La qualité d'un film n'a pas grande importance, ni le sujet : drame d'amour, comédie légère, aventures policières, qu'importe ! Pourvu que cela ne se passe pas dans nos quartiers, mais ailleurs, chez les gens riches, chez les bandits, loin, au Far West, en Californie, aux antipodes... Ce qui compte, c'est de sortir de nos quatre murs et de notre peau, de temps en temps.
Si, par malchance, on nous privait de cinéma, nous serions profondément affectés. C'est notre dessert, notre récompense après le travail ; c'est le beau côté de l'existence, comme si elle était réversible, une doublure toute soie. On devient sourds, muets, on s'amuse désespérément à partir de 20h45. Dehors, la terre peut se décrocher. On s'arrête de vivre. Plus rien à faire qu'à regarder les autres : à leur tour de souffrir un peu.
Et l'on part à regret, avec des mines de drogués ou de coupables, comme si chacun de nous se croyait complice des crimes qui se commettent à l'écran. Je suis bien certain que, si l'on fouillait à la sortie, on découvrirait des morceaux de femme dans la poche de plus d'un spectateur.
Je perds aussi bien des heures à regarder Paris par ma lucarne. On n'est pas tout à fait seul quand on a une ville entière à portée de la main. Et quelle ville !
Il y a également le spectacle de mon araignée. Car j'ai une araignée, dans l'angle du haut, près de la porte. De ce point de vue, je suis satisfait des services négligents de ma femme de ménage : elle ne touche pas non plus aux toiles d'araignée. Tant mieux.
Chronique de Laurence Goullieux : Henri Calet
Laurence Goullieux, directrice de la Bibliothèque Municipale de Liévin, évoque la vie et l'oeuvre de l'écrivain Henri Calet. le site internet de la Bibiothèque Municipale de Liévin :...