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Maintenant je peux me laisser choir dans la joie de l'été, sans autre forme que l'insouciance. La mort pourra bien venir après, malgré l'urgence de nos vies précaires. Il n'est pas facile d'entrer dans la Correspondance de deux êtres qui brûlent d'amour l'un pour l'autre. Parfois, nous hésitons à entrer dans la lumière des autres, ceux qui s'aiment. Je ne suis pas sûr de savoir bien dire les choses ici, je vais sans doute tâtonner un peu avec mes mots. Voilà, la Correspondance entre Albert Camus et Maria Casarès m'a donné tout d'abord l'impression d'entrer par effraction dans un rêve réveillé et brutal. Ces lettres incandescentes sont un acte d'amour de près de quinze années. Elles sont tout simplement belles et je me sens presque ridicule en vous le disant.
En lecteur indiscipliné, je n'ai pas pu m'empêcher d'aller à la dernière page. Mais je ne regrette pas. Je ne suis sans doute pas le seul. Nous savons qu'Albert Camus a trouvé tragiquement la mort dans un accident de voiture le 04 janvier 1960. Et la dernière lettre qu'il livre à Maria Casarès date du 30 décembre 1959. Pouvons-nous simplement retenir ce qu'il écrit : « Je t'envoie déjà une cargaison de tendres voeux, et que la vie rejaillisse en toi pendant toute l'année, te donnant le cher visage que j'aime depuis tant d'années (mais je l'aime soucieux aussi, et de toutes les manières). Je plie ton imperméable dans l'enveloppe et j'y joins tous les soleils du coeur » ?
Je me souviens de ce film « Les choses de la vie », avec Romy Schneider et Michel Piccoli. La première scène du film démarre par l'accident qui provoque la mort du personnage incarné par Michel Piccoli. Puis il s'agit d'un long flash-back pour revenir à la source de l'histoire. Voilà, c'est ce que j'ai ressenti en lisant la dernière page de cette Correspondance, puis en revenant aussitôt à la première page et en dépliant les pages suivantes. le reste est une histoire d'amour désormais livrée à nous-mêmes.
Une fois que je vous aurai dit que j'ai trouvé cette Correspondance passionnée, que dire d'autre ? Ce sont des lettres enflammées. Elles sont au nombre de 865. D'ailleurs, qu'importe le nombre...
Ils se portent l'un dans le souffle et la lumière de l'autre. La lumière est là. Elle est belle. C'est un soleil qui efface le doute et la mélancolie, le renoncement et les défaites possibles.
C'est une correspondance riche et croisée. Albert et Maria se parlent à distance dans leurs lettres, parlent un peu de tout, l'essentiel, l'insignifiant... Se questionnent, parlent encore, n'en finissent pas de parler, de leur vie, de leurs métiers... Ces lettres disent la joie d'aimer mais aussi les trop longues séparations, les jours sans l'autre, l'attente, la folle impatience des corps et des coeurs. Il suffit de balayer les pages pour entendre l'écho de leur voix.
Nous savons qu'Albert Camus a couru toute sa vie après le bonheur absolu. Nous le savons encore plus, après cette lecture.
Entre les pages, c'est parfois aussi lire entre les lignes. Dans la chronologie de ces lettres, il y a des trous, des absences de missives. Cela souvent veut dire que ces amants étaient ensemble à ce moment-là et donc, point besoin de s'écrire. Au fond, cela voudrait-il dire que ces lettres forment l'envers du décor de leur vie ?
L'écriture d'Albert Camus ne m'a pas surpris : solaire, exigeante, humaine. Nous découvrons aussi un homme à la santé fragile, parfois en proie au doute. L'écriture de Maria Casarès m'a étonné : flamboyante, sensuelle, excessive, ne cédant rien dans une forme d'intransigeance parfois cruelle. Elle voue à Albert Camus une fureur amoureuse, presque animale. Et il le lui rend bien.
Souvent, ils leur arrivent d'écrire sur la mort. Ils disent la peur de mourir. Étonnante et magnifique, cette phrase écrite presque criée par Maria Casarès dans une lettre datée du 15 septembre 1949, c'est-à-dire dix ans avant la mort d'Albert Camus : « La seule chose qui me sépare de toi maintenant et qui me pousse à la folie par instants, c'est l'idée qu'un jour la mort vienne nous obliger à vivre l'un sans l'autre. Lorsque cette pensée s'empare de moi avec assez d'acuité pour me faire vivre, par exemple, un matin, avec l'idée que tu n'es plus là et que tu ne seras plus jamais là, toutes mes facultés se brouillent dans un chaos total, je me sens une terrible envie de vomir, et des sons de folie se font entendre partout en moi ». La « faucheuse » viendra, nous le savons, pour l'un des deux de manière prématurée, à cause d'un platane, à cause d'une voiture qui sortit d'un virage, à cause d'un destin idiot qui voulut qu'Albert Camus ayant cependant un billet de train pour revenir du sud de la France pour Paris, accepta l'invitation de Michel Gallimard pour faire le trajet à bord de sa voiture...
Nous savons que la mort viendra et nous déroulons les pages avec des gestes encore insouciants : 1950, 1951, 1952, 1953... Pour l'instant, nous nous contentons de croiser la mort des autres : André Gide, Louis Jouvet, Marcel Herrand... Plus tard viendra celle de Gérard Philippe, leur grand ami, l'année même où s'achève cette correspondance.
Comme un voyage entre les mots, comme un train qui passe dans le paysage, nous visitons les villes qui ont hébergé leurs lettres, sinon leurs amours : Paris forcément, Ermenonville, Angers, Cannes, Cabris, Camaret-sur-Mer, Tipasa, Alger, Oran, Avignon, Moscou, Buenos Aires, Lourmarin enfin...
Le temps file, les pages s'égrènent comme des billes qui tombent d'un sac, elles sont brûlantes, le vent s'engouffre dans les doigts ou bien c'est peut-être le temps qui s'accélère. Décembre 1959, nous voudrions retenir leurs mots encore un peu, avant qu'ils ne s'éparpillent entre la terre et le ciel.
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Nous les fervents passionnés de Camus attendions depuis longtemps, impatiemment, sans trop y croire, la publication de ces échanges épistolaires.
Avant tout, je pense qu'il faut remercier très sincèrement, très chaleureusement Catherine qui a accepté, avec un certain courage, de dévoiler un pan très intime de la vie de son père, en autorisant la publication de cette correspondance. Les derniers mots de sa préface sont sublimes, ils témoignent d'une sensibilité et d'une rare compréhension qu'il importe de souligner "Leurs lettres font que la terre est plus vaste, l'espace plus lumineux, l'air plus léger simplement parce qu'ils ont existé".
Avec la lecture de cette correspondance, on comprend cette passion transcendante, irradiante, indestructible, entre deux belles personnes, qui partagent mille choses variées : l'honneur, la justice, la passion pour le théâtre, l'exil, le goût du vrai, du bien- fait, la grâce, l'intelligence du coeur et de la chair mais aussi …les volutes nicotinées !
Une lecture ardente qui m'a transcendée, qui m'a irradiée qui m'a fait rêver , 1312 pages passionnées et passionnantes, qui racontent merveilleusement la plénitude d'un amour charnel et spirituel, exceptionnel, « un amour brûlant de cristal pur ». Ce n'est pas un roman, ce fut une merveilleuse réalité .
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Un auteur laisse toujours un peu de lui dans les romans qu'il écrit. Un peu de lui, de ses convictions, de ses sentiments, de ses amis, de ses galères, de ses conquêtes, de son amertume. Discrètement, son expérience, cette grande enveloppe où sont soigneusement rangées ses rencontres, ses humeurs, ses raisons de s'enthousiasmer, de se désespérer, de s'émouvoir, cette grande enveloppe qui contient tout ce qu'il est devenu, tout ce qu'il aurait aimé être, est posée tout près de sa table de travail. le roman avance, un pied dans la fiction, un pied dans la réalité avec comme principal objectif, celui de séduire le plus grand nombre, grâce à des tournures adaptées, des surprises, du suspens ou des exclamations………

Ce roman va plaire à certains, va vivre sa vie de roman. Dès sa publication il n'appartient plus vraiment à son auteur mais à un public de lecteurs auxquels il a été « offert ».

Les lettres c'est tout autre chose. Nous sommes invités dans l'intimité de l'auteur. Bien que Flaubert dénonçait « un genre réservé aux femmes », à l'instar des lettres adressées par la Marquise de Sévigné à sa fille, (textes sublimes certes, mais où la complexité du rapport mère-fille a été dénoncée bien avant nos spécialistes modernes) beaucoup d'hommes ont laissé une correspondance fournie à la postérité. Toutes ne parlent pas d'amour loin s'en faut. Voltaire, Descartes, Rousseau développent leur philosophie sous une forme épistolaire à une époque où les dites lettres étaient lues dans les salons. Balzac, plus pragmatique, débat de ses démêlés avec ses créanciers. Proust écrit des lettres qui font office de dossier de presse. (Un grand nombre a été dispersé très récemment aux enchères publiques). Plus proche de nous, une correspondance fournie de Roger Nimier donne une série de conseils littéraires plus ou moins fondés à sa maîtresse de l'époque, Madeleine Chapsal. Pas de quoi rêver, non…

La correspondance entre Albert Camus et Maria Casarès dure de 1944 à 1959 et elle fait rêver. Maria Casarès qui a gardé ces lettres précieusement, demande à Catherine la fille d'Albert Camus l'autorisation de les vendre. Elle a besoin d'argent. Catherine réunit la somme nécessaire achète et garde cette correspondance qu'elle fait publier. Une idée merveilleuse je trouve. Merci à elle.

Depuis la correspondance entre George Sand et Musset nous n'avions pas eu d'exemple de passion aussi exclusive, aussi flamboyante, aussi foudroyante. Albert Camus et Maria Casarès sont pris par leurs métiers respectifs. Ils se déplacent souvent, l'un obéissant à la promotion de ses livres, l'autre à celle de ses représentations. Ils se retrouvent mais sont très souvent séparés. Ils s'écrivent. 865 lettres entre celui que Maria appelle son seigneur, et celle qu'Albert surnomme sa lumière. le lecteur est sans cesse partagé entre la distance créée par l'éloignement et l'intimité, la proximité de cette relation charnelle, intellectuelle. le tout fonctionne de la manière la plus élégante, la plus cohérente, la plus humaine et la plus talentueuse qui soit.

Cet ouvrage contient 1300 pages. C'est long mais jamais lassant. Nous pouvons interrompre quand bon nous semble, lire une lettre ou plus au gré de nos envies, de nos disponibilités.
Albert Camus est ce que l'on a coutume d'appeler un homme au caractère entier. Un homme de convictions. Ces lettres privées sont cohérentes avec son oeuvre, avec sa vie.Maria l'a très vite compris et le lui écrit : « Enfin quoi que tu fasses, je sais que c'est bien, car j'ai le sentiment profond depuis que je te connais que tu ne diras jamais quelque chose en désaccord avec ce que tu es. Or ce que tu es est ce que j'aurais rêvé d'être si j'étais né homme. Après cela comment veux-tu que je ne t'aime pas ? Et après l'avoir compris, après en avoir eu la révélation profonde, comment veux-tu que cela ne dure pas jusqu'à la fin ? »
Elle écrit bien Maria. Lisez ceci : « Ce matin par exemple, il pleut d'une pluie fine et têtue qui nous annonce une de ces journées où le coeur pleure malgré tous les espoirs et les joies qui puissent lui être promises. Au début j'avoue qu'on y trouve de quoi se décourager et se révolter, mais peu à peu on y prend plaisir et à la fin, on en devient presqu'amoureux. Essaye tu vas voir…… ».


L'écriture de Camus s'est débarrassée de toutes les contraintes de la narration. Un élan à cha que fois. Elle est spontanée tout en conservant son style. Souvent il écrit sa peur d'être abandonné. le spectre de la maladie le taraude.

Le quotidien gagne en légèreté que ce soit dans un théâtre parisien, près des champs de lavande où pendant les séjours de Camus en Amérique du Sud. Nous voyageons au pays des belles lettres. Et plus encore….. L'absence les conduit tous les deux à explorer le plus profond de leurs sentiments. Leurs fragilités, leurs doutes, leurs attentes les plus précises, leurs objectifs les plus humains. Les voyages terrestres sont complétés par des voyages intérieurs tellement vastes et exaltants, tellement universels.

Oui bien sûr j'ai aimé lire ces lettres. Comme chaque fois qu'une lecture me coupe du monde ordinaire je mets cinq étoiles à ces deux étoiles qui ont imprimé définitivement leur tendresse, leur respect l'un pour l'autre, leur besoin d'être aimés, de le dire et de se le dire, dans ces échanges sublimes. Et pour tous ceux qui doutent d'un bonheur infini fait de petites choses et de grands sentiments, ils pourront lire ce livre.

La nuit venue ils lèveront les yeux vers le ciel. Deux étoiles brilleront encore, juste pour eux. Juste pour leur dire: oui, nous pensions vraiment tout ce que nous avons dit. C'était tellement bien.

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"Merci à eux deux. Leurs lettres font que la terre est plus vaste, l'espace plus lumineux, l'air plus léger simplement parce qu'ils ont existé. "Catherine Camus

Une correspondance unique entre deux êtres de feu, idéalistes, grands par leur carrière qui ,pour chacun , est un absolu en soi.... Correspondance d'amour entier, de complicité intellectuelle et passionnelle...
12 années de correspondance ininterrompue, lettres détaillées, fusionnelles... qui comblent comme elles peuvent les absences obligées de chacun...
Ils se sont rencontrés à Paris le 6 juin 1944, jour du débarquement allié....en janvier 1960, la mort les séparera...

Outre cette correspondance sublime... la préface de Catherine Camus est fort émouvante, et empreinte d'une admiration inconditionnelles, bien légitime, pour ces deux êtres d'exception...
Merci à Catherine Camus... pour la réalisation de cette publication "intime"...


Je transcris un extrait de cette préface qui exprime l'essentiel de cet amour aussi unique que riche d'authenticité :

"Il lui écrit le 23 février 1950: " Ce que chacun de nous fait dans son travail, sa vie, etc., il ne le fait pas seul. Une présence qu'il est seul à sentir l'accompagne." Cela ne se démentira jamais.

Comment ces deux êtres ont-ils pu traverser tant d'années, dans la tension exténuante qu'exige une vie libre tempérée par le respect des autres, dans laquelle il avait "fallu apprendre à avancer sur le fil tendu d'un amour dénué de tout orgueil" [Maria Casarès, Résidente privilégiée, Fayard, 1980 ], sans se quitter, sans jamais douter l'un de l'autre, avec la même exigence de clarté ? La réponse est dans cette correspondance.
Evidence irrésistible de ce coup de foudre : " Nous nous sommes rencontrés, nous nous sommes reconnus, nous nous sommes abandonnés l'un à l'autre, nous avons réussi un amour brûlant de cristal pu, te rends-tu compte de notre bonheur et de ce qui nous a été donné. [ Maria Casarès,
4 juin 1950 ]

"Egalement lucides, également avertis, capables de tout comprendre donc de tout surmonter, assez forts pour vivre sans illusions, et liés l'un à l'autre, par les liens de la terre, ceux de l'intelligence, du coeur et de la chair, rien ne peut, je le sais nous surprendre, ni nous séparer. [Albert Camus, 23 février 1950 ]

Une lumière irradiant de ces deux êtres créatifs, exigeants...amoureux de la vie et des gens...

Je ne peux rédiger qu'une très brève chronique... les mots sont superflus... après une telle lecture qui exprime tout ce qu'il est possible entre deux êtres flamboyants...
Il me faut, de plus, me résigner à rendre ce volume à ma médiathèque... La liste des réservations étant impressionnante...il me faut penser aux autres lecteurs impatients, admirateurs comme "bibi"... de Albert Camus, sans oublier cette grande dame du théâtre !!!
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Est-ce le timbre de la voix d'Isabelle Adjani qui me bouleverse ou les mots qu'elle prononce ? Dans la lettre du 30 juin 1949, adressée par Maria Casarès à Albert Camus, le lecteur devient le témoin de la plus poignante intimité des amants, la plus saisissante des confidences amoureuses, celle portée par la voix d'Isabelle Adjani semble avoir été écrite hier.


Prenant à témoin la mer, si forte, si riche, si immense, elle prononce ces mots à celui qui lui a écrit des lettres si déchirantes, si débordantes de fièvre et d'angoisse : "mon Amour, tu entendras crier mon amour comme jamais je ne l'ai crié devant toi, ne te tourmente plus, et tu verras mon beau visage que tu aimes tant, quand je suis sûr de ton amour je n'envie pas la mer d'être si belle."


Mais toi prêt de moi, toi, et ton amour, toute ma vie est remplie, et justifiée.


La voix d'Albert camus, dont je ressens le phrasé si ample, si détaché parfois tant la qualité de l'écriture dense et serrée tremble avec une émotion toujours contenue, et donne une mélodie mélancolique à la beauté de son style imagé. Les nombreux textes qu'il a lus ont imprégné notre mémoire, et là dans cette voix de Lambert Wilson, c'est Camus vivant qui nous parle.


Pourtant elle sait qu'elle pourrait perdre Albert Camus. Elle pressent qu'un accident peut arriver. La seule chose qui me sépare de toi maintenant et qui me pousse à la folie par instants, c'est l'idée qu'un jour la mort vienne nous obliger à vivre l'un sans l'autre. "Lorsque cette pensée s'empare de moi avec cette acuité ... Avec l'idée que tu n'es plus là et que tu ne seras plus jamais là, toutes mes facultés se brouillent dans un chaos total."


Quand le rideau tombe fin décembre 1959, ce sont nos pleurs qui chiffonnent le papier. L'inacceptable est arrivé au plus grand écrivain du
XX ème siècle. Tout se dit et s'écrit sous sa plume avec une intelligence subtile, aimante, prenant toute la vie à bras le corps, les fulgurances de l'amour comme les ténèbres de son siècle, de sa ville, Alger, de son pays.


Je me souviens de Maria Casarès dans la somptueuse pièce de Bertold Brecht, Mère Courage, je me revois en 1968 ou en 1969, écouter cette voix féroce, cassée, si forte qu'elle emportait tout comme un ouragan. Est-ce le deuil qui a fait d'elle la très grande tragédienne, comme portée par une blessure si démesurée.


Ils se découvrent dans ces correspondances intemporelles, le choix des lettres lues dans ce livre audio accentue cette impression de bonheur inaltérable. Ils touchent presque le ciel, ils sont lumineux, ils dialoguent, se conjuguent, et de leur rencontre émerge des écrits d'une beauté et d'une profondeur inouïe.


Dans cette correspondance Albert Camus laisse toutes ses fibres confier ses plus belles émotions d'homme, puiser dans ses vagabondages, dans le désert, dans une autre lumière, celle des amants, et confier au ciel des vœux fixés à des étoiles filantes. "Qu'ils retombent en pluie sur ton beau visage, là-bas, si seulement tu lèves les yeux vers le ciel, cette nuit. Qu'ils te disent le feu, le froid, les flèches, l'amour, pour que tu restes toute droite, immobile, figée jusqu'à mon retour, endormie toute entière, sauf au cœur, et je te réveillerai une fois de plus...Écrit Camus le 31.07.1948 "


Mais, l'absence de Maria Casarès, irradie son corps tout entier, un corps privée de sa source, de cette eau qui lave et apaise, car dit-il, j'étouffe, la bouche ouverte, comme un poisson hors de l'eau. J'attends que vienne la vague, l'odeur de nuit et de sel de tes cheveux. AC à MC 24 août 1948


le chassé croisé des lettres s'harmonise pour fluidifier cet intense dialogue à distance, entre Maria Casarès à Albert Camus, les échanges se font plus sensuels et plus poétique le jeudi 30 décembre 1948.

Elle lance," Ah viens vite et tout au creux de tes grandes jambes, lors , tout se fera tout seul... Et je t'emmènerais au milieu du vent, de la pluie battante, des rosaces, des vagues, dans l'odeur du varech, et je te ferais comprendre, "sale lacustre brûlé de soleil", " je t'aime de ce mouvement infini, tout mouillé, salé, où l'on ne peut vivre qu'au passé tellement l'instant est fugitif, et inaccessible".

"Que tu m'aides un peu, très peu, et cela suffira pour que j'ai de quoi soulever les montagnes répond encore Camus à Maria Casarès."


Maria Casarès y répond avec cette beauté singulière que donne au cœur l'intelligence de l'âme.
"La mer devant moi est lisse et belle, comme ton visage parfois quand mon cœur est en repos".
"Mais l'amour que j'ai de toi est plein de cris. Il est ma vie et hors de lui, je ne suis qu'une âme morte."


Ainsi cette sélection de lettres qui esquivent le travail d' Albert Camus et de Maria Casarès, est un pur bonheur d'écoute pour moi qui fut si friand de théâtre, et qui souhaite avec ardeur, que la poésie trouve par la musique et les voix un nouveau chemin vers le coeur des passionnés de beaux textes ?

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Ils touchent presque le ciel, ils sont lumineux, ils dialoguent, se conjuguent, et de leur rencontre émerge une correspondance d'une beauté et d'une profondeur foudroyante.
Albert Camus et Maria Casarès dans le silence de leurs séparations écrivent une prose inouïe par la qualité littéraire mise à nue.


Quand le rideau tombe fin décembre 1959, ce sont nos pleurs qui chiffonnent le papier. L'inacceptable est arrivé au plus grand écrivain du XX ème siècle. Tout se dit et s'écrit sous sa plume avec une intelligence subtile, aimante, prenant toute la vie à bras le corps, les fulgurances de l'amour comme les ténèbres de son siècle, de sa ville, Alger, de son pays.


Pourtant elle sait qu'elle pourrait perdre Albert Camus. Elle pressent qu'un accident peut arriver. La seule chose qui me sépare de toi maintenant et qui me pousse à la folie par instants, c'est l'idée qu'un jour la mort vienne nous obliger à vivre l'un sans l'autre. "Lorsque cette pensée s'empare de moi avec cette acuité ... Avec l'idée que tu n'es plus là et que tu ne seras plus jamais là, toutes mes facultés se brouillent dans un chaos total."


Cette soif de vie Camus l'a exprimée avec force dans son livre L'Etranger. Quel auteur est capable d'écrire un tel livre, avec cette plume, neutre, dépouillée de toute émotion, en la portant au plus haut niveau de l'expression de l'absurde et achever le livre par un appel à la vie, "car s'il ne me reste qu'une heure, je veux la savourer, sans être dérangé par les prêtres, la vie oui, je veux toute la vie". Ce livre dévoile sa position inébranlable contre la peine de mort.

Ce n'était pas un livre qui pouvait s'affirmer dans l'émotion. Ce livre s'affirme pour l'abolition , il restera sur cette ligne de conduite, toute sa vie, et quelque fut l'homme condamné.


Dans cette correspondance il laisse toutes ses fibres confier ses plus belles émotions d'homme, puiser dans ses vagabondages, dans le désert vers une autre lumière, celle des amants, et confier au ciel des vœux fixés à ces étoiles filantes. Qu'ils retombent en pluie sur ton beau visage, là-bas, si seulement tu lèves les yeux vers le ciel, cette nuit. Qu'ils te disent le feu, le froid, les flèches, l'amour, pour que tu restes toute droite, immobile, figée jusqu'à mon retour, endormie toute entière, sauf au coeur, et je te réveillerai une fois de plus...Écrit Camus le 31.07.1948

Mais, l'absence de Maria Casarès, irradie son corps tout entier, un corps privée de sa source, de cette eau qui lave et apaise, car dit-il, j'étouffe, la bouche ouverte, comme un poisson hors de l'eau. J'attends que vienne la vague, l'odeur de nuit et de sel de tes cheveux. AC à MC 24 août 1948


le chassé croisé des lettres s'harmonise pour fluidifier cet intense dialogue à distance, entre Maria Casarès à Albert Camus, les échanges se font plus sensuels et plus poétique le jeudi 30 décembre 1948.


Elle lance," Ah viens vite et tout au creux de tes grandes jambes, lors , tout se fera tout seul... Et je t'emmènerais au milieu du vent, de la pluie battante, des rosaces, des vagues, dans l'odeur du varech, et je te ferais comprendre, "sale lacustre brûlé de soleil", " je t'aime de ce mouvement infini, tout mouillé, salé, où l'on ne peut vivre qu'au passé tellement l'instant est fugitif, et inaccessible".

C'est aussi dans ces échanges épistolaires tournés vers la vie partagée, qu'Albert Camus trouve des accents d'une beauté aveuglante ; nous aimer le plus fort et le mieux que nous pourrons, jusqu'à la fin, dans notre monde à nous, écarté du reste, dans notre île, et nous appuyer l'un sur l'autre pour faire triompher notre amour pas sa seule force, par sa seule énergie, en silence.

Maria Casarès y répond avec cette beauté singulière que donne au coeur l'intelligence de l'âme.
"La mer devant moi est lisse et belle, comme ton visage parfois quand mon coeur est en repos".
"Mais l'amour que j'ai de toi est plein de cris. Il est ma vie et hors de lui, je ne suis qu'une âme morte."

Les deux correspondances se répondent dans une langue à la poésie tenue, une écriture juste qui décuple les énergies de chacun. Ce sont deux amours fructueux, débordant de projets, d'attentions, de connivences, un couple soudé à leur devenir.

"Ta présence, toi, ton corps, tes mains, ton beau visage, ton sourire, tes merveilleux yeux tous clairs, ta voix, ta présence contre moi, ta tête dans mon cou, tes bras autour de moi, voilà tout ce dont j'ai besoin maintenant."
"Que tu m'aides un peu, très peu, et cela suffira pour que j'aie de quoi soulever les montagnes répond encore Camus à Maria Casarès."
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Quelle passion ! Voici des lettres comme on aimerait en recevoir, assurément. Mais n'écrit pas comme Camus qui veut. Et puis, comment dire, c'est presque trop d'amour.

Au-delà de la correspondance entre deux êtres d'exception, Camus nous offre une fenêtre sur les difficultés de la création littéraire. Cette correspondance constitue également un journal réciproque que lui et Maria Casares entretiennent l'un envers l'autre et j'ai ainsi découvert toute une époque : la peur d'une nouvelle guerre en 1950, mais surtout le monde du spectacle d'alors, avec des noms qui résonnent aux oreilles.

Ils voyagent beaucoup, Camus pour aller voir sa mère en Algérie ou donner des conférences, Maria pour ses tournées. Et là, quelle déception pour la Belge que je suis, car l'un comme l'autre s'émerveillent de tout sauf de mon pays, des Belges, de Bruxelles où j'habite, dont ils se moquent et qu'ils dénigrent. Tant pis.

Cela ne m'a pas découragée et je suis arrivée à la fin de cet énorme volume aussi contente qu'à son début. Quelle fin pourtant !

Lancez-vous, je ne peux que vous recommander cette lecture !
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Ces deux là représentent pour moi une des plus belle histoire d'amour du 20eme siècle.
Ils se sont rencontrés à Paris le jour du débarquement, le 6 juin 1944, se sont séparés parce qu'il était marié puis se sont retrouvés par hasard quatre ans plus tard, jour pour jour, le 6 juin 1948. Leur histoire ne pouvait être qu'extraordinaire !
Et la passion n'a pas cessée d'animer les coeurs de Maria Casarès et Albert Camus jusqu'à la mort de ce dernier en janvier 1960.
Ils ont souvent été éloignés l'un de l'autre mais cela nous permet aujourd'hui de lire leur magnifique correspondance tenue entre 1944 et 1959, qui traduit la profondeur de leurs sentiments mais aussi le monde culturel dans lequel ils évoluaient, notamment celui du théâtre. Car s'ils étaient amants, il y avait également une complicité intellectuelle entre eux.
Et quand il lui dit "J'ai assez d'amour pour remplir tes silences" je trouve cela merveilleux même si Camus était infidèle. Certes, il y a parfois eu des moments d'interrogations mais on a envie de tout prendre, les hauts et les bas, et je pense que, finalement, s'ils avaient vécu ensemble leur amour n'aurait sans doute pas été aussi grand.
Ces lettres sont si belles et passionnantes que j'en suis encore émue.


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Je remercie très vivement Babelio et les éditions Folio et Gallimard bien entendu pour cette merveilleuse correspondance. Albert Camus et Maria Casarès se sont aimés en secret pendant plus de quinze ans. de 1944 à 1959, jusqu'à l'accident tragique de Camus, ils se sont déclarés, déclamés leur amour dans des centaines de lettres. Des lettres si régulières, parfois écrites plusieurs fois dans la journée (alors même que la fatigue se fait sentir, l'écriture à l'autre s'imposait), avec des messages si intenses, qu'en lisant cette correspondance, on sait avoir eu sous les yeux l'histoire d'un amour fort et si peu ordinaire.
Les sms et les mails ont supplanté depuis des décennies les cartes postales, cartes de voeux et lettres écrites à des connaissances et êtres chers. Les textos (contenant abréviations en tout genre et smiley de tout style) ont réduit en miettes les correspondances d'amoureux. Avec ces messages réduits au strict minimum et ces mails (ou autre technologie plus visuelle) il n'y a pas à dire, il y a un je-ne-sais-quoi de charme et de saveur délicate qui a disparu au fil des années.
La correspondance où nous prenions le temps d'écrire (vraiment écrire), de décrire les sentiments, de raconter dans le détail ses journées, de parler d'amour, d'oser parler d'amour, du manque, de l'absent, de l'autre aimé. Avec l'arrivée de la technologie et du ‘'toujours plus vite'', nous avons perdu cette possibilité et ce plaisir de se laisser aller, peu à peu, courrier après courrier, d'ouvrir de plus en plus son coeur et son âme, de faire entrer la poésie dans les relations, de faire entrer de la sensibilité dans les échanges, de s'informer vraiment de l'humeur de l'autre, de découvrir l'autre, et soi-même en même temps, et peut-être de s'aimer plus encore.
A l'inverse, peut-être certains pourraient penser que ces lettres avaient un goût trop « romancé », étaient parfois trop lyriques ou exaltées, avec ‘'l'autre'' grandement idéalisé et que ces correspondances étaient loin de la réalité du quotidien.
Qu'importe, en lisant la correspondance d'Albert Camus et Maria Casarès, toutes ces réflexions sont presque balayées.
A travers celle-ci, j'ai vu deux âmes mises à nues, des aveux de sentiments forts, vibrants, des « je t'aime » à foison, de la complicité, de la sincérité. Parfois, des moments plus graves aussi, des malentendus, des jalousies, des agacements jusqu'à des crises et des ruptures. J'ai découvert Maria, actrice de cinéma et de théâtre espagnole, femme de caractère, au sang chaud, susceptible parfois et envoyant quelques piques moqueurs. J'en ai voulu quelque fois à Albert de ne jamais faire le choix de tout plaquer, de vivre leur amour pleinement, au grand jour. Pourtant, la majorité du temps, j'ai lu deux êtres attachés si fortement l'un à l'autre, le besoin réciproque de rassurer l'autre, de lui rappeler la place qu'il tenait dans son coeur, l'importance de lui répéter son amour, et même de le crier, de le pleurer, de le chanter. J'ai vu le manque constant de l'autre, leur plaisir, de la sensualité et de l'érotisme. Surtout, j'ai vu leur amour extraordinaire, intense, ardent, vivifiant.
Certes, on ne peut oublier le contexte. Il s'agit d'une relation adultère, de lettres sur un amour caché entre un homme marié avec deux enfants et de sa maîtresse. Après avoir refermé cette correspondance, on ne voit plus qu'un amour contrarié de deux êtres qui auraient dû pouvoir s'aimer librement et n'auraient pas dû souffrir autant du manque et de la distance. On ne pense plus cette relation que comme un bel amour tout simplement.
Devoir écrire ce billet en un temps restreint n'a pas été chose aisée parce que cela a demandé de lire plus de 1400 pages de courriers que, normalement, j'aurais pris le temps de savourer, longuement. Tant de déclarations que je voulais relire, citer, réciter, apprécier plus encore. Tant de belles images et d'émotions qu'on veut garder en soi… Ils osent tout se dire (ou presque) et ce ne sont pas de simples "deux ou trois mots d'amour". Lors de chaque courrier, plus qu'une simple lettre, ils ouvrent leur coeur et leur âme. Ils parlent de leur travail réciproque, Maria souvent sur les planches, à la radio et Albert à la rédaction de ses ouvrages (c'est terriblement émouvant et exaltant de lire les mots de Camus durant l'écriture et ses réflexions), ils échangent sur leur tracas, ils se confient, ils expriment leur amour, traduisent leur émotion, leur besoin, leur manque (parfois physique, si douloureux), leur désir de l'autre de mille et une façons. Ils décrivent leurs sentiments divers, leurs émotions variables jusque dans les moindres détails, jusque dans les moindres pores de la peau. Ils sont incroyablement vivants. Ils sont incroyablement sincères et vrais.
Et cela fait un bien fou de les lire, de les suivre dans leur quotidien. Ils se sont aimés passionnément au point où, de temps en temps, j'avais l'impression qu'ils étaient seuls au monde, seuls avec leur amour ; qu'ils auraient pu se passer de nous, des autres tant leur attachement était grand, inconditionnel, indestructible. Ces fois-là, je me sentais de trop, je trouvais que c'était trop intime pour qu'on ait le droit de les lire. Ils s'aimaient et dans leurs lettres, cet amour passionné, passionnel déborde, explose, irradie… merveilleusement, luminescent.
Pour ceux qui estiment comme moi l'écrivain et philosophe Albert Camus, l'homme de combat pour la justice et la liberté, l'homme révolté, l'homme ami de René Char et de Gallimard, c'est un véritable plaisir que de lire ses correspondances avec son amour Maria Casarès. J'ai retrouvé non seulement cet homme d'esprit que nous connaissons dans ses essais et romans, dans ses controverses avec Sartre, mais en plus, par ses émotions d'homme, par le fait de le voir évoluer dans sa vie de tous les jours, par les aveux de l'homme amoureux écrivant à son amante, Camus m'a paru encore plus proche, plus réel, plus humain, encore plus homme de chair et de sang. Un homme qui aime et laisse battre son coeur. Et on l'aime plus encore et ce n'est pas peu dire…
Et malgré le contexte si particulier et si post-apocalyptique que nous vivons actuellement (ou peut-être à cause de ce contexte), lire la correspondance entre Albert et Maria m'a donné une furieuse envie d'écrire à l'être cher, d'écrire une longue lettre, des pages et des pages et de m'emballer d'amour ; d'écrire à tous ceux que j'aime parce qu'on est peut-être loin des yeux ces derniers jours et pour quelques semaines encore mais, certainement pas loin du coeur. Cela m'a donné une envie folle de (leur) écrire avec tout mon amour...
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Je viens de refermer cette correspondance et c'est un peu comme si j'entrais en deuil…Près de deux mois passés en compagnie de ces deux êtres d'exception, à vivre par procuration 15 années d'une période féconde où le théâtre devient la raison d'être de Maria Casarès et la littérature celle d'un Camus dont on découvre les doutes et les angoisses ; deux mois à lire, au fil de plus de 1400 pages, leurs confidences, à ressentir l'amour passionné qu'ils se vouaient l'un à l'autre, un amour tout autant charnel que complice, intellectuel que fait d'admiration réciproque, grave que léger, heureux qu'inquiet.
Des lettres qui se sirotent, dont les phrases et les mots empruntent aux plus belles pages de la littérature dont les deux amants sont eux-mêmes épris. Une plongée dans les années d'après-guerre et dans la vie intellectuelle et artistique parisienne, des portraits, parfois féroces, qui nous renvoient à d'autres grandes figures de notre paysage culturel dont on arpente les coulisses. Enfin, la mesure d'une humanité qui nous façonne tous et que Camus et Casarès parviennent à sublimer.
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