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EAN : 9782491528188
44 pages
Éditions de la Reine Blanche (01/09/2021)
3.94/5   8 notes
Résumé :
Une femme est libérée après avoir passé neuf ans dans une prison franquiste.
Cette nouvelle poignante, écrite en 1950, décrit ses déambulations dans un Madrid qu’elle ne reconnaît pas, ses souvenirs douloureux, ses angoisses, ses peurs, sa solitude, son désespoir ; mais aussi sa foi intacte dans les valeurs républicaines qu’elle a défendues et qui lui ont valu sa condamnation.
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Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique

"À la maison", "En casa" pour la version originale est un court récit de 43 pages, écrit en 1950, il a paru sous la forme d'une nouvelle aux Éditions de la Reine Blanche en 2021. Avec ce court récit Luisa Carnés nous emmène dans l'Espagne franquiste durant les années de guerre civile, plus précisément durant les jours qui ont suivi la tentative de coup d'État des militaires nationalistes dans la ville de Madrid en juillet 1936.

De nombreuses femmes, jeunes, moins jeunes ont été incarcérées dans les prisons franquistes entre 1936 et 1942, qu'elles soient militantes républicaines ou simplement des femmes, des mères, des soeurs de résistants républicains, elles ont payé le lourd tribut de la dictature de Franco et peut-être même encore plus durant les années d'après-guerre qui furent certainement les pires... La narratrice de ce récit est l'une d'entre-elles et c'est sur les traces de ce passé douloureux dans un Madrid brumeux et oppressant que nous lui prenons la main (et elle en a bien besoin) alors qu'elle sort d'une longue peine de prison : neuf ans, neuf ans c'est long quand on est une jeune fille de 24 ans qui n'a pas encore eu le temps de goûter à la vie ou si peu... juste le temps de voir disparaître ses deux frères au front et sa mère durant les bombardements aériens. Tant de souffrances dans une si jeune vie...

Quel est le sens du mot "liberté" après pas loin d'une décennie passée en prison ? Peut-on encore rentrer à la maison ? A-t-on seulement encore une maison ? La narratrice ne sait plus, elle est perdue dans cette ville qu'elle ne reconnaît pas, dans la peur et dans la confusion elle erre seule à la recherche des fantômes de son passé. le petit immeuble de la rue Moratin près de la promenade du Prado qu'elle partageait avec sa mère, l'atelier de couture de la rue du Léon, souvenirs d'un passé heureux je ne sais pas mais insouciant certainement. Une mélodie au piano obsédante et puis soudain le paysage change, ne reste plus que le silence morne des veuves dont les portes et les fenêtres restent closes. Que cherche t-elle si ce n'est une main tendue ? Celle de Rosita ou une autre pour ne pas sombrer, comme tant d'autres avant elle, dans la prostitution ou se laisser crever, crever de solitude, crever de froid, crever de faim. Quand on a passé neuf années enfermée, l'avenir c'est le passé, la narratrice n'a que ses souvenirs auxquels se raccrocher.

Un texte fort aux intonations douces-amères dont les dernières pages m'ont beaucoup émue. À lire pour ne pas oublier le sort qui fut celui de toutes ces femmes courageuses qui ont lutté pour la république, qui pour certaines sont mortes en prison et dont le mot "liberté" ne fut qu'un songe lointain.

Un petit mot sur l'autrice : Luisa Carnés (1905-1964) a fait partie de la Généracion del 27 entre 1923 et 1927, elle a publié un premier recueil de nouvelles en 1928 alors qu'elle avait seulement 23 ans, suivront "Natacha" en 1930 et "Tea Rooms" en 1934, roman inspiré en partie de sa propre histoire (qu'il me tarde de lire) puisqu'elle fut elle aussi une exilée communiste et féministe, une grande partie de son oeuvre a par ailleurs été censurée sous le régime de Franco.


* Je remercie "la femme Chocolat" (Yaena) qui m'a permis de découvrir cette nouvelle à la fin du mois de janvier et je vous invite, si l'envie vous prend de la découvrir à votre tour, à lire sa critique et celle d'Onee.

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A la maison. Trois petits mots qui sonnent si familiers, si rassurants. Si intangibles. Qui ne sait pas où est sa maison ? Très peu de gens, ceux qui oublient. Qui n'en a pas, ou plus ? Un peu plus de monde : les sans abris… ou ceux qui sortent de prison. Comme la narratrice de ce roman, qui évoque la guerre civile espagnole des années 1936-1939 et ses conséquences.


« Ma plus grande fierté est aujourd'hui la cicatrice des tortures avec lesquelles la Phalange [organisation politique fasciste qui soutint le coup d'Etat militaire contre la République espagnole] a récompensé ma loyauté au peuple. Mon certificat d'infirmière et de donneuse de sang me valurent une peine de neuf ans de prison ».


Comment refaire sa vie à sa sortie de prison est déjà un thème inépuisable, avec la réputation qui nous précède, la peur que l'on inspire aux gens mais aussi la crainte d'une réputation contaminée, etc… La solitude à supporter, le réapprentissage de l'espace, des réflexes simples, de la sociabilité sont des étapes éprouvantes, comme refaire ses preuves, recevoir la méfiance et les insultes, la peur des réactions des autres. Alors imaginez lorsqu'on sort de prison pour des raisons politiques et que l'on est relâché… dans le régime contre lequel on a combattu, qui est désormais au pouvoir ! Comment le pays fonctionne-t-il désormais ? Comment la narratrice va-t-elle être accueillie ? La plume, fluide, décrit assez bien l'ambiance et les sentiments agitant la narratrice, que ce soit dans ses souvenirs, dans sa nouvelle vie, ou dans ses rencontres…


Pendant la Guerre d'Espagne, l'auteure, Luisa Carnés, fut journaliste militante. Mais la guerre perdue, elle fut elle-même obligée de s'exiler et partit pour le Mexique où elle écrivit jusqu'à sa mort, en 1964. Sa nouvelle de 40 pages nous fait errer dans cette partie de l'histoire de son pays, en quête d'une réhabilitation mais, plus encore, d'un nouveau départ dans un jeu dont on ne connaît plus les anciennes règles, et pas encore les nouvelles ; En quête d'un nouveau sens à la vie lorsque ce qui nous entoure semble ne plus en avoir aucun. En quête d'une nouvelle maison et d'un nouveau chez soi, quand notre patrie toute entière nous semble une étrangère. Toute entière ? A vous de le découvrir…


« Il ne faut pas trop s'attacher aux lieu où l'on passe. Il faut simplement penser que, où que tu sois, tu es à la maison. »


A la maison est une lecture agréable et intéressante. Comme souvent, le format court me la rend frustrante : on voudrait approfondir le sujet et les personnages ; mais ça la rend aussi très abordable, donnant envie d'en lire plus, que ce soit en approfondissant ce thème en général, ou en lisant d'autres romans de cette auteure. Merci aux masses critiques de babélio pour cette découverte et aux éditions La Reine Blanche, spécialisées dans les textes courts ! Leur devise est « La nécessité d'engendrer chez le lecteur une émotion particulière » : Celle que je ressens est l'envie de lire un livre qui prendrait la suite de cette fin. Comme la maison d'édition, je suis en effet convaincue « que toute oeuvre artistique est l'écho d'une autre ». Si vous en connaissez qui fasse écho au thème, je prends !
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Quand je clique sur les livres pour les Masse critiques je ne regarde jamais le nombre de pages. Eh oui je vis dangereusement ! Et là paf ! Surprise : 44 pages et un format super poche d'une dizaine de cm !!!!

Ah bon ? Il n'en manque pas un morceau ? La maison d'édition, La reine blanche, est inconnue au bataillon. Je vais donc me renseigner et là je lis : « Nous nous concentrons sur la publication de textes qui apportent au récit une intensité répondant à la théorie de l'effet d'Edgar Allan Poe. Ce dernier fonde les règles de composition littéraire sur la nécessité d'engendrer chez le lecteur une émotion particulière. Voilà pourquoi nous publions uniquement des nouvelles et des récits courts. » Ah oui dans ce cas, alors, c'est réussi.

Il ne me reste plus qu'à faire court , pas le choix sinon je dévoile tout! Une opposante au régime Franquiste se retrouve libérée après plusieurs années de prison. Seule dans une ville dont elle reconnait les rues mais dont elle ne reconnait plus l'âme, ses pas la portent plus que sa volonté. Peut-on être prisonnière de ce qui n'existe plus ? Peut-on continuer à exister quand vos idéaux ont volé en éclats bafoués par la loi du plus fort ?

Des mots simples qui portent un récit fort. Une histoire sans fioriture, toute en densité.

Mais, très prosaïquement aurais-je acheté 6€ ce tout petit livre relié par 2 agrafes pour une lecture de quelques minutes ? Je ne crois pas. Par contre achèterais-je un recueil comprenant 3 ou 4 récits de ce type ? Assurément ! Après tout même ce cher Edgard regroupait ses nouvelles.
Merci beaucoup à Babelio et aux éditions La reine blanche pour cette découverte atypique et réjouissante. J'ai beaucoup aimé mais j'en aurais voulu plus.
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Tout d'abord je remercie les éditions « La Reine Blanche » (au Vésinet) et la Masse critique littératures de Babelio pour m'avoir permis de découvrir ce livre, (au format inhabituel pour moi).
L'auteure, Luisa Carnès, (militante républicaine) a été emprisonnée durant neuf années dans les geôles de Franco, caudillo d'Espagne.
A sa sortie de prison, personne ne l'attend, le franquisme fait régner la terreur ; elle erre dans les rues de Madrid, qu'elle ne reconnaît plus, son ancienne adresse, son ancienne « patronne » qui lui fait comprendre que malgré toute sa bonne volonté, elle ne peut pas l'aider, c'est trop dangereux… Durant son errance, elle raconte la vie des gens humbles, le coup d'état de 1936, elle se remémore le passé… Mais, quelqu'un la suit, elle entend des pas…. Les mots sont simples, le style est dépouillé, elle va à l'essentiel et c'est qui fait la force de ce récit !
Je reconnais qu'il est préférable de connaître un peu cette période de l'histoire espagnole, mais, cette très courte chronique, écrite en 1950, est très prenante, pas larmoyante, sans haine ; les dernières lignes m'auraient laissé une impression d'inachevé si une rapide biographie de l'auteure n'était jointe ! Une belle découverte, inattendue ! (pour moi, l'illustration de la première de couverture est très « parlante »… libre, mais enfermée dehors, toutes les portes se ferment)
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Merci aux éditions "La Reine Blanche" et à Babelio pour l'envoi.
J'avoue avoir été surprise lors de la réception, une quarantaine de pages dans un format peut habituel. Je ne fais jamais attention au nombre de pages lorsque je sélectionne un livre lors des Masse Critique, le sujet m'intéressait fortement mais j'en attendais plus. La lecture s'est faite très, un peu trop vite à mon goût.

Une femme, la narratrice, sort de prison après 9ans. Elle sort pour de bon à l'air libre dans une ville, Madrid, qui n'est plus du tout ce qu'elle était auparavant.
Elle se rend premièrement dans son ancienne maison, habitée par une autre famille. Puis elle rend visite à Rosita, une couturière qui lui ferme la porte au nez en la reconnaissant.
Où aller après 9ans en prison ? Où est ma maison ? Est-ce que quelqu'un acceptera de m'ouvrir sa porte ? Toutes ces questions trouvent enfin réponse à la fin de la nouvelle lorsqu'elle rencontre et discuté enfin avec cet inconnu qui l'a suivait.


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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
Collées à nos chers pots, qui à cette heure exhalaient leur parfum le plus vif, nous écoutâmes ma mère et moi les explosions dont la résonance était grave en cette aube de juillet. Les voisins semblaient encore dormir, ou avaient déjà couru dans la rue, et les fenêtres de l'immeuble, de chez nous, ressemblaient à de sinistres trous inhabités.
Ce ciel voisin possédait quelque chose qu'il n'avait auparavant jamais montré. Il était proche, comme d'autres fois ; pourtant sa couleur uniforme, en faisant disparaître les étoiles, semblait particulière.
Ma mère et moi nous donnâmes la main et fixâmes notre regard sur ce ciel étrange qui nous faisait parvenir des détonations sourdes, jaillies d'on ne sait où, mais qui avaient une répercussion douloureuse sur nos coeurs. Nos pupilles se dilataient sur cette tapisserie dense tombant sur le toit noir, l'aplatissant, et paraissant résumer à ce moment-là le monde que ces tirs lointains semblaient avoir anéanti, tandis que ne survivaient que deux femmes se donnant la main, deux figures noires dans le trou noir de la fenêtre ouverte.
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Sur un côté du Jardin Botanique, enveloppé d'arômes qui réveillaient ma nostalgie, les amateurs de livres anciens se livraient toujours à leurs recherches. On aurait dit les mêmes qu'il y a des années : des êtres pour lesquels le temps serait resté immobile. Sans doute étaient-ils indifférents à ce qui se passait autour d'eux, encore plus à la femme qui, avec son balluchon au bras, les regardait du trottoir d'en face, indifférents à sa claudication et à sa captivité, indifférents aux cicatrices qui marquaient son dos de femme, à peu de distance de leurs mains avides, avides de livres rares.
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