des manuels d'histoire très longtemps, voulue par Staline, un véritable génocide pour faire plier la paysannerie ukrainienne sous le joug du régime soviétique. Le roman, le Maître et Marguerite se situe précisément à cette période où des millions d'ukrainiens ont péri. J'ai pensé que Mikhaïl Boulgakov avait sans doute aussi le dessein de vouloir dénoncer le mal fait à son pays d'origine. Au moment où j'achève l'écriture de cette chronique, je découvre cette mise en abyme et qui fait écho aussi à l'Ukraine que j'ai appris à découvrir il y a cinq ans maintenant...
Le Maître et Marguerite est un texte difficile, mais magnifique à plus d'un titre, qui mérite le détour.
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Avec le Maître et Marguerite, je replonge avec délice dans la littérature classique.
Publié pour la première fois en 1966, ce récit a pourtant été entamé en 1928 par son auteur, Mikhaïl Boulgakov, et terminé seulement en 1940, peu de temps avant sa mort.
La plus grande partie de son oeuvre ayant été victime de la censure, l'écrivain incompris et souffrant de ne pouvoir écrire, se venge en quelque sorte à travers cette satire de la société russe dans laquelle le diable et sa suite font des ravages en s'en prenant à l'intelligetsia moscovite.
Un conte fantastique , onirique, cynique, dans lequel prend forme un deuxième récit qui se déroule en Judée, sous l'hégémonie de Ponce Pilate et qui relate, de façon gnostique, la comparution de Yeshoua, ainsi que son exécution.
Boulgakov met l'accent sur la lâcheté du procurateur romain qui préfère exécuter un innocent plutôt que ruiner sa carrière, et par la même occasion, fait un parrallèle avec ce qu'il considère comme sa propre lâcheté intellectuelle.
Marguerite n'apparaît que dans la deuxième partie du roman et semble être celle qui, par son amour, soutient l'écrivain dans son entreprise et va jusqu'à pactiser avec le diable pour que l'homme qu'elle aime puisse retrouver sa liberté d'écriture.
Une très belle plume, riche et complexe, qui interpelle régulièrement le lecteur, le bousculant dans sa lecture ou le prenant à témoin.
Une histoire qu'il est difficile de résumer tant elle est empreinte d'imaginaire, de situations surnaturelles et cocasses et sous l'humour desquelles pointe la révolte, la dénonciation de tout un régime et de sa milice pervertie.
Je ne peux m'empêcher d'admirer ces auteurs qui s'obstinent, dans d'énormes souffrances, à faire passer leurs idées à tout prix au risque de se voir sanctionner et dont le talent consiste à "ruser" avec le pouvoir, fabulant pour mieux critiquer.
Difficile mais superbe...un peu long quand même.
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Discutez avec des russes et vous remarquerez que certains romans déchaînent les passions. le Maître et Marguerite est de ceux-là. Il représente, pour les uns, ce qu'il se fait de mieux en littérature russe moderne et pour les autres une oeuvre hermétique qui part dans tous les sens. Après avoir lu, du même auteur, Coeur de chien, Morphine et le journal d'un jeune médecin, il me fallait lire ce roman phare du XXème siècle afin de comprendre pourquoi il tient une place à part dans le coeur des russes et comment il a influencé une génération au niveau mondial.

Pour ce faire, il est utile de rappeler que le Maître et Marguerite a été écrit par Mikhaïl Boulgakov à l'ombre de la répression communiste à Moscou, entre 1929 et 1940. L'auteur mourra en 1940 bien avant que le roman ne soit complètement publié, ce qui sera chose faite seulement en 1973. En effet, ce texte a été proscrit (à la manière de l'art jugé dégénéré par les nazis) par le système communiste puisqu'il s'agit d'une satire, à peine masquée, de ce dernier.

L'histoire est celui de l'apparition du diable sous forme humaine (ainsi que de ses acolytes). Ils vont mettre Moscou sans dessus-dessous en s'engouffrant dans les failles de chacun des personnages qu'ils rencontrent sur leur passage. Parmi les personnes que Woland (le diable) rencontrera il y a le Maître, un auteur déçu de ne pas voir son roman sur Ponce Pilate publié ainsi que Marguerite qui est éperdument amoureuse du Maître.

Boulgakov n'était pas un auteur de compromission, il a ainsi créé des personnages et des scènes hauts en couleur, comme pour trancher avec la vie grise des moscovites sous le régime communiste.

Un des personnages les plus épiques est sans doute Behemot, un disciple du diable qui a l'apparence d'un chat et qui alterne pitreries, magie noire et absurdités:

"– J'ai l'honneur de vous présenter…, commença Woland, mais il s'interrompit aussitôt: Non impossible, je ne peux pas voir ce paillasse ridicule! Regardez en quoi il s'est changé, sous le lit!

Debout sur ces deux pattes, tout sali de poussière, le chat faisait une révérence à Marguerite. Il portait autour du cou une cravate de soirée blanche, nouée en papillon, et sur la poitrine, au bout d'un cordon, un face-à-main de dame en nacre. de plus, ses moustaches étaient dorées."


Un autre élément original est la scène centrale du livre qui se situe dans un théâtre de Moscou où la clique de Woland effectue une séance grandiose de magie noire devant une foule en délire.

Le thème de la magie est omniprésent dans le livre et Boulgakov parvient à rendre cet aspect fantastique presque vraisemblable.

La présence de cette thématique n'est pas sans rappeler le film de Woody Allen, Magic in the moonlight, qui se déroulait aussi dans les années 1920 (aux États-Unis) et qui se basait sur le célèbre illusionniste Harry Houdini.

Cette époque était sans doute friande de ce genre de spectacle et il n'est pas étonnant que Boulgakov ait utilisé ce thème de la magie pour faire sa satire de la société moscovite. Quoi de plus percutant que des tours de magie pour tourner en ridicule certains personnages — voire tout un système.

Il n'est pas rare dans le Maître et Marguerite de voir certains personnages transformés en cochons, des têtes coupées qui continuent à vivre, des billets tombant du ciel et des femmes qui se retrouvent honteusement en petite lingerie sur le trottoir moscovite.

Face à ce déferlement d'événements fantastiques, les autorités auront une fâcheuse tendance à psychiatriser les victimes … comme la répression communiste sous Staline!

Dès lors, il me semble avoir trouvé une analogie entre Yvan Bezdomny, qui est interné car il déclare avoir vu un chat humain monter dans le tramway, et le film américain Harvey (1950) où un certain Elwood est à deux doigts de se faire interner car il voit un lapin-humain. Dans les deux cas, la psychiatrie est présentée comme une prison où l'on soigne très peu le patient concerné et où il est enfermé afin de ne pas nuire au monde extérieur.

Il n'est donc pas étonnant qu'avec ce genre de satire le Maître et Marguerite fût interdit de publication (dans sa version complète) jusqu'en 1973 et la quasi fin du régime communiste en Russie.

Mais résumer ce roman à une unique satire serait omettre sa qualité d'histoire bien construite car le Maître et Marguerite est écrit avec une introduction, un milieu et une fin nettement définie. Sans doute faut-il y voir le travail de peaufinage de Boulgakov s'étalant sur plus de dix années pour ce seul roman. Nous disons parfois que le mieux est l'ennemi du bien mais dans ce cas-ci les nombreuses modifications apportées par l'auteur auront permis de rendre ce roman complet.

De plus, certains éléments du personnage du Maître laissent à penser qu'il est un mélange de Boulgakov lui-même et de Gogol. On peut ainsi aisément faire le parallèle entre la dépression qui emporte le Maître suite à la non-publication de son roman et les nombreux refus que Boulgakov a essuyé pour certaines de ces oeuvres pendant une période de sa vie.

L'auteur russe avait aussi un intérêt prononcé pour Gogol et il n'est pas anodin que la scène où le Maître jette au feu son roman fasse penser à l'épisode réel de la vie de Nicolas Gogol où ce dernier brûla la suite des Âmes Mortes.

En conclusion, là où Tolstoï et Dostoievski méritent souvent une introduction avant de pouvoir profiter pleinement de leurs oeuvres, le Maître et Marguerite de Boulgakov se lit aisément dès les premières pages. L'apport du fantastique a une réelle portée cinématographique au point que certaines scènes du livre rappellent des détails que l'on retrouve dans beaucoup de fils fantastiques actuels (chez Tim Burton par exemple). Je ne suis donc pas étonné que le livre de Boulgakov soit dans les premières places des romans préférés de la jeune génération russe.
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« Lire le Maître et Marguerite au lycée était une expérience fabuleuse, mais je suis folle de jalousie à l'idée qu'il existe des adultes qui vont encore découvrir ce plaisir. Parfois, je me demande comment ça serait de lire Boulgakov pour la première fois aujourd'hui. » Les Impliqués - Zygmunt Miloszewski

Piquée par la curiosité, il fallait que je sache après avoir lu cet extrait, d'autant que j'avais apprécié cet auteur polonais. Je peux répondre maintenant que c'est une expérience inédite et fabuleuse de lire Boulgakov (même bien après le lycée).

C'est un magnifique roman, qui nous ballade des murailles du Kremlin à celles de Jérusalem avec une aisance qui sidère tant les imbrications de temps et de lieux sont faites avec brio, pour ne former qu'une seule histoire, une histoire incroyable ! Rendez-vous compte, j'étais avec Ponce Pilate et l'instant d'après je parlais avec  Béhémoth, un chat « au culot incroyable » dans Moscou au 20ème siècle. Et tout me paraissait d'une implacable logique dans cette trame à la fluidité limpide. Une prouesse !

Les personnages sont incroyables, les thèmes multiples : il en va de la romance amoureuse, du surnaturel, de la critique du système social et politique russe -« dès qu'on ouvre la bouche, les gens croient qu'on veut les arrêter ! »-, des renvois à des auteurs appréciés par Boulgakov, du merveilleux, en un mot : du spectacle ! le tout enrobé d'humour et de drôlerie sous une plume enjouée et légère, révélant une maîtrise de bout en bout de cette oeuvre.

Je crois que le moment le plus incroyable a été le chapitre du bal car j'ai oublié que j'étais en train de lire. Mais comment a-t-il pu faire ça ? « Le diable seul le sait ! » Je ne me suis pas rendue compte que je tournais les pages. Envoutée par les lieux et les créatures insolites qui apparaissaient et l'inquiétude que j'éprouvais -ne connaissant pas l'issue dans un tel cas de figure- à l'idée que Marguerite oublie par mégarde les consignes qui lui avaient été prescrites de manière si rapide ou qu'elle ne supporte plus la douleur. Je me suis également beaucoup amusée dans la maison des fous avec le poète Biezdomny alors que « les choses tournaient maintenant à l'absurde. »

Alors comme l'écrit Boulgakov : « Lecteur – suis-moi ! » ...je vous le conseille. Les yeux fermés, suivez le.
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Woland, diabolique magicien noir, son interprète Koroviev et l'humanoïde chat Béhémoth causant un sacré bordel dans le petit théatre moscovite des Variétés.

Confronté aux incroyables tours du magicien, le personnel finissant par échoir à la clinique psychiatrique du Dr Stravinski.

S'ennuyant dans son couple, Marguerite, élue reine des sorcières nues au bal de la pleine lune, à la recherche de son amant, le 'Maître' puni pour son étonnant manuscrit relatant la 'Passion selon Boulgakov'.

Et le plus magique dans tout ça, l'écriture de Boulgakov qui ferait presque passer pour naturel ce petit monde farfelu!
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Irréductible
Le roman de Boulgakov est brillant, anti-conformiste, truffé de références et contient beaucoup, beaucoup de farce. Alors parfois, c'est un peu étouffe chrétien. Il faut faire une pause, boire un coup pour éviter le hoquet, avant de reprendre la lecture. Mais quand on a fini, on a envie de le relire pour savourer.
J'ai essayé de récapituler quelques tranches du mille-feuilles:
-un roman parodique de l'Evangile selon Saint-Matthieu dont le personnage principal est Ponce-Pilate. Un complice ? Un lâche ? Une victime ? Un jouet du Destin ?
-un roman sur le Maître, le romancier qui écrit le Ponce Pilate. Il n'est pas édité, il brûle son manuscrit, il est persécuté par le régime et se retrouve chez les fous...
-un roman carnavalesque : le Diable et sa très fine équipe, en redresseurs de torts. Ils punissent les lâches, les carriéristes, les profiteurs, les corrompus du régime.
-un roman romantique faustien parodique. Marguerite devient une sorcière à balai à frou-frou, puis une reine Margot pour retrouver son bien aimé le Maître.
-un roman métaphysique: si le Diable est très présent, Dieu brille par son absence. Le Créateur est peut-être las de sa Création à l'image du Maître.





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C'est sûr, on a immédiatement l'impression de lire un monument de la littérature. Et combien lisible. le style est rythmé et entraînant.
Histoire un peu folle et onirique de l'intervention de Satan en terre de Russie, Satan dont les sbires font des rafles et des crimes sans beaucoup de sélection, ce qui rend l'ombre de Staline omniprésente, et version revue et corrigée, ou plutôt vision gnostique du martyre de Jésus, le tout accompagné de l'histoire d'amour entre le Maître et Marguerite. Et c'est cette histoire d'amour qui m'est apparue improbable et ne m'a pas séduite, entre celui que Marguerite appelle Maître et cette femme qui a surtout pour elle d'être très belle, qui me fait dire très bon livre mais pas le coup de coeur que, sans doute, je rêvais d'avoir.
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A peine entamé, je ne l'ai plus quitté ! Les aventures fantastiques de l'homme à la tête coupée et du chat démoniaque qui disparaît et réapparaît à plaisir (entre autres) m'ont délassées. Quel brillant conteur que cet auteur russe du siècle dernier ! L'apparition de Marguerite Nikolaievna, l'amante du Maître - 30 ans, belle, intelligente, et mariée - sans enfants - à un très éminent spécialiste au début de la deuxième partie du récit fut très ensorcelante et pour cause, grâce à Azazello et sa petite boite d'onguent, elle retrouve toute sa jeunesse et mieux devient notre Sorcière bien-aîmée, enfourchant un balai pour s'envoler dans les airs pour notre plus grand plaisir ! Toute cette poésie fantastique digne d'un Lewis Caroll (le chat farceur) nous tourne la tête pour que l'on ne s'appesantisse pas sur la thématique la plus profonde qui est dans beaucoup d'ouvrages russe, tchèques ou autres : la pesanteur de leur bureaucratie, leur système répressif (cf le psychiatre Stravinski), les problèmes de logement et de nourriture (voir la maison du DRAMLIT - Maison des dramaturges et des littérateurs),... Dès le début, on voit que l'écrivain n'est pas libre : il doit adhérer au système et intégrer une association littéraire pour avoir une reconnaissance. A Moscou, on la nomme MASSOLIT et son président qui est aussi le rédacteur en chef d'une épaisse revue littéraire aura dès le début un sort tragique ! A cela, on peut voir que Mikhail Boulgakov est contre cet abus de pouvoir et recherche à tout prix plus de liberté dans un pays qui les retient. L'histoire qui court en parallèle de Ponce Pilate, Judas et Jésus-Christ est également très attachante. On voit le procurateur de Judée pris de remord et comme dans le mythe de Sisyphe il sera pour des siècles et des siècles éternellement tourmenté par son acte. Je viens de le lire mais je le relirai encore avec plaisir quelques années plus tard. Un beau livre.
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Grâce soit rendue au confinement, il m'a permis d'avoir le temps d'aborder quelques monuments de la littérature, laissés en rade depuis longtemps! (Ceci dit, je n'arriverais sans doute pas à terminer À la Recherche du Temps Perdu! Je ne suis qu'au début de A L'ombre des jeunes filles en fleur!).

Je sors bouleversé, émerveillé, ému, de la lecture de ce roman, un récit qui mêle fantastique et réalité, dans cette tradition russe unique, héritée de Pouchkine et de Gogol.

Il est difficile de résumer cette histoire assez complexe, avec un récit principal et un récit secondaire que l'on découvrira comme le roman du Maître consacré à Pilate. Un récit où interviennent de nombreux personnages, avec des "petits rôles" savoureux, telle cette Annouchka, surnommée "la peste".

Il y a une portée symbolique forte à ce roman que Boulgakov débuta en 1928 termina en 1940 quelques semaines avant sa mort, et qui ne fut publié que bien plus tard...Mais, comme le dit Satan-Woland, dans une phrase prophétique "les manuscrits ne brûlent pas" .
Boulgakov y règle, de façon burlesque et fantastique, ses comptes avec le monde du théâtre qui lui fera toute sa vie des tracasseries puisque, sauf une, ses pièces seront refusées par la censure. Cette tyrannie des "autorités littéraires" sera aussi moquée dans son livre inachevé, le Roman Théâtral.

Dans ce roman, Satan, le diable vient à Moscou. Satan c'est Woland, accompagné de ses extravagants acolytes, une drôle de trinité formée par deux lascars: le grand échalas Koroviev et le petit gros Azazzelo, et un énorme chat qui parle, Behemoth. Satan n'est pas ici celui qui apporte le mal, mais plutôt une sorte de justicier impitoyable qui va dévoiler et punir la laideur et les mensonges de tout ce monde du Théâtre des Variétés de Moscou.
Wolan et ses acolytes, par leurs pouvoirs magiques vont chambouler complètement la vie de tout ce petit monde littéraire et théâtral (l'incroyable description burlesque du spectacle de Woland et compagnie au Théâtre, celles non moins savoureuses au restaurant des auteurs littéraires), et apporter la folie ou la mort à certains des membres de cette confrérie.
Et puis au milieu de ce roman d'une magnifique construction, apparaissent les héros, le Maitre et Marguerite.
Le Maitre, (est-ce Boulgakov?) est un auteur tourmenté et pessimiste, qui n'a pas confiance en lui, qui a choisi, par désespoir, d'être enfermé dans une clinique psychiatrique.
Marguerite, son amante, c'est le personnage solaire, merveilleux du roman. Une héroïne positive, charismatique, dont l'amour pour le Maitre bousculera tout. Oui, pour Boulgakov, on peut dire que la femme est l'avenir de l'homme!
A l'inverse de la Marguerite du Faust de Goethe, c'est elle qui va pactiser avec Woland-Satan, et les deux amants, le Maitre et Marguerite, dans la mort, quitteront la terre et sa médiocrité pour la contrée du bonheur.
Et inséré dans le roman, il y a le récit écrit par le Maître sur l'histoire de Pilate et son remords éternel lié à sa lâcheté à n'avoir pas gracié Yeshoua, un Jésus décrit plutôt comme une sorte de "hippie", de moine bouddhiste, que comme le Fils du Dieu des chrétiens. Quel sens prend ce récit dans le roman? Faut il y voir, un sens autobiographique? On sait que Boulgakov a obtenu de façon totalement inattendue, l'aide de Staline pour qu'une de ses pièces de théâtres puisse être jouée, après lui avoir écrit, en substance "soit vous m'aidez à ce que ma pièce puisse être jouée, soit je me suicide". Et donc ce fait d'avoir été "protégé" par Staline (même si, au demeurant, les censeurs vont quand même lui mettre sans arrêt des bâtons dans les roues) et que donc il a échappé au Goulag, ce qui n'a pas été le cas de beaucoup d'autres écrivains de son époque, a sans doute été perçu par lui comme de la lâcheté, qualifiée de la pire des fautes par Yeshoua. Mais c'est peut être aussi une allégorie de la lâcheté de tous ceux qui, dans l'Union Soviétique des années 30, se sont tus devant la répression de milliers d'innocents.

En conclusion, c'est un roman merveilleux, magnifiquement construit et écrit, avec une dimension magique et subversive, dont je n'ai sans doute pas compris toute la richesse, les références littéraires, les symboles tels que les thèmes de la lune, de l'orage, de la nuit...

Et on y rit et on y pleure.
On pleure d'émotion dans le dernier chapitre, quand Marguerite et le Maître s'en vont sur leurs chevaux, libérés de la "boue" de la terre, quand le Maître redonne sa liberté à Pilate, quand le Maitre et Marguerite arrivent à leur maison éternelle.
Et on rit quand, dans l'épilogue, l'auteur raconte de façon désopilante, les dernières conclusions de l'enquête sur les événements qui se sont produits à Moscou, un vrai sommet d'humour slave...

Il y a aussi en arrière plan, je trouve, toute une réflexion sur la vérité et le mensonge, cette vérité fabriquée omniprésente à l'ère soviétique. Mais finalement, à notre époque contaminée par les fake-news propagées sur les réseaux sociaux, les contre-vérités de toutes sortes utilisées comme des armes, avons nous vraiment progressé?
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