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Je reproche souvent à la poésie classique le fait que les contraintes techniques ôtent toute spontanéité aux textes et tout ressenti à ma lecture, parfois même tout sens. Je n'ai pas eu ce problème avec BUKOWSKI !


« quand un poème ne fonctionne pas, oublie-le, ne lui cours pas après, ne le
couvre pas de caresses ni de coups (…)
quand un poème ne fonctionne pas, il ne fonctionne pas, oublie-le
l'essence c'est le rythme »


On est immédiatement touchés par ces bribes de confidences familières mais humaines, dans lesquelles résonne une sincérité désarmante.


« quand on est au plus mal, il n'y rien à
faire, à part en rire, enfiler ses vêtements
une fois de plus, sortir, voir des visages, des machines,
des rues, des immeubles, le déploiement du
monde. »


Dans Tempête pour les morts et les vivants, BUKO nous offre 300 pages de poèmes en vers libres,


« des graals remplis de mots et de vin ».


Deux choses en particulier m'on plues :
. D'abord le fait que chaque poème constitue une pièce du puzzle permettant de reconstituer la vie de cet homme et de le comprendre un peu mieux,


« un des trucs les plus chanceux
qui me soient arrivé
fut d'avoir eu un père
cruel et sadique.
(…)
je devrais vraiment avoir
de la gratitude pour ce
vieil enfoiré
mort depuis si longtemps
dans la mesure où
il m'a préparé
pour tous les nombreux
enfers
en m'y menant
plus tôt
que prévu
lors de ces années
où on ne peut pas s'échapper. »


. Ensuite, le fait que je n'ai pas eu cette impression de surenchère provocatrice un peu gratuite que j'ai pu ressentir dans d'autres de ses récits ; Ses relations avec les femmes semblent chaotiques mais plus apaisées, nous permettant bel et bien de trouver dans son vocabulaire cru et charnel qui le caractérise, parfois même guerrier, une certaine poésie.


« j'ai mangé ta chatte comme une pêche
avalé le noyau
le duvet,
calé entre tes jambes
j'ai sucé mâchouillé léché
avalé tout ton être
ai senti tout ton corps se tendre et tressaillir comme
un
fusil-mitrailleur
j'ai fait de ma langue une flèche
et le jus a coulé
et j'ai avalé
pris de folie
suçant l'intégralité de tes entrailles -
ton con tout entier dans ma bouche aspiré
j'ai mordu
j'ai mordu
et avalé
et toi aussi
tu as cédé à la folie
alors je me suis retiré pour recouvrir
de baisers ton nombril
avant de glisser entre les fleurs blanches de tes jambes »


Des vers libres, pour un électron libre, c'était une évidence. Une expression aussi libre que ses pensées qui ont l'habitude d'errer et de venir nous chatouiller. C'est véritablement une tempête de mots et ressentis qui fait rage dans ce recueil, où l'auteur nous offre, avec énormément de sensibilité, un tourbillon d'émotions brutes même si elles sont la plupart du temps désabusées ou parfois déprimées


« Il m'est impossible de blesser qui que ce soit en dehors de moi ».


Rien d'étonnant pour quelqu'un qui a vécu de 1920 à 1994, plusieurs guerres et après-guerres, personnelles et nationales.


« je me souviens de cette fois dans le camp de prisonniers allemands
on s'était retrouvé avec un pédé sur les bras
ils peuvent s'avérer utiles en l'absence de femmes »…


Il y décrit un monde, son monde, le nôtre aussi, désenchanté, brisé, comme lui, auquel il ne semble pas trouver plus de sens qu'à sa propre vie.


« Je suis balloté le long des chemins et des épreuves
comme un dé
les dieux m'en font voir de toutes les couleurs
et je
dois ne pas crever
encore. »


Il cherche pourtant, le plaisir dans l'alcool, le sexe, l'écriture… le trouve-t-il ? Pas toujours, ou alors il est éphémère.


« par moment je suis traversé d'une joie sauvage et je ris, en sachant à peine
pourquoi
(…)
on est bien trop sérieux, on doit apprendre à jongler
avec nos enfers et nos paradis - la vie s'amuse avec
nous, on doit lui renvoyer la balle. »


Mais rien ne dure dans ce monde, même pas nous qui tentons pourtant de l'habiter bruyamment et de nous l'approprier, à grand coup de poing, de cris, de guerres. A moins peut-être d'être édité, pour laisser sa trace et exister, enfin, pour quelque(s)-un(s), tout lecteur soit-il.


« avoir fait tant de chemin pour
être assis seul
à nouveau »


Ne parvenant à me projeter dans aucun roman en ce moment, cet intermède composé de fragments de vie désabusés s'adaptait bien à mon état d'esprit. En réalité, j'ai ressenti une certaine sérénité dans ses paroles de vieux sage qui, arrivé à 70 ans malgré son train de vie, a su évoluer en tant qu'homme et écrivain en se regardant tel qu'il était : notamment dans sa réponse à un lecteur en fin d'ouvrage (« un lecteur m'écrit »), ou encore dans les très beaux vers de son poème intitulé « maintenant ».


« tu étais complètement paumé.
tu aurait dû te détendre
un peu plus.
tu prenais les choses trop à coeur et ils
te poussaient à bout -
trop de boisson, trop de femmes,
trop de livres.
ça n'avait pas tant d'importance. (…)
tu es suffisamment fatigué pour écouter
maintenant. »


Comme dans tout recueil, j'ai trouvé certains poèmes géniaux et j'ai été totalement indifférente à d'autres. Mais tous permettent de reconstituer le puzzle BUKO, de commencer à répondre cette énigme de la littérature qu'est finalement chaque auteur que l'on lit. Un père allemand, un père violent, une guerre qui nous enrôle, et dont on s'envole… une vie que l'on essaye d'habiter, mais que l'on ne parvient bien souvent qu'à visiter.


« il y a toujours la possibilité de continuer
avec l'aide de l'alcool de la drogue ou du sexe »


Certains vers font échos en nous, réveillent la petite étincelle qui y sommeille et parviennent à nous intéresser à l'homme derrière les maux.


« je n'écris pas pour vendre
des livres j'écris pour éviter que ma Psyché se noie 
dans les eaux farcies d'excréments de cette soi-disant Existence »


Et ça peut être
assez
beau.


« Il faut s'élever
par dessus toute cette merde,
continuer à grandir...
la destinée ne devient une putain que si l'on y
oblige.
laissons la lumière nous éclairer
souffrons en grande pompe -
le cure-dent aux lèvres, tout sourire.
on peut y arriver.
on est né fort et on mourra
fort. »


Vous voulez rencontrer Bukowski ? Commencez donc par celui-ci. Emotions garanties.


« courage, vieux garçon, tu as remporté des batailles
pires que celles-ci
descends ta bière. »
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Bois.
Serait-ce le dernier - ou premier - conseil de l'auteur ?
Vis aussi. Chie surtout.
Voilà tout est dit. Ou presque.
Tu peux tourner la page, tu connais toute la philosophie de l'auteur.
Tu peux tourner ma page, tu connais tout de ma vie. J'aborde donc une version poète de Hank. Des poésies en prose avec les thèmes de prédilections de l'auteur.

Il boit, certes. Il regarde des femmes, quelques. Il écrit surtout, sur ses écrits. Ce pourrait être des petits instantanés de sa vie. du quotidien banalement banal. Charles Bukowski va aux toilettes, chie un beau morceau, parfois même un très beau morceau d'anthologie, retourne à sa fenêtre devant une bière, ou à sa machine à écrire devant un verre de vin. Et quand il sort de chez lui, dans le froid, la pluie ou le vent, - bon ok, c'est quand même la Californie - c'est pour aller à l'hippodrome. Les courses, son autre dada, en plus de celui d'écrire des poèmes en prose ou des nouvelles à l'eau de rose – ou aspergées d'eau sauvage. Et il écoute de la musique classique. C'est également un bon point. J'ai toujours trouvé qu'il avait bon fond, ce type, malgré son air grognon et renfermé.

Je ne vais pas m'étendre sur les qualités de l'auteur, sur son humanisme et sa fragilité qui se ressentent dans ses textes, les nombreux doutes qui émanent de ses récits, ses certitudes aussi, ses penchants la queue droite. L'univers de Charles Bukowski est ainsi fait. On aime ou pas. On le lit, aux chiottes ou pas. Moi j'aime bien le lire avec un verre de bière à portée de main, je ne bois pas seul, il ne boit pas seul, nous buvons ensemble nous laissant porter par la musique, quand le lit de la voisine, une brune aux longues jambes, grince chaque nuit aux alentours de 22h48 et qui berce ainsi mes nuits de fantasmes éthyliques.

Donc si je résume la pensée du maître : « Bois et écoute Chostakovitch ».
Ou sa variante :
« Bois et écoute Wagner ».
Autre point de vue :
« Bois et écoute Sibelius ».

Alors j'écoute Sibelius en lisant ses textes, Leif Ove Andnes au piano. Des variations impromptus de Hank sur quarante ans. Assis à la terrasse d'un café, une choppe blonde, une mousse blanche, je me laisse aller à ses souvenirs, de courses ou de biture, des propos flirtant entre la poésie et la scatologie, mon regard à peine détourné de ma pinte par une paire de jambes venues s'aventurer dans mon champ de vision, ou un beau cul se balançant au rythme de ses talons hauts, de mon coeur qui cogne dans mes tympans. Je suis trop vieux pour cet afflux sanguin. Je replonge dans les maux de l'auteur, comme une « Tempête pour les Morts et les Vivants ».
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Tout jeune, Bukowski, souffrira pour la déesse littérature, trainant sa misère d'emplois minables à des échecs à se faire un nom en tant qu'auteur.

Il pense au suicide, renonce un temps à l'idée de devenir un écrivain professionnel.

Mais sa muse est une chienne venue de l'Enfer, la passion d'écrire ne l'abandonnera pas et en passant par le petit monde de l'underground, Buk, alias Chinaski se fera un nom, et rejoindra les grands auteurs américains, les Hemingway, Miller, Pound.

Dans ses poèmes en prose, retrouvés à droite et à gauche dans d'improbables publications et ici présentés pour la première fois dans un recueil, on retrouve les grandes passions de Bukowski : les femmes, la littérature, l'alcool.

Ces textes brefs rappellent les nouvelles et les romans autobiographiques de l'auteur de "Women", l'errance, la misère, les coups durs, subis et souvent provoqués…

D'ordinaire, je ne suis guère friand de poèmes -même en prose- mais je veux bien faire une exception pour le vieux Charles/ Hank, fichu vieux poivrot obsédé, tu avais tout de même un putain de talent !

Livre reçu dans le cadre d'une opération Masse Critique, remerciements à Babelio et Au Diable Vauvert.
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Quatrième de couverture: "Une anthologie de poèmes inédits parus dans d'obscurs magazines, conservés dans des bibliothèques et collections privées". Pour la plupart sans doute des poèmes gagne-pain, commandités, comme il en parle dans certains poèmes même. Il n'en reste pas moins que tout est à prendre, rien n'est à jeter, comme dirait un autre de nos poètes. Tour-à-tour drôles, lucides, scabreux, alcoolisés, légers, mélancoliques ou tendres (oui oui), l'ensemble de ses poèmes dessinent le contour de Bukowski en tant qu'homme et artiste.
Instants anecdotiques, réflexions sur la vie, dialogues (réels? imaginés?), compte-rendus, le tout pimenté d'un peu ou beaucoup de fantaisie, c'est un recueil qui vaut le détour et qui va souvent là où on ne l'attend pas. Comme d'habitude, je regrette de devoir le rendre à la bibliothèque avant de l'avoir totalement apprivoisé. Et quel beau titre!
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Avec ce recueil jouissif, on comprend tout de suite que la poésie reste la forme littéraire la plus iconoclaste et transgressive, brisant tous les codes de la bienséance, du politiquement correct ou de l'empathie. L'auteur une légende de l'écriture underground et nihiliste, taille des croupières à tout le monde, aucunes strates de la société Américaine n'est oubliées. Accompagné de sa meilleure amie, une bonne bouteille d'alcool, Bukowski étrille avec un humour féroce et désinvolte, les femmes, les hommes, les minorités raciales ou sexuelles, les pauvres et les riches, les éditeurs sans oublier de se moquer de lui-même avec une causticité croustillante. En lisant ce recueil d'anthologie, on peut légitimement se poser la question, s'il sortait aujourd'hui, ce livre passerait-il la censure médiatique et celle de certains groupes de pression sociétaux ? A mon humble avis : non, quand on voit le nombre d'artistes revisités par une idéologie wokiste réactionnaire, avec un puritanisme d'opérette à deux vitesses, visant souvent les personnes selon une arrière-pensée politique radicale. Mais ne boudons pas notre plaisir, nous pouvons toujours lire Bukowski, n'en déplaise aux grincheux extrémistes, à qui l'auteur aurait surement dédié ce livre avec un délice satirique, caricaturant avec extase leurs intolérances dangereuses.
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Même la monotonie du quotidien, la turpitude des sentiments et nos échecs sans panache peuvent parler – même s'ils ne veulent rien dire – et plus que le reste peut-être. Ils ne méritent certes pas non plus que nous nous branlions dessus comme si c'était la huitième merveille du monde. C'est de la merde, mais de la merde qui ne veut pas avoir l'air d'autre chose. La poésie réaliste est bien meilleure que l'imaginaire.
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On l'appelait jadis le "Céline Punk." Il avait fait les beaux jours ici d'une célèbre émission d'Apostrophes, présentée par Bernard pivot (en 1978) , dans laquelle, saoûl comme un cochon, il avait fini par sortir du plateau non sans avoir auparavant, et en douce, caressé les cuisses d'une romancière , et s'être fait injurier de concert par un Cavanna en grande forme . Grand Moment de télévision.
Charles Bukowski fait l'objet, depuis sa mort en mars 1994, d'un culte qui ne tarit pas aux USA , en Allemagne et chez nous . Mais les publications tardent...On peut donc féliciter les éditions du Diable Vauvert d'avoir voulu se lancer enfin dans la traduction intégrale des oeuvres inédites -notamment poétiques- du grand Charles. Ils sont désormais les seuls à s'y intéresser en France (Grasset ayant publié la quasi totalité des romans et nouvelles) , et le chantier est immense . Car Bukowski , on l'oublie souvent , a commencé sa carrière en écrivant ,certes de petites nouvelles, mais surtout des poèmes , à la foi sombres électriques et sublimes dans de petites revues underground , et n' a jamais cessé d'en écrire et d'en publier ensuite pendant 35 ans. Il reste donc des milliers de pages à traduire.. Gageons que l'éditeur ne s'arrêtera pas de sitôt dans l'exécution de cette noble et salubre tâche.
Ainsi, après l'édition d' un singulier et réussi mélange de ses textes traitant "de l'écriture" , traduits excellemment par Romain Monnery au Diable Vauvert donc , en 2017, cette nouvelle livraison regroupant des poèmes pour la plupart inédits en recueil , ou carrément inconnus des fans et des lecteurs jusque là, arrive de fait à point nommé pour la rentrée. Et le travail précis, sourcé en fin de volume , est d'autant plus réjouissant qu'il apparaît qu'on a affaire ici à un vrai travail de passionnés, impatients de partager leur découverte. Qu'allons nous donc trouver au milieu de cette "Tempête pour les morts et les vivants"? Rien de moins qu'une bonne centaine, à peu de chose prés, de manuscrits, de textes rares, tirés de petites plaquettes ou de revues devenues introuvables depuis, et surtout 22 (si j'ai bien compté) poèmes sortis des tiroirs, qui n'ont jamais vu la lumière du jour, et que Linda lee Bukowski, la veuve du "vieux déguelasse" (comme il aimait à s'appeler ) a laissé publier en toute confiance. On sera notamment ému de découvrir le tout dernier poème de buk " # 1 " daté du 18 février 1994, écrit donc peu de jours avant sa mort , et qui sonne le glas d'une belle vie : "il est trop tard. Je suis atteint" ou de découvrir en autres merveilles , ce beau et grand poème de 1971 "Burning in water, drowning in flame "qui deviendra le nom d'un recueil plus tard chez l'éditeur de la consécration aux USA : Black Sparrow press. On y verra aussi, au milieu des textes, des facs-similés de ses écrits et des reproductions des fameux petits dessins rigolos dont il parsemait ses lettres, et ou il apparaît toujours en Mister Magoo délirant.
330 pages de rires, d'émotion, de surprises, ô combien utiles pour redonner à cet écrivain génial , de quoi naviguer sereinement pour ce siècle au moins , et au delà.
On ne dit pas seulement Merci au Diable Vauvert . On applaudit.


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Lire Bukowski, c'est comme se frotter avec du papier abrasif à gros grains. Ça râpe, ça décape.
Cet incorrigible obsédé, ce personnage obscène et sublime à la fois, n'utilise jamais le frein à main. C'est frontal, c'est brutal.
Dans ce recueil de poèmes inédits, on le retrouve tel qu'en lui même avec ses sujets de prédilections: le sexe, l'alcool, les courses de chevaux, les chambres miteuses.
Avec son honnêteté légendaire, il transgresse tout, n'épargne personne, même pas lui.
Lisez Bukowski. Sous le vieux dégueulasse sommeille un grand écrivain.
Lien : https://www.instagram.com/p/..
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Un nouveau recueil de Bukowski.
Des poèmes pour les morts et les vivants.
Des poèmes inédits ou publiés dans d'obscurs magazines, conservés dans des collections privées. Un régal comme toujours.
Des poèmes écrits au début des années 1960, jusqu'à sa mort, avec un premier poème envoyé par fax. Rassemblés de manière chronologique, les poèmes donnent un aperçu de la vie du bonhomme, un peu comme avait tenté de le faire Avec les damnés, mais en beaucoup mieux, selon moi. D'une part, on n'a pas le sentiment (comme avec les damnés) que les éditeurs ont opéré une censure qui cherche à montrer Buko sous son meilleur jour. D'autre part, lorsque Chinaski nous écrit un poème à la fin de sa vie et qu'il nous parle de sa jeunesse, et bien, il a la langue d'un vieux dégueulasse avec 70 balais au compteur, et non plus celle acerbe d'un jeune homme désespéré à trier du courrier à la poste et qui cherche à sauver sa peau.

Henry le dit lui-même à l'un de ses lecteurs qui aimerait bien « vos trucs d'avant » : «toutes les embrouilles avec les femmes [...] toute la dinguerie, les bagarres dans les ruelles, les descentes de police.» Henry Chinaski lui répond qu'il ne peut tout simplement pas, il n'est pas un imposteur. Il écrit ce qu'il vit, de manière plus ou moins véridique, alors il ne peut laisser entendre qu'il vit toujours dans un taudis en carton, à 1,25$ la semaine, sans éclairage, sans chauffage, alors qu'il se trouve bien au chaud, avec sa femme Linda et ses nombreux chats. Il ne peut tout simplement pas.

C'est pour cette raison que Tempête pour les morts et les vivants me semble si précieux. En plus de revoir de manière condensée l'ensemble de ses lubies : les femmes, les courses de chevaux, son amour pour Dostoïevski, Anderson, Fante, McCullers, la musique classique et j'en passe, il nous montre que même si Buko change de milieu, sort de sa misère, et bien, son style, son regard sur la vie, son écriture restent les mêmes. Une authenticité du début à la fin. Chapeau bas !
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De Charles Bbukowski, on retient habituellement les sulfureux Contes de la Folie ordinaire ou Women. Mais son oeuvre est aussi celle d'un poète, sans doute le plus percutant, le plus outrancier et le plus déconcertant de la littérature américaine.
Après la publication remarquée il y a deux ans d'une partie de sa correspondance (Sur l'Écriture), les éditions Au Diable Vauvert proposent, avec Tempête pour les Morts et les Vivants, une sélection de ses poèmes rares et souvent inédits.
Le titre de cette anthologie (Storm for the Living and the Dead) est celui d'un texte tardif – en 1993, soit tout juste un an avant son décès –, dans lequel l'écrivain fait d'une scène quotidienne chez lui un moment à la fois trivial, tragique et plein de grâce ("Je suis un vieil écrivain. / un facture de téléphone me nargue / la tête à l'envers. / la fête est finie. / san Pedro, / en l'an de grâce / 1993. / assis là").
Plus de trente ans de créations poétiques sont réunies dans cette précieuse compilation qui est souvent l'autoportrait d'un artiste en proie à ses dérives – l'alcool, la dépression, la solitude ou la dèche – ou à ses passions – les courses de chevaux, les femmes et bien sûr la littérature. "Pourquoi est-ce que tous les poèmes sont personnels ?" écrit en avril 1961.
Ses mots sont des "flèches", comme il l'écrit dans "Dans celui-là —" (1960), avant, quelques années plus tard, de revendiquer sa filiation avec quelques grands noms : Hemingway ("Je pense à Hemingway", 1962) ou Walt Whitman ("Corrections d'ego, principalement d'après Whitman"), jusqu'à écrire un panégyrique grinçant… sur lui-même : "Charles Bukowski est une figure de l'underground / Charles Bukowski pionce jusqu'à midi et se réveille toujours avec une gueule de bois / Charles Bukowski a été encensé par Genet et Henry Miller" ("Un poème pour moi-même", vers 1970).
Les textes de Bukowski, tranchants, provocateurs et rythmées, frappent par leur liberté formelle : les vers explosent, la langue s'affranchit des conventions et la voix du poète utilise d'innombrables registres, parfois étonnants. Certains poèmes s'apparentent à des micro-nouvelles ("Clones", février 1982), des extraits de journal intime ("Ai bossé dans le train" été 1985), des chroniques ("La lesbienne", 1970), voire de la correspondance ("Un lecteur m'écrit", 25 mars 1991).
Charles Bukowski se fait sarcastique lorsqu'il parle d'une époque et d'un pays qui a fini par le rendre célèbre après des années de misère. L'auteur du Journal d'un vieux Dégueulasse est le poète d'une certaine Amérique cynique, cruelle, violente et impitoyable pour les marginaux et les pauvres ("Mon Amérique, 1936", octobre 1992).

Finalement, il trouve son salut dans la poésie et la littérature ("2 poèmes immortels", 1970). À côté de textes sombres, l'homme de lettres propose des instants lumineux : la confession d'un père ("Conversation téléphonique avec ma fille de 5 ans à Garden Grove", 1970), une chanson d'amour (mars 1971), un poème sur sa grand-mère ("Verrues", 1973), le tableau d'un couple de hippies attendrissants ("Bob Dylan", 1975), sans oublier ces portraits de femmes ("Les femmes de l'après-midi", 1976).
Le recueil se termine avec ce qui est certainement son tout dernier texte ("Chanson pour ce chagrin doucement dévastateur") : une sorte de confession en forme de singulière leçon de vie et de sagesse : "Laissons la lumière nous éclairer / souffrons en grande pompe – / le cure-dent aux lèvres, tout sourire. / on peut y arriver. / on est né fort et on mourra / fort… / ça été très / plaisant. / nos os / tels des tiges dressés vers le ciel / crieront victoire / jusqu'à la fin des temps."
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