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Si l'on peut douter de l'existence d'Homère ou de Shakespeare, il est indéniable que Jean-Baptiste Poquelin, dit Molière, a existé et est mort le 17 février 1673. Mais est-il l'auteur de tout ou partie des pièces qui lui sont attribuées ?

Pierre Louys, en 1919, publia deux articles intitulés respectivement « « Corneille est-il l'auteur d'Amphitryon ? » et « “L'Imposteur” de Corneille et le “Tartuffe” de Molière » concluant que Molière n'aurait été que le prête-nom de Corneille

A son tour, Eve de Castro révèle « le pacte secret de deux géants » dans un roman passionnant édité à juste titre par l'Iconoclaste.
Mettant en scène six acteurs et actrices, qu'elle incarne au fil des chapitres, la romancière ressuscite successivement :
- Maitre Pierre, alias le Vieux : Pierre Corneille
- La désirée : Armande Béjart, épouse de Molière
- le Petit : Michel Baron (ou Boyron)
- L'intouchable : Molière
- L'accoucheuse : Madeleine Béjart, mère d'Armande
- L'épouse : Marie Corneille
qui évoluent dans un décor dont les figurants ne sont autres que Richelieu, Mazarin, Fouquet, le Régent, Louis XIII et Louis XIV.

Autant dire que c'est une époque qui revit au fil des pages avec La Fontaine, Racine, Sully et leurs oeuvres, tragédies ou comédies, achevées parfois très rapidement ce qui incite à penser que plusieurs plumes étaient alors mises à contribution.

Avec finesse et talent, Eve de Castro reprend l'hypothèse de Pierre Louys. Au lecteur, en son âme et conscience, de se faire son opinion !

Je me suis instruit et régalé au fil de ses pages qui constituent un hommage et une biographie croisée de nos deux immortels auteurs.

Molière est mort ; vive la Comédie française !
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17 février 1673. Un de nos plus grands auteurs vient de s'éteindre. Molière n'est plus. C'est ici que débute ce roman choral laissant la parole à différents protagonistes : le défunt, Madeleine et Armande Béjart, Corneille, Michel Baron. Se déroule alors sous nos yeux le fil de la vie du dramaturge mais également une étroite collaboration avec Corneille.

Eve de Castro joue ici avec les rumeurs, notamment celle mettant à mal le génie comique qui aurait fait écrire bon nombre de ses textes par Pierre Corneille. J'ai aimé cette alternance de paroles, cette différence de points de vue nous permettant de nous plonger dans le contexte, de ressentir ce qu'ont pu vivre l'entourage de Molière. J'ai appris également des choses, comme l'existence de ce comédien avec qui le dramaturge aurait entretenu une relation. Et si ce texte est un roman, jouant ainsi sur le côté fictionnel, il n'en reste pas moins qu'il est passionnant ! Cela m'a permis d'aller faire des recherches, de connaître encore un peu plus en profondeur cet écrivain que j'aime tant.
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Ils sont cinq.
Cinq à prendre la parole successivement, comme au théâtre, qui vont prendre la parole tour à tour pour nous conter une belle histoire.

Par ordre d'apparition il y a Mr Pierre, alias «le Vieux », alias Pierre Corneille en personne.
Et puis il y a « la Désirée », alias la fameuse Armande Béjart, dont on va raconter le parcours
Vient ensuite « l'Intouchable », alias « le Farceur », alias « Baptiste » qui, est, vous l'aurez deviné, plus connu pour nous sous le nom de Molière.
Nous aurons aussi « l'Accoucheuse », autrement appelée « Madeleine », qui est Madeleine Béjart, l'épouse de Molière au commencement de cette histoire.
Et puis il y a un personnage moins illustre, baptisé « le Petit », de son vrai nom Michel Baron ou Boyron, un comédien de la troupe, très aimé de Molière
On verra aussi passer Marie, la femme de Corneille.

Tour à tour, chacun exposant son point de vue, on va découvrir les aventures de celui dont le nom passé à la postérité restera Molière, et de Corneille son meilleur ami de plume ou son pire ennemi – c'est selon.

Le récit débute alors que le 21 février 1673, on enterre le célèbre « Farceur » qui a conquis du peuple jusqu'au roi Louis XIV en personne. Il revient d'outre-tombe pour nous raconter les dessous de son aventure, qui comporte beaucoup d'intrigues, de manipulations et autres arrangements pour survivre au 17ème siècle.

Si l'histoire de « L'Illustre Théâtre » (et de sa faillite rapide) et bien connue, on va apprendre comment s'est écrit « L'Ecole des femmes », « le Bourgeois Gentilhomme », mais aussi ses démêlées avec l'Eglise à propos de « Tartuffe » ou bien encore à la fin « Dom Juan ou le Festin de Pierre ».
Tout cela fait partie de notre patrimoine commun, et on en connaît plus ou moins la légende.

La thèse que défend Eve de Castro, et qu'on ne dévoilera pas ici pour ne pas divulgâcher le plaisir des futurs lecteurs, est osée mais crédible.
Elle permettra de dépeindre les caractères de ceux qui en entouré Jean-Baptiste Poquelin, sa femme Madeleine qui l'a « accouché » de lui-même, ce Michel dit « le Petit » qu'il aime beaucoup, mais surtout il décrit une Armande plus rusée qu'il n'y paraît, élevée au couvent comme l'héroïne de « l'Ecole des femmes » et prête à tout ensuite pour parvenir à ses fins, guidée dans ses desseins par un mystérieux adorateur qui la manipule, à moins que ce ne soit elle qui manipule tout le monde …

D'une écriture très agréable et fluide et d'un rythme enlevé, l'histoire de déroule en une sorte de flash-back de la vie du grand homme, et c'est très bien construit.

Bien documenté, « l'autre Molière » a le mérite de nous faire revivre les vicissitudes d'une troupe de théâtre qui cherche à plaire à tous mais qui en fâche beaucoup, qui vit du succès populaire mais doit faire face à la censure et à une Eglise redoutable, nous rappelant l'importance de la culture et de la liberté d'expression sur une planète qui ne le garantit pas partout, loin de là : n'oublions pas l'importance de nos artistes et de ceux qui ont fait la richesse de notre patrimoine théâtral, en ces périodes de remise en question généralisée.
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Cette année on fête les quatre-cent ans de ce bon vieux Molière et, que ce soit au théâtre ou en librairie, il paraît bien impossible d'éviter le sacro-saint anniversaire et le non moins sacro-saint dramaturge favori de ce bon vieux Roi Soleil.
Ai-je l'air de m'en plaindre ? Que nenni ! J'aime le théâtre à la folie et j'aime Molière. Moins que Shakespeare et Musset sans aucun doute, moins que Tennessee Williams sûrement, moins que Racine peut-être, mais je l'aime tout de même. Assez pour attendre avec impatience chaque nouvelle mise-en-scène et espérer qu'elle me fera mourir de rire et de réflexion. Quant à ses pièces, je le confesse : il m'a certes fallu du temps pour les apprivoiser et m'y attacher… mais il y a, à présent, une place jalousement réservée à Alceste et Argan, Harpagon, Agnès et Dom Juan dans mes affections de spectatrice. L'une d'entre elle -la plus ensoleillée peut-être- est aussi pour Scapin, depuis que Benjamin Lavernhe lui a prêté ses traits, son énergie et son talent.
Il fallait bien que les romanciers, en sus des chercheurs et des documentaristes, s'y mettent aussi, à célébrer le sieur Poquelin. le contraire m'eut déçue, moi qui aime à promener un oeil gourmand quoique exigeant sur les nouvelles parutions en matière de romans historiques et je me suis fendue d'un soupir de satisfaction quand j'ai croisé « L'Autre Molière », signé Eve de Castro dont j'avais passionnément aimé « le Roi des Ombres », son Versailles de misère et de lumière, son XVII siècle qui habille si bien la fiction.
Il ne m'a pas fallu bien longtemps pour me procurer l'ouvrage et m'y lancer, ni pour le dévorer d'ailleurs. le bougre se déguste promptement.
On parlait d'hommage un peu plus haut… Cet hommage-là rendu au maître de la Comédie (Française) et de la langue dont on dit si souvent qu'elle fut sienne avant de nous appartenir est pour le moins… ambigu. On pourrait s'en plaindre et il est des puristes doublés de fanatiques qui ne manqueront pas de pousser des cris d'orfraie à la lecture de « L'Autre Molière », mais sans ambiguïté ni problème, il n'y aurait pas de roman…
Dans ce dernier, donc, Eve de Castro fait sienne l'une des théories qui agite avec plus ou moins de force la sphère culturelle depuis une petite centaine d'années, à savoir que ce serait Corneille -oui, oui, Pierre. le Corneille, le seul, le vrai, l'unique (qui connaît encore les oeuvres du petit frère ?)- qui aurait écrit la plupart des grandes oeuvres de notre Molière, lequel n'aurait été qu'un prête-nom, doublé d'un excellent comédien et d'un metteur-en-scène de génie.
Qu'on y souscrive ou pas, peu importe au fond, la question n'est pas vraiment là, mais il faut reconnaître qu'un tel énoncé a tout du parfait sujet de roman, qu'il y a là de la matière. Matière à raconter, à broder, à bousculer.
L'auteur nous donne donc à voir avec « L'Autre Molière » les hommes et le pacte derrière le mythe, la construction de la légende, les coulisses du spectacle qu'on en finit pas de représenter. Plutôt que d'adopter une narration classique, linéaire, Eve de Castro a fait le choix de convoquer sur scène des personnages qui chacun leur tour nous offre leur version de l'histoire. Il y a là Baptiste lui-même revenu d'entre les morts et Madeleine Béjart toute aussi éthérée ; il y a Pierre Corneille qui prend la plume quelques heures après la mort de Molière, son épouse et celle du défunt, la belle mais froide Armande Béjart. Il y a enfin « le petit », Michel Baron, l'ami et le fils électif. Au fil des pages, leurs récits s'entrecroisent, dévoilent autant qu'ils dissimulent et se rejoignent pour nous raconter comment Molière est devenu ce qu'il est aujourd'hui et ce depuis des siècles, comment un pacte conclu entre un érudit assoiffé d'honneur et de beauté et un être pétri de vie a donné lieu à la légende, comment le désir et la jalousie s'en sont mêlés aussi. Au-delà, « L'Autre Molière » est également un très beau roman sur la création et le théâtre, sur les affres et le fonctionnement du Grand Siècle, au moins d'un point de vue artistique. C'est enfin un texte qui ausculte l'âme humaine et toute sa complexité, un roman polyphonique et inquiet, ténébreux parfois et non sans noirceur. Ce qui en fait sa beauté et sa profondeur -ses voix qui se font écho, ces êtres qui racontent- est aussi ce qui fait la faiblesse de l'ouvrage. En effet, j'ai presque fini par me lasser de ces monologues magnifiquement écrits mais un peu redondants, à grands coups d'accumulations et de déchirures. Ces figures un peu répétitives ont fini par boursouffler un peu le propos qui en perd en intensité et je l'ai beaucoup regretté.
Néanmoins et pour finir sur une note positive et méritée, je voudrais évoquer en fin de bafouille l'absence de manichéisme de chacun des personnages, particulièrement bien rendus et qui me conforte dans l'idée qu'Eve de Castro est une romancière de l'âme humaine et de sa complexité presque autant qu'une chantre du XVII°siècle, et c'est un plaisir.
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Dans les années 80, si vous aviez pu telle une petite souris vous glisser dans le jardin de mes parents, vous auriez aperçu deux fillettes jouant Molière. Livre à la main, un drap en guise de costume, le chapeau en paille du grand-père comme couvre-chef, ces gamines prenaient un ton théâtral pour réciter leurs tirades. Les fourberies de Scapin, neuf fois sur dix, Tartuffe le reste de temps. Ce n'était pas vraiment un choix, c'était les seules pièces de l'auteur pour lesquelles elles disposaient de deux exemplaires (or se faire passer un livre quand vous êtes en train de vous donner la réplique ce n'est pas facile). J'étais la plus petite, je n'avais jamais le droit de jouer Scapin et j'enrage encore de cette injustice. D'où nous venait cette passion, je suis bien incapable de vous le dire. Ce que je sais, c'est que ce sont de précieux souvenirs et que Molière, en plus de me faire rire, aura toujours pour moi le goût de l'enfance.

Je ne pouvais donc pas passer à côté de ce roman. Eve de Castro y reprend une théorie lancée par l'écrivain Pierre Louys dans les années 1920. Molière n'aurait pas écrit ses pièces, ou bien pas seul. Corneille lui aurait prêté sa plume. Un secret bien gardé, une supercherie jamais démasquée. Comme il existe un énigme Shakespeare, il y aurait une énigme Molière…
21 février 1673. Molière vient juste de mourir quand l'autrice donne à tour de rôle la parole à la Désirée (Armande Béjart), à l'accoucheuse (Madeleine Béjart), au Petit (Michel Baron, comédien), à Pierre Corneille, à l'Epouse (Marie Corneille) et à l'Intouchable (Molière en personne). On plonge avec délice et curiosité dans l'intimité de ces personnages qui ont entouré Molière. Chacun à sa version, chacun pense avoir sa part de mérite dans le succès et la renommée de l'auteur. Mais on découvre très vite que le mystère sur la paternité des oeuvres n'est pas le seul secret. Molière et Corneille était liés par autre chose que les mots.

Les pièces de Molière sont-elles l'oeuvre d'un génie bicéphale à quatre mains ? Eve de Castro construit son roman sur une hypothèse et parvient à en tirer une habile fiction qui laisse toute la place à l'amour, à la haine et au désir. Elle nous immerge dans le XVIIème, dans le quotidien des comédiens, dans la tête de Corneille et c'est instructif, divertissant. Un très agréable moment.
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Je vais commencer en déconstruisant immédiatement le mythe du gros lecteur devenant libraire qui a forcément lu l'ensemble des ouvrages de la littérature internationale depuis plusieurs millénaires car non, hélas, je n'ai pas tout lu. Et même si j'ai subi les indigestes prescriptions scolaires comme chacun•e d'entre vous, je n'ai gardé aucun souvenir d'une hypothétique lecture d'une pièce de Molière.

Cette année, nous célébrons le 400e anniversaire de Jean-Baptiste Poquelin dit Molière, et vous devriez trouver de quoi rattraper ou compléter votre culture sur l'acteur-auteur dans les parutions qui s'annoncent. À commencer par ce roman d'Eve de Castro, qui nous avait offert le très lumineux Nous, Louis, Roi il y a quelques années, déjà à l'Iconoclaste.

Dans ce récit elle romance une hypothèse qui agite la sphère culturelle depuis un siècle, qui voudrait que Molière n'ayant pas le talent de dramaturge qu'on lui imagine, la plupart de ses pièces auraient en réalité été écrites (au moins en partie) par Pierre Corneille, l'auteur du Cid qui fut l'un des contemporains de Poquelin.

L'histoire s'ouvre sur la mort de Molière à son domicile (et donc pas du tout sur scène comme on le prétend toujours à tort), puis revient sur le parcours tumultueux de l'Illustre Théâtre qu'il fonda avec d'autres comédiens dont Madeleine Béjart, jusqu'aux palais dorés de Monsieur puis de Louis XIV dont il devint l'auteur favori, toujours avec Corneille dans les parages.

J'ai passé un moment agréable avec la Béjart, Armande, Molière et Corneille, et j'ai beaucoup aimé découvrir cette hypothèse historique sous la forme d'un roman, parfaitement servi par la plume d'Eve de Castro. Et devinez quoi ? Ça m'a donné envie de lire du Molière !

🔗 Service de presse adressé par l'éditeur.
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Pierre Corneille, plume de Molière, osant ainsi exprimer par la bouche d'un autre, ce qu'il n'aurait jamais osé signer de sa propre main ? Telle est la l'hypothèse défendue par Eve de Castro dans L'autre Molière.

Par les voix successives de Madeleine Béjart sa première compagne, Armande sa femme (et fille de Madeleine!), Michel Baron, dramaturge et comédien (et amant de Molière si j'ai bien compris), par celle de Corneille et celle de Molière lui même, Eve de Castro nous raconte la vie de ses deux hommes de lettres et leur "collaboration".

Ce qui m'a intéressé c'est de noter au passage la permanence de certaines choses entre l'époque de Louis XIV et aujourd'hui : la troupe de Molière vit sous sous la protection d'un bienfaiteur puis sous celle du Roi alors qu'aujourd'hui on parle de mécénat et que certains "saltimbanques" sont bannis par le pouvoir (cf Bolloré); par les yeux de Corneille on assiste à une exécution publique, la foule assistant à cette mort comme à un spectacle alors qu'aujourd'hui on conspue ceux qui sortent leur téléphone pour filmer des agressions.

Quant à la théorie affirmant que derrière l'oeuvre de Molière, se cache Corneille, pourquoi a t elle vu le jour en dehors des preuves linguistiques brandies ? Était-il inconcevable qu'un simple fils de tapissier soit capable d'écrire de telles pièces ? En 2014, deux chercheurs Florian Cafiero et Jean-Baptiste Camps se basant sur 6 critères (vocabulaire, mots à la rime, mots-outils, préfixes, suffixes et séquences morpho-syntaxiques) ont réfuté l'hypothèse selon laquelle Corneille a écrit les pièces de Molière.

Ah si les morts pouvaient parler ...

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La construction du récit m'a perdue, je ne savais plus qui s'exprimait, si c'était Molière, Corneille ou quelqu'un d'autre... J'aime en apprendre davantage sur l'histoire ainsi que Molière mais là je n'ai pas trop adhéré... Certes on apprends des détails sur la vie à cette époque, la brièveté de la vie, les relations amoureuses, la condition féminine mais bon ça m'a laissé sur ma faim.
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A l'heure du quatre centième anniversaire de Jean-Baptiste Poquelin, dit Molière, nombreuses sont les parutions qui chantent ses louanges. Les Editions de l'Iconoclaste, elles, ont choisi d'honorer sa mémoire de manière pour le moins… iconoclaste, en publiant le récit d'Eve de Castro, explorant l'hypothèse selon laquelle les textes de Molière auraient été écrits par le grand tragédien de l'époque, j'ai nommé Pierre Corneille. Non, je n'avais jamais entendu parler de cette rumeur avant, et c'est bien pour cela qu'il m'était impossible de passer à côté de ce livre ! Donnant tour à tour la parole aux différents protagonistes qui ont « fait » Molière, Madeleine Béjart et sa fille Armande, Pierre Corneille et Michel Baron, ainsi qu'au comédien décédé lui-même, elle nous montre à quel point cette hypothèse est plausible.

En effet, Eve de Castro nous immerge entièrement dans le quotidien des comédiens de l'époque : les foires de province où la troupe de Molière a fait ses premières armes, la cour de Louis XIV où toute faveur peut être aussi reprise, la guerre des théâtres dans le Paris de l'époque, la solitude de celui qui polit des verres assis à sa table de travail, mais aussi cette pratique courante pour les dramaturges de vendre en sous-main leurs comédies indignes d'être associées à leur nom. Comment ne pas penser, dès lors, que Molière a eu un peu d'aide sur ses alexandrins ? Au-delà des textes, elle nous montre l'influence de son entourage sur l'homme qu'il était et la légende qu'il est devenu. Baptiste serait-il devenu Molière sans Madeleine Béjart ?

Si j'ai apprécié cette plongée dans le siècle du Roi Soleil et la plume de l'autrice qui parvient avec brio à adopter le style de l'époque pour donner vie à ses personnages, j'ai eu quelques difficultés à aller au bout du récit, ne voyant pas tellement où elle voulait en venir. Sachant dès le début quel était son parti pris, j'ai passé une bonne partie de ma lecture à me demander quelle serait la chute de cette histoire, où l'alternance des voix m'a semblé créer des longueurs et des répétitions. Finalement, je pense qu'il vaut mieux lire ce livre sans savoir la thèse qu'il illustre, histoire de garder un peu de suspense.
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Imaginez…. Vous êtes assis confortablement dans votre canapé et une pièce de théâtre se déroule devant vous, rien que pour vous.
Six acteur du 17ème siècle, à tour de rôle, vous interpellent et vous expliquent qui ils sont, leur environnement, leurs amours et leurs questions.
Car il est bien question de doutes, de révélations : Est-ce Corneille qui a écrit les pièces de Molière ?
Le lecteur écoutera donc, par ordre d'apparition en scène :
Maître Pierre, ou le Vieux pour Pierre Corneille, amoureux de l'épouse de Molière
La Désirée pour Armande Bejart, actrice et épouse de Molière
Le Petit pour le jeune comédien Michel Baron, proche de Molière
L'Intouchable pour Molière
L'Accoucheuse pour Madeleine Béjart, mère d'Armande
L'Épouse pour Marie Corneille

Le récit commence au cimetière : les proches accompagnent Molière qui vient de décéder en février 1673. Y compris Pierre Corneille, qui se fera tout petit car Armande ne veut pas le voir
La pièce va donc ressusciter Molière et son ancienne compagne Madeleine, décédée quelques années avant l'auteur.

Deux thèmes centraux : le doute sur la paternité des pièces de Molière, la révélation de Corneille ou pas... Et la compréhension de l'environnement proche de Molière. Et cela, c'est passionnant car chacun s'exprime en toute sincérité, en toute intimité devant le lecteur que nous sommes. Il semblerait, d'après les études de Cafiero et Camps (https://www.chartes.psl.eu/fr/actualite/jean-baptiste-camps-florian-cafiero-publient-affaires-style-du-cas-moliere-affaire-gregory) que les pièces de Molière appartiennent bien à son auteur.

J'ai adoré cette pirouette théâtrale avec des personnages bien campés, parfaitement crédibles. Des portraits magnifiques, comme celui de Pierre Corneille par Molière :
« Il a posé ses yeux et je n'ai plus su qui j'étais. Il n'avait rien d'impressionnant pourtant. Grand mais pas large, les épaules tombantes, l'estomac proéminent, vêtu comme un notaire économe, pas une dentelle au col ni aux poignets, le cheveu rare sous une calotte grise, les joues plates, le nez laid. Mais les yeux. Des yeux à vous dépecer vif. A percer la dalle d'un tombeau. A fondre mon poids de plombs pour le changer en or. »

On comprend mieux aussi la tonalité profonde de l'oeuvre de chacun. Corneille s'explique :
« Ils verraient que je ne suis pas seulement le poète de l'honneur et de l'intérêt politique, mais celui de l'amour. L'amour écartelé. Sacrifié. Sublimé. L'amour qui agenouille l'orgueil. Celui qui jusque dans la mort, triomphe. »

L'humour est présent, et c'est toujours Corneille qui s'exprime à propos de Molière et de « le Petit » :
« Molière ne détestait pas les garçons : il chassait à poil et à plumes »

J'ai beaucoup aimé aussi la peinture de l'époque, l'influence des grands, la concurrence des troupes, les difficultés de percer.
Molière explique :
« Devinez pourquoi l'Église de France condamne la comédie ? Parce qu'elle lui vole ses clients. Hormis les dévots, qui ne préfère s'esclaffer à battre sa coulpe ? »

Une organisation du roman originale, agréable qui donne tout de suite le ton. Un vrai plaisir intelligent.


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