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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Explorer les fêlures et la mélancolie des êtres ; sonder les âmes de ceux qui sont temporairement en marge des chemins de vie habituels ; placer ses personnages sur l'étroite ligne de crête qui permet de basculer dans le rebond ou dans la chute… William Boyle n'est jamais aussi bon que lorsqu'il laisse libre cours à son humanité littéraire.

Comme hier dans Gravesend ou Tout est brisé, il renoue avec ces thèmes dans La Cité des marges, traduit par Simon Baril, confirmant - à qui en douterait - son extraordinaire talent de conteur lorsqu'il s'agit de raconter la vie des gens simples.

Simple, Donnie ne l'est pourtant pas. Ex-flic et bras armé d'un caïd local du Brooklyn rital, il bascule un matin dans le meurtre en poussant un peu trop loin le zèle de la correction initialement demandée. Une légère bavure vite maquillée en suicide, sans grande conséquence. Jusqu'à ce que deux ans plus tard, la conjonction des hasards fasse ressortir l'affaire, et appelle à la vengeance.

La conjonction des hasards, ce sont des femmes et des hommes inconnus les uns des autres jusque-là, qui vont finir par se croiser. Loin de la théorie des six degrés de séparation, une rencontre devient un lien vers le passé, qui en génère une autre et ainsi de suite. Jusqu'au drame.

Et c'est là que Boyle donne son meilleur, dans l'approche de ces « marginaux » dont la vie peut, ou va basculer, notamment des femmes et des mères : Donna, l'ex-femme de Donnie, qui ne se remet pas de la mort de son fils mais qui retrouve l'espoir d'un avenir avec Mickey ; Ava, mère méritante qui va croiser la route de Donnie, peut-être pour le meilleur ; Antonina, en pleine bascule entre vieille ado ou jeune adulte ; Et même Nick, bouffon obsessionnel et auteur putatif persuadé d'être à deux pas du moment de gloire qui lui est nécessairement promis.

Toute cette galerie de personnages forme un microcosme attachant, placés chacun à des moments charnières de leur vie, où s'ouvre – même faiblement – la lueur d'un autre possible. C'est dans ce moment qu'ils sont faibles, hésitants ou fanfarons. Et c'est dans ce moment qu'ils sont beaux, magnifiés et attachants. Et c'est là que Boyle est grand.

D'autant plus qu'il renoue ici avec les codes appréciés de ses premiers romans : un quartier qu'il affectionne et qu'il décrit avec l'amour aveugle de l'enfant nostalgique ; des bagnoles dont les noms – Brougham, de Ville, Cutlass Ciera – font rêver le petit frenchie amateur de chromes US ; des références (Hunter S Thompson, Mean Streets, Carrie, Frantic, Nick Cave, This Mortal Coil, Gang of Four, Patti Smith…) de son panthéon littéraire, cinématographique et surtout musical, lâchées au détour d'une phrase.

Lire Boyle, c'est avoir l'impression d'être invité à passer un moment avec lui, dans sa famille, sans jamais avoir le sentiment de déranger. Alors assieds-toi, sors un vinyle de Garland Jeffreys et mets New York Skyline en fond. Tu peux maintenant savourer La Cité des marges.
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On dit de William Boyle qu'il est le Balzac américain tant la galerie de ses personnages offre une étude des moeurs et sentiments dont sont capables les hommes.

Resserrées à Brooklyn, et plus particulièrement dans le quartier Gravesend (où l'auteur est né, a vécu de longues années et travaillé en tant que disquaire), les intrigues de Boyle relèvent, il est vrai, davantage de la Comédie humaine que de simples histoires de polars. L'auteur tresse un écheveau de destins, de vies d'hommes et de femmes que son imagination de romancier fait s'entrechoquer, se croiser, se lier.

Comme dans son précédent roman, L'amitié est un cadeau à se faire, William Boyle débute son récit par un acte violent commis par un protagoniste qui aura des conséquences sur tous les autres ; Comme Rena et son coup de cendrier sur la tempe de son voisin dans le roman précité, ici, c'est le coup de batte de base-ball asséné par Donnie, le flic corrompu, sur le jeune Mickey, suivi par l'élimination expéditive et cruelle d'un débiteur qui va précipiter le carambolage humain deux ans plus tard.

Trois hommes, Donnie, Nick et Mickey, et quatre femmes Ava, Rosemarie, Donna et Antonina : sept personnages forts, que le destin, la brutalité de la vie au sein de ce quartier pauvre et gangrené par la mafia et la délinquance vont se faire télescoper. Si certains se connaissent, sont mère et fils, ex-conjoints, amants, ou tout simplement voisins, d'autres n'étaient pas faits pour se rencontrer hormis des hasards malheureux et des alliances mal choisies.

William Boyle les connaît ces personnages pour les avoir fréquentés, côtoyés. S'il décrit leurs violences, leur détresse, leurs vices, il empreint toujours leur psychologie de beaucoup de douceur et d'empathie.

Le talent de l'auteur nous fait éprouver l'immense chagrin de Donnie d'avoir perdu son petit garçon, la solitude de Donna et sa touchante renaissance dans les bras d'un jeune homme qui pourrait être son fils, les provocations d' Antonina, adolescente sans repères, le quotidien solitaire d'Ava, les rêves chimériques de Nick pour devenir quelqu'un et sortir de son quartier.

Aucun manichéisme dans ce roman bouleversant, formidablement construit et parsemé de références à la musique et au cinéma. A lire avec en bande-son l'album Nebraska de Bruce Springsteen et les mélodies de Neil Young.

En somme, plus je découvre cet auteur, plus j'aime le lire. Éteindre la lune sera le suivant, j'ai hâte !





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Pour son premier roman, William Boyle endossa le numéro 1000 de la collection Rivages avec Gravesend, qui emprunte son nom à un quartier de Brooklyn où l'auteur a passé toute son enfance. Il s'agissait là d'une des dernières découvertes de François Guérif pour Rivages, ceci avant qu'il n'intègre la maison d'éditions Gallmeister que William Boyle rejoindra plus tard. Roman noir par excellence, Gravesend soulignait déjà le talent d'un auteur accompli qui parvenait à restituer l'atmosphère d'un secteur méconnu de Brooklyn au rythme d'une tragédie qui prenait forme peu à peu autour des personnages qui peuplaient le quartier. Sur la couverture de Gravesend figure la photo de la devanture décatie du Wrong Number, un bar d'habitués qui devient l'un des points centraux de la Cité Des Marges, dernier roman de William Boyle qui nous offre une nouvelle immersion au sein du lieu où il a grandi en se remémorant la période des années 90.

Un soir de juillet 1991 à Brooklyn, Donnie Parascandolo donne une leçon au jeune Mickey Baldini qui draguait une fille du quartier. Dans la foulée, ce flic brutal et corrompu décide de s'en prendre à Giuseppe, le père de Mickey qui doit plus de 25'000 dollars à Big Time Tommy, un caïd du quartier. Outrepassant les règles de l'intimidation et se moquant bien de récupérer l'argent de cette dette de jeu, Donnie emmène Giuseppe au Marine Parkway Bridge pour le balancer froidement dans les eaux du détroit de Rockaway. le meurtre prend l'apparence d'un suicide, affaire classée, ceci d'autant plus que nul n'oserait inquiéter un flic de l'envergure de Donnie. Mais bien des années plus tard, Mickey apprend ce qu'il est réellement advenu de son père et prend une décision qui va bouleverser sa vie ainsi que celle de son entourage dans un enchevêtrement de conséquences qui vont également bousculer l'existence de nombreux habitants de ce quartier italien où tout le monde se connaît pour le meilleur comme pour le pire.

On boit des verres au Wrong Number, on mange des hot dogs chez Nathan, on se fait une toile à l'Alpine Cinéma et on se balade sur la promenade du bord de mer de Coney Island, c'est ainsi que William Boyle décline son Brooklyn des années 90 qu'il saisit avec une aisance peu commune pour nous immerger dans ce décor urbain d'une communauté italienne où se côtoient flics véreux, truands malfaisants autour desquels gravite toute une cohorte de petites gens plus ou moins paumés. Pour ce disquaire, amateur de rock indépendant, les nombreuses références qui jalonnent La Cité Des Marges sont avant tout musicales avec un hommage appuyé à Bruce Springsteen et son emblématique album Nebraska. Mais William Boyle fait également de nombreuses allusions au cinéma, dont celui de Scorcese et à quelques romans classiques comme ceux de Herbert George Wells et de Mary Shelley. Une somme de détails et de lieux emblématiques nous permettant de nous fondre au sein de cet environnement dans lequel évolue toute une galerie d'hommes et de femmes issus de la communauté italo-américaine qui se croisent régulièrement tout en cherchant un sens à leur existence qui prend parfois la forme d'une longue pénitence. Roman choral par excellence, où les chapitres prennent les noms des différents protagonistes qui jalonnent le récit, La Cité Des Marges fait référence à cette cohorte d'individus qui sont à la limite de la rupture et que William Boyle dépeint avec force de tendresse et d'humanité pour nous entraîner dans les méandres de rencontres qui vont virer à la tragédie au gré d'une construction narrative habile recelant tout un lot de situations surprenantes qui ne manqueront pas de déstabiliser le lecteur. Comme enchaînés au quartier tous aspirent à tourner la page, quitter les lieux, à se débarrasser du fardeau qu'ils traînent derrière eux, à l'instar de Donnie Parascandolo le flic véreux et de son ex-femme Donna Rotante que tout sépare depuis la mort de leur jeune garçon, de Mickey Baldini et de sa mère Rosemarie qui doit rembourser les dettes de jeu de son mari défunt et d'Ava Bifulco et son fils Nick, professeur minable qui s'essaie en vain à l'écriture. Il en résulte une intrigue où la morale s'efface derrière la détresse ou le désarroi de personnages doté d'une propension à tout dissimuler derrière un masque d'apparence qui se désagrège peu à peu pour révéler la part d'ombre que chacun porte en lui. Et c'est cette part d'ombre que William Boyle parvient à mettre en perspective au gré des interactions entre les différents protagonistes qui va brouiller leurs relations respectives dans une mise en abîme qui se révélera bouleversante, et forcément tragique.

Avec des dialogues qui sonnent toujours juste, La Cité Des Marges permet à William Boyle de mettre en scène, au coeur de Brooklyn, toute la complexité d'histoires d'amour rédemptrices sur fond de vengeances dramatiques au travers du quotidien d'hommes et de femmes tentant vainement de donner du sens à leur existence. Un roman noir lumineux.

William Boyle : La Cité Des Marges (City Of Margins). Editions Gallmeister 2021. Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Simon Baril.

I'm On Fire de Bruce Springsteen. Album : Born In The USA. 1984 Bruce Spingsteen.
Lien : https://monromannoiretbiense..
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Une incroyable et nombreuse galerie de personnages. Des histoires de vie qui s'enchevêtrent, se mélangent, se percutent.
Un grand puzzle géant, ou chaque trajectoire de vie a son importance. Un amour visible de l'auteur pour les gens, leurs vies, leurs rêves, leurs envies, et l'impitoyable retour à la réalité. Un très bon roman noir.
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La cité des marges de William Boyle
Je ne serai pas objectif, car William Boyle est un de mes auteurs préférés.
J'adore sa plume, le côté complètement immersif de ses descriptions, les personnages écorchés vifs que l'on devrait parfois détester mais auxquels on s'attache!
Cet opus ne fait pas exception, dans le Brooklyn des années 90, sur fond de règlements de comptes mafieux, les histoires de chacun des habitants du quartier s'entrechoquent avec autant de violence que d'amour.
Un roman noir palpitant, digne comme toujours des meilleurs scénarios de Martin Scorsese.
Pour agrémenter l'histoire, comme toujours avec William Boyle les références musicales sont incroyables et celles à la cuisine italienne mettent l'eau à la bouche
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