Sous la forme d'un dialogue pédagogique dans une civilisation méconnue, le roman initiatique d'Édouard Bureau explore les enjeux de la formation d'un souverain. Une réussite.
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Cependant, si je me suis suffisamment accusé de mes erreurs passées, un mystère demeure : si le caillou lâché dans un lac prend vers le fond la route la plus droite, pourquoi faut-il à l'homme, pour parvenir à la paix, d'infinies circonvolutions ? Pourquoi doit-il passer par une longue vie, d'errances, de perditions et de malheurs revenus, avant d'atteindre la barre tranquille qui l'attendait depuis toujours ? Est-ce là le dessein de tous les nôtres ?
Ceux qui croient ne vivre que dans l'instant présent sont des sots. Nous sommes le résultat des années que nous avons vécues et que nos pères ont traversées. Tel l'arbre dont nous comptons les ans dans les rainures, nous donnerons des fruits plus abondants si nous savons tout ce que le passé a laissé en nous, de tempêtes, de vent dans les branches, de racines arrachées et plantées à nouveau. Ne sais-tu pas comme les premières saisons d'un verger sont infertiles ? Mais, une fois les printemps achevés, les hivers surmontés, une fois que notre vie s'est écoulée, nous sommes comme les troncs et les branches qu'un jardinier a patiemment attendus : nous repensons à ce qui est advenu, à la fraîcheur de l'eau et au chant du rossignol, à nos feuilles tombées et presque aussitôt reverdies. Aux grappes que l'on engendre, à celles qu'on donnera. Comprends-tu, ô jeune roi?
Ah, connaitras-tu la splendeur d'un visage qui disparaît dans les teintes du crépuscule, pour renaître au plus tôt, aux soupçons de ténèbres que sculpte une bougie ! Sauras-tu le fol plaisir à contempler l'incontinente fleur qui, arrogante, délaissé ses pétales et refuse ta rosée -oh, elles ne se cueillent pas, ces efflorescences tout en éclat, elles se scrutent et on les désire plus que sa propre vie ! Eprouveras-tu l'équipe douleur de comprendre que la citharede est déjà promise et se versera dans d'autres bras ! J'ai pénétré ces réalités de toute ma force de ma jeunesse d'alors. Et, bien sûr, elles ne me laisseront pas tranquilles : le corps et l'esprit ont leur mémoire et, souvent, les souvenirs de ces temps lointains m'assaillent - quoique j'ai gardé plus de remords que de souvenirs.
Car la véritable beauté est celle qui répond aux lueurs de l’âme : elle en est l’émanation et elle rend l’homme plus rayonnant que ne le ferait jamais aucun baume.
Pitch « Lisez ! » : « La Grande Vallée » d'Edouard Bureau (Le cherche midi) .