Mes Gaston Lagaffe ont vécu, ils tirent la tête, déchirés, trop utilisés, trop lus, mais je n'en changerai pour rien au monde car ils ont bâti mes fondations. J'ai vu qu'ils étaient réédités par thème, notamment celui sur la musique. Dans la préface,
Antoine de Caunes y sort une évidence que je n'avais jamais remarquée :
Franquin avait fait entrer, par le biais du Gaffophone et des diverses formations musicales que Gaston tentait de mettre au point pour des résultats constamment catastrophiques, le rock dans la bd. Sa part la plus importante en tout cas : l'esprit de rébellion, d'insouciance et de non-conformisme, son hédonisme, son partage.
Les liens entre bds et rock sont nombreux, et bien que ce soit mes rares centres d'intérêt (le sexe, la bouffe et les sciences n'émergeant que de ma partie animale), je n'ai malheureusement pas une culture assez étendue pour en tracer un historique. Les pochettes de disque faites par des dessinateurs reconnus sont légion (Cheap Thrills en est l'exemple parfait, la pochette de Crumb valant à elle seule l'envie d'acheter le vinyle) et les magazines de rock se sont toujours échinés à produire quelques bds dans leurs pages, la plupart du temps en détournant des stars pour en faire des héros de bd (comme Les Closh de Rock & Folk - ou était-ce Best ?). Et bien sûr, les affiches de concert sont une grande page pleine de promesses de liberté pour un auteur de bd.
Ces liens se multiplient ces derniers temps, des concerts-bds voient le jour, et les ouvrages mixant les deux mondes apparaissent sans cesse. Je citerai les inégaux Rock Strips qui donnent le point de vue de nombreux auteurs (d'où l'inégalité) sur un de ses groupes fétiches et le récent Liverfool qui illustre les Beatles d'un point de vue inédit.
Alors que
le petit livre rock proposait un format de 45 tours pour intégrer des anecdotes retraçant tout le rock depuis ses débuts, ce 45 tours rock prend les atours d'une classique bande dessinée franco-belge pour rendre hommage à des chansons remarquables. Un 48 pages cartonné couleurs regroupant non pas un gag par planche mais un 45 tours par page, avec une trame constante : titre, pochette, fiche technique, description et zones variables. J'aime beaucoup celles nommées "C'est quoi le rapport ?", puisqu'elles lient la chanson à un autre groupe, un autre titre, pour donner un point de vue complémentaire.
Deux éléments constants expliquent la réussite qu'est 45 tours rock. Tout d'abord la précision des informations, l'érudition maniaque de
Hervé Bourhis envers ces objets, ainsi que la concision avec laquelle est décrite la chose la plus indescriptible : la musique. Television a effectivement fait le solo de rock le plus échevelé,
Elliott Smith est un des meilleurs enfants de Big Star, etc etc etc... le second élément consiste dans l'intention inverse à
Franquin : faire rentrer la bd dans le rock. Car tout est sérieux ici, tout est vrai, tout est vécu. Mais tout est dessiné et redessiné, et les quelques strips imaginant les rockers (comme le renvoi de Brian Jones des Rolling Stones) servent uniquement de décompression, comme la blague que le prof de maths lâche une fois par heure si il est sympa et s'il veut garder l'attention de ses élèves.
C'est une chouette idée. Si tous les groupes suivaient Gorillaz (auteur :
Jamie Hewlett) et abandonnaient l'envie de se montrer pour être représentés réellement par des dessins aussi réussis, on aurait moins de modes idiotes, moins d'icônes en carton, et des supers posters.