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EAN : 9782378802776
345 pages
L' Iconoclaste (06/01/2022)
3.58/5   72 notes
Résumé :
Le pacte secret de deux génies.
C'est une histoire où le bien et le mal se donnent la main. On y avance masqué, on y ment par profession, par vice, par nécessité, on y aime, on s'y trahit et on y ressuscite. "
La nuit du 21 février 1673, une foule en larmes enterre le baladin Molière. Sous son capuchon,
le vieux Corneille suit le cortège. Il vient pour Armande, la veuve. Il la désire en secret. Il va lui dire la vérité sur son mari. Et nous l'ap... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (24) Voir plus Ajouter une critique
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Si l'on peut douter de l'existence d'Homère ou de Shakespeare, il est indéniable que Jean-Baptiste Poquelin, dit Molière, a existé et est mort le 17 février 1673. Mais est-il l'auteur de tout ou partie des pièces qui lui sont attribuées ?

Pierre Louys, en 1919, publia deux articles intitulés respectivement « « Corneille est-il l'auteur d'Amphitryon ? » et « “L'Imposteur” de Corneille et le “Tartuffe” de Molière » concluant que Molière n'aurait été que le prête-nom de Corneille

A son tour, Eve de Castro révèle « le pacte secret de deux géants » dans un roman passionnant édité à juste titre par l'Iconoclaste.
Mettant en scène six acteurs et actrices, qu'elle incarne au fil des chapitres, la romancière ressuscite successivement :
- Maitre Pierre, alias le Vieux : Pierre Corneille
- La désirée : Armande Béjart, épouse de Molière
- le Petit : Michel Baron (ou Boyron)
- L'intouchable : Molière
- L'accoucheuse : Madeleine Béjart, mère d'Armande
- L'épouse : Marie Corneille
qui évoluent dans un décor dont les figurants ne sont autres que Richelieu, Mazarin, Fouquet, le Régent, Louis XIII et Louis XIV.

Autant dire que c'est une époque qui revit au fil des pages avec La Fontaine, Racine, Sully et leurs oeuvres, tragédies ou comédies, achevées parfois très rapidement ce qui incite à penser que plusieurs plumes étaient alors mises à contribution.

Avec finesse et talent, Eve de Castro reprend l'hypothèse de Pierre Louys. Au lecteur, en son âme et conscience, de se faire son opinion !

Je me suis instruit et régalé au fil de ses pages qui constituent un hommage et une biographie croisée de nos deux immortels auteurs.

Molière est mort ; vive la Comédie française !
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17 février 1673. Un de nos plus grands auteurs vient de s'éteindre. Molière n'est plus. C'est ici que débute ce roman choral laissant la parole à différents protagonistes : le défunt, Madeleine et Armande Béjart, Corneille, Michel Baron. Se déroule alors sous nos yeux le fil de la vie du dramaturge mais également une étroite collaboration avec Corneille.

Eve de Castro joue ici avec les rumeurs, notamment celle mettant à mal le génie comique qui aurait fait écrire bon nombre de ses textes par Pierre Corneille. J'ai aimé cette alternance de paroles, cette différence de points de vue nous permettant de nous plonger dans le contexte, de ressentir ce qu'ont pu vivre l'entourage de Molière. J'ai appris également des choses, comme l'existence de ce comédien avec qui le dramaturge aurait entretenu une relation. Et si ce texte est un roman, jouant ainsi sur le côté fictionnel, il n'en reste pas moins qu'il est passionnant ! Cela m'a permis d'aller faire des recherches, de connaître encore un peu plus en profondeur cet écrivain que j'aime tant.
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Ils sont cinq.
Cinq à prendre la parole successivement, comme au théâtre, qui vont prendre la parole tour à tour pour nous conter une belle histoire.

Par ordre d'apparition il y a Mr Pierre, alias «le Vieux », alias Pierre Corneille en personne.
Et puis il y a « la Désirée », alias la fameuse Armande Béjart, dont on va raconter le parcours
Vient ensuite « l'Intouchable », alias « le Farceur », alias « Baptiste » qui, est, vous l'aurez deviné, plus connu pour nous sous le nom de Molière.
Nous aurons aussi « l'Accoucheuse », autrement appelée « Madeleine », qui est Madeleine Béjart, l'épouse de Molière au commencement de cette histoire.
Et puis il y a un personnage moins illustre, baptisé « le Petit », de son vrai nom Michel Baron ou Boyron, un comédien de la troupe, très aimé de Molière
On verra aussi passer Marie, la femme de Corneille.

Tour à tour, chacun exposant son point de vue, on va découvrir les aventures de celui dont le nom passé à la postérité restera Molière, et de Corneille son meilleur ami de plume ou son pire ennemi – c'est selon.

Le récit débute alors que le 21 février 1673, on enterre le célèbre « Farceur » qui a conquis du peuple jusqu'au roi Louis XIV en personne. Il revient d'outre-tombe pour nous raconter les dessous de son aventure, qui comporte beaucoup d'intrigues, de manipulations et autres arrangements pour survivre au 17ème siècle.

Si l'histoire de « L'Illustre Théâtre » (et de sa faillite rapide) et bien connue, on va apprendre comment s'est écrit « L'Ecole des femmes », « le Bourgeois Gentilhomme », mais aussi ses démêlées avec l'Eglise à propos de « Tartuffe » ou bien encore à la fin « Dom Juan ou le Festin de Pierre ».
Tout cela fait partie de notre patrimoine commun, et on en connaît plus ou moins la légende.

La thèse que défend Eve de Castro, et qu'on ne dévoilera pas ici pour ne pas divulgâcher le plaisir des futurs lecteurs, est osée mais crédible.
Elle permettra de dépeindre les caractères de ceux qui en entouré Jean-Baptiste Poquelin, sa femme Madeleine qui l'a « accouché » de lui-même, ce Michel dit « le Petit » qu'il aime beaucoup, mais surtout il décrit une Armande plus rusée qu'il n'y paraît, élevée au couvent comme l'héroïne de « l'Ecole des femmes » et prête à tout ensuite pour parvenir à ses fins, guidée dans ses desseins par un mystérieux adorateur qui la manipule, à moins que ce ne soit elle qui manipule tout le monde …

D'une écriture très agréable et fluide et d'un rythme enlevé, l'histoire de déroule en une sorte de flash-back de la vie du grand homme, et c'est très bien construit.

Bien documenté, « l'autre Molière » a le mérite de nous faire revivre les vicissitudes d'une troupe de théâtre qui cherche à plaire à tous mais qui en fâche beaucoup, qui vit du succès populaire mais doit faire face à la censure et à une Eglise redoutable, nous rappelant l'importance de la culture et de la liberté d'expression sur une planète qui ne le garantit pas partout, loin de là : n'oublions pas l'importance de nos artistes et de ceux qui ont fait la richesse de notre patrimoine théâtral, en ces périodes de remise en question généralisée.
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Cette année on fête les quatre-cent ans de ce bon vieux Molière et, que ce soit au théâtre ou en librairie, il paraît bien impossible d'éviter le sacro-saint anniversaire et le non moins sacro-saint dramaturge favori de ce bon vieux Roi Soleil.
Ai-je l'air de m'en plaindre ? Que nenni ! J'aime le théâtre à la folie et j'aime Molière. Moins que Shakespeare et Musset sans aucun doute, moins que Tennessee Williams sûrement, moins que Racine peut-être, mais je l'aime tout de même. Assez pour attendre avec impatience chaque nouvelle mise-en-scène et espérer qu'elle me fera mourir de rire et de réflexion. Quant à ses pièces, je le confesse : il m'a certes fallu du temps pour les apprivoiser et m'y attacher… mais il y a, à présent, une place jalousement réservée à Alceste et Argan, Harpagon, Agnès et Dom Juan dans mes affections de spectatrice. L'une d'entre elle -la plus ensoleillée peut-être- est aussi pour Scapin, depuis que Benjamin Lavernhe lui a prêté ses traits, son énergie et son talent.
Il fallait bien que les romanciers, en sus des chercheurs et des documentaristes, s'y mettent aussi, à célébrer le sieur Poquelin. le contraire m'eut déçue, moi qui aime à promener un oeil gourmand quoique exigeant sur les nouvelles parutions en matière de romans historiques et je me suis fendue d'un soupir de satisfaction quand j'ai croisé « L'Autre Molière », signé Eve de Castro dont j'avais passionnément aimé « le Roi des Ombres », son Versailles de misère et de lumière, son XVII siècle qui habille si bien la fiction.
Il ne m'a pas fallu bien longtemps pour me procurer l'ouvrage et m'y lancer, ni pour le dévorer d'ailleurs. le bougre se déguste promptement.
On parlait d'hommage un peu plus haut… Cet hommage-là rendu au maître de la Comédie (Française) et de la langue dont on dit si souvent qu'elle fut sienne avant de nous appartenir est pour le moins… ambigu. On pourrait s'en plaindre et il est des puristes doublés de fanatiques qui ne manqueront pas de pousser des cris d'orfraie à la lecture de « L'Autre Molière », mais sans ambiguïté ni problème, il n'y aurait pas de roman…
Dans ce dernier, donc, Eve de Castro fait sienne l'une des théories qui agite avec plus ou moins de force la sphère culturelle depuis une petite centaine d'années, à savoir que ce serait Corneille -oui, oui, Pierre. le Corneille, le seul, le vrai, l'unique (qui connaît encore les oeuvres du petit frère ?)- qui aurait écrit la plupart des grandes oeuvres de notre Molière, lequel n'aurait été qu'un prête-nom, doublé d'un excellent comédien et d'un metteur-en-scène de génie.
Qu'on y souscrive ou pas, peu importe au fond, la question n'est pas vraiment là, mais il faut reconnaître qu'un tel énoncé a tout du parfait sujet de roman, qu'il y a là de la matière. Matière à raconter, à broder, à bousculer.
L'auteur nous donne donc à voir avec « L'Autre Molière » les hommes et le pacte derrière le mythe, la construction de la légende, les coulisses du spectacle qu'on en finit pas de représenter. Plutôt que d'adopter une narration classique, linéaire, Eve de Castro a fait le choix de convoquer sur scène des personnages qui chacun leur tour nous offre leur version de l'histoire. Il y a là Baptiste lui-même revenu d'entre les morts et Madeleine Béjart toute aussi éthérée ; il y a Pierre Corneille qui prend la plume quelques heures après la mort de Molière, son épouse et celle du défunt, la belle mais froide Armande Béjart. Il y a enfin « le petit », Michel Baron, l'ami et le fils électif. Au fil des pages, leurs récits s'entrecroisent, dévoilent autant qu'ils dissimulent et se rejoignent pour nous raconter comment Molière est devenu ce qu'il est aujourd'hui et ce depuis des siècles, comment un pacte conclu entre un érudit assoiffé d'honneur et de beauté et un être pétri de vie a donné lieu à la légende, comment le désir et la jalousie s'en sont mêlés aussi. Au-delà, « L'Autre Molière » est également un très beau roman sur la création et le théâtre, sur les affres et le fonctionnement du Grand Siècle, au moins d'un point de vue artistique. C'est enfin un texte qui ausculte l'âme humaine et toute sa complexité, un roman polyphonique et inquiet, ténébreux parfois et non sans noirceur. Ce qui en fait sa beauté et sa profondeur -ses voix qui se font écho, ces êtres qui racontent- est aussi ce qui fait la faiblesse de l'ouvrage. En effet, j'ai presque fini par me lasser de ces monologues magnifiquement écrits mais un peu redondants, à grands coups d'accumulations et de déchirures. Ces figures un peu répétitives ont fini par boursouffler un peu le propos qui en perd en intensité et je l'ai beaucoup regretté.
Néanmoins et pour finir sur une note positive et méritée, je voudrais évoquer en fin de bafouille l'absence de manichéisme de chacun des personnages, particulièrement bien rendus et qui me conforte dans l'idée qu'Eve de Castro est une romancière de l'âme humaine et de sa complexité presque autant qu'une chantre du XVII°siècle, et c'est un plaisir.
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« Comment un homme de cinquante ans sujet aux fluxions parvenait-il à gérer le quotidien d'un théâtre, jouer le rôle principal dans ses propres comédies, organiser les déplacements de la compagnie à Versailles, Saint-Germain, Fontainebleau, Saint-Cloud, veiller aux décors, à la musique, aux costumes, aux finances, diriger les répétitions, arbitrer les conflits, faire des lectures dans les salons, rendre quantité de visites, remplir sa charge de tapissier, sauver du temps pour son épouse, ses amis, ses plaisir, et, lorsque Sa Majesté lui commandait un spectacle, écrire et porter sur scène en moins d'un mois, parfois même en dix jours, une comédie achevée ? ».

Apporter une réponse (et non pas LA réponse) à ce mystère, l'une des plus grandes énigmes de la littérature française, en fournissant les éléments dont nous disposons et en se servant de son imagination, le tout de manière très originale, tel était le projet de ce L'autre Molière écrit par Eve de Castro, aux éditions de L'Iconoclaste.

Disons-le de suite, l'auteure ne cache pas son intime conviction : selon elle, Corneille a écrit certaines pièces de Molière seul, et d'autres en partie. « L'écriture du Tartuffe en trois actes est la mienne [Corneille s'exprimant dans le roman], celle d'Amphytrion aussi, le Misanthrope et Dom Juan mélangent nos deux plumes » (p. 168). Pour nous en convaincre, Eve de Castro nous plonge dans l'ambiance du théâtre du Grand siècle, un théâtre sans droit d'auteur, un théâtre où ceux qui signaient leurs pièces n'étaient pas ceux qui les avaient écrites, un théâtre qui adulait les tragédies, qui méprisait les comédies. L'Académie n'ouvrait ses portes qu'aux tragédiens.

Corneille est décrit comme vaniteux, orgueilleux, nostalgique d'une gloire passée et regrettant de n'avoir jamais pu écrire des comédies sans faire l'objet de railleries, en particulier de la part de certaines précieuses…ridicules. « Il était mon dieu, je vous le jure, notre dieu à tous » (dit Molière dans le roman, p. 27).

Molière est quant à lui présenté comme un être farceur, léger, n'aimant que s'amuser, faire la fête, s'enivrer dans les bordels parisiens, disparaissant des jours entiers : « il avait moins d'orgueil que de passion, et il aimait les défis ». Il croyait aux instants pendant que Corneille croyait à l'éternité. Rejeté par l'Académie, Molière semble n'en avoir cure : « L'Académie ne m'a jamais invité sur ses bancs, mais cet honneur-là m'a d'autant moins manqué que j'ai eu tous les autres. du moins ceux qui comptaient. Faire rire Louis XIV, être applaudi, réclamé, protégé par lui, le voir dans son particulier, s'entretenir avec lui en aparté, voilà le vrai pouvoir » (p. 74). Corneille, dans le roman, le résume ainsi : « Il songeait avant tout à gagner la faveur royale, et dans cette quête mon génie lui était un outil parmi d'autres ».

Surtout, en replaçant cette histoire dans son contexte, en rappelant la vie et l'avis des différents personnages de cette intrigue, en redéfinissant ce qui fait la force du théâtre, la romancière semble vouloir dépassionner ce débat. Une mission a priori impossible, mais l'intention est noble. On comprend que l'auteure estime que le fait que Corneille ait écrit les pièces attribuées à Molière n'enlève rien au génie de Molière, qui a fait de la comédie un grand art. « Sans la bouche qui dit les vers, sans les geste qui les soutient », un texte de théâtre n'est rien. Il faut du génie pour divertir durant tant d'années les personnages les plus illustres de son temps. Il faut du génie pour endosser tant de rôles, demeurés cultes jusqu'à nos jours. C'est incontestable : le texte seul n'y suffit pas.

Pour être honnête, au-delà de l'intérêt qu'a suscité en moi le roman, et du caractère assez convaincant des éléments convoqués, j'ai été globalement gêné par la forme et le style du roman. le style employé n'est pas celui que je préfère, il me touche peu, il est par moments trop familier (même si je comprends qu'il est adapté à l'idée d'une pièce de théâtre qu'a voulu mettre en scène Eve de Castro dans son roman).

Le roman est très déstructuré, puisque l'histoire est contée à travers le regard de plusieurs personnages : Corneille, sa femme, Molière, sa femme, le « Petit », et Madeleine Béjart, compagne puis belle-mère de Molière. Certes, cette forme permet à l'auteure de présenter sa thèse tout en gardant l'esprit d'un roman, en suscitant indirectement les raisons de ce pacte entre Corneille et Molière. Certes, cela créée une ambiance très théâtrale, avec des personnages s'adressant au public, et de l'humour très farcesque (je vous laisse par exemple découvrir par vous-même l'anecdote raconté par Molière dans le roman : en détachant la première lettre des vers 444 et suivants de la pièce Horace écrite par Corneille, vous découvrirez un mot caché destiné très certainement à Richelieu). Cependant, j'aurais préféré un roman mieux structuré, plus chronologique, plus romancé.

Par ailleurs, je trouve que le roman « décolle » réellement à partir de sa seconde moitié, que j'ai largement préférée à la première. La 2nde partie est plus intéressante, plus claire, moins confuse, et on comprend réellement les intentions de l'auteur. Selon moi, la 1ère partie, et le roman de manière générale, est ombragé par des développements un peu trop importants sur les biographies des personnages, sur le contexte social du Grand siècle, les privilèges des nobles, la condition des femmes, la vie théâtrale. Tout cela est intéressant, mais ne m'a pas permis de rentrer dans le roman. Ce fut même parfois l'inverse.

Par ailleurs, faire s'adresser les personnages au lecteur est un pari très risqué. Alexandre Dumas y parvenait brillamment, mais peu d'auteurs s'y risquent. En l'occurrence, pour le roman d'Eve de Castro, l'idée était cohérente avec la forme théâtrale de l'oeuvre, et c'est plutôt réussi dans l'ensemble. Cela m'a davantage dérangé lorsque ces adresses au public furent également mêlées de ponts temporels : les références aux premiers pas sur la lune, aux moteurs de recherche, à la fermeture des théâtres durant un an en raison du coronavirus (cette critique avait-elle vraiment sa place dans un roman ?) par des personnages du XVIIème siècle m'ont quelque peu dérangé. Trop de murs brisés, selon moi. Mais cela peut tout à fait plaire à ceux qui ne se sentiraient pas gênés par de tels procédés littéraires !

En conclusion, je ne peux vous conseiller la lecture de ce roman qu'avec prudence. Si vous êtes intéressés par ce pacte secret entre Molière et Corneille, que vous n'êtes pas réticents à une structure très atypique et un style parfois familier, et que les murs brisés ne vous dérangent pas dans un roman, alors vous passerez un moment agréable car, ces réserves étant faites, le roman se lit de manière assez fluide. Pour ce qui me concerne, ces défauts ont, hélas, un peu trop perturbé ma lecture.

Le rideau se ferme. Merci pour votre attention.
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critiques presse (1)
Culturebox
12 janvier 2022
Au travers de son livre, Eve de Castro permet au lecteur d’accéder à une facette moins connue de l’homme de théâtre. Celle d’un homme complexe, qui n’a rien laissé derrière lui.
Lire la critique sur le site : Culturebox
Citations et extraits (37) Voir plus Ajouter une citation
Un génie a des cors aux pieds comme un homme ordinaire. Il a l'haleine aigre. Des flux de ventre. Il prend froid, il crache. Il se voûte, il perd ses dents, et au lit l'âge l'épargne à peine moins qu'un autre.

Mais ce qui le distingue du commun des mortels résiste au temps.

Pierre Corneille est un chêne. Une montagne battue par les vents.

Il vit des saisons qui ne sont pas les nôtres. Les siennes peuvent durer sept mois ou sept années, elles n'obéissent pas au calendrier. Il connaît en octobre des printemps bourgeonnants, en mars des étés glorieux, en janvier des automnes inquiets, en août des hivers où tout en lui se dénude. Sa dernière hibernation a été si longue que j'ai douté de le voir revenir parmi les vivants.

Il a cent ans, il a mille ans.
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Si vous voulez vivre en paix, ne vous mariez pas. L'état conjugal a des avantages, j'en conviens, dont le plus concret est de disposer soir et matin de seins rondelets et autres merveilles à baiser et mignoter, sans compter le soin qu'une femme prend de votre logis, de vos habits, de votre table, de votre santé. Mais chaque médaille a son revers et, croyez-moi, la face cachée de ce bonheur-là porte presque toujours des cornes, et bien souvent des pieds fourchus.
Moi qui sur le théâtre moquais la condition d'époux, j'aurais dû me méfîer davantage.

Mais voilà, je prends l'affaire comme tout ce qui me tient à cœur: je l'embrasse à pleine bouche. Au sortir du couvent Armande ignorait qu'il faut un coq sur la poule pour que d'un œuf sorte un poussin. Il semble que quelques mois à notre table aient suffi à l'instruire, quand le moment vient de nous coucher ensemble, je la trouve plus à mon goût que ne l’escomptais.
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Je suis homme de plume. De silence et de réflexion. Des orteils à l’occiput Baptiste était homme de scène. Il ne pensait pas, il sentait. Son monde intérieur ressemblait à une auberge un soir de banquet, tout y était cul par-dessus tête, les sentiments et les habits s’y tachaient de potage, ce n’étaient que cris, cavalcades, broches à tourner, pots de chambre à vider, et sans cesser de sautiller, de se mordre les doigts, de fourrager sous sa perruque et de grimacer face au miroir, il piochait au petit bonheur dans ce désordre. La construction d’une intrigue l’intéressait peu, l’unité d’action, de lieu et de temps encore moins. Il savait reconnaître un beau vers et s’extasiait devant la perfection des miens, mais eussent-ils été bancals qu’il m’eût félicité pareillement. Il ne se souciant pas d’ne pénétrer les intentions cachées, il ne se demandait jamais si les réflexions suggérées dans les comédies qu’il signait méritaient d’être incarnées autrement que sur le mode grotesque. Il n’y cherchait ni l’écho de nos vies, ni celui du siècle. Ces objets que je mettais sur le tour et polissais pour lui, si vibrants d’émotion qu’ils fussent, n’étaient à ses yeux que marchandise d’une valeur à peine supérieure aux costumes des acteurs.
Il songeait avant tout à gagner la faveur royale, et dans cette quête mon génie lui était un outil parmi d’autres.
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Pas un instant je ne songeai que j’avais conclu un pacte qui m’allait conduire en enfer. J’avais promis à Marie que jamais la situation ne m’échapperait, et je me faisais fort de mettre un terme à cette collaboration si les modalités venaient à me déplaire, ou si l’affaire tournait à mon désavantage. Ma tête grouille de personnages mais les rangs ne se mélangent pas, non plus que les vertus et les vices. Quand j’ai besoin d’un caractère, d’un décor ou d’une rime, je ferme les yeux, je passe mes étagères en revue et sans rien déranger je me sers. Dans ma hâte de jouer au grand auteur Baptiste crachait ses idées sur ma table comme des noyaux d’olive. Trois sur quatre me tiraient un soupir. Je surveillais la pendule. Il gémissait :
- Etes-vous déjà las de moi ?
Je répondais :
- Travaillons.
- Mais je travaille ! Cela ne se voit pas ?
Il se cassait en deux et improvisait la querelle d’un barbon avec un valet.
- Vous ne notez rien ?
Je repoussais les feuillets que nous venions de relire.
- A quoi bon ? Une fois sur le théâtre vous en ferez autre chose.
Des deux mains il m’envoyait un baiser.
- L’Illustre a raison ! Il a toujours raison !
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Je n'ai pas eu besoin de hanter les tavernes, de courir les bordels, de sillonner les provinces, de voyager outre-mer, d'étriper des ennemis, de me battre en duel, d'enlever des femmes, de pratiquer les péchés capitaux en plus des véniels. J'ai vécu et vis encore des aventures exaltantes sans quitter mon fauteuil. Tout ce qu'un homme peut connaître et ressentir, je l'ai connu, je l'ai ressenti sans bouger de cette pièce ou d'une autre qui lui ressemblait. Et comme nos paysans distillent grains et fruits pour en tirer l'eau-de-vie, je l'ai transmuté. En beauté chimiquement pure. Je suis un magicien. Avec le sel et la ferraille du temps, la misère et la grandeur de l'âme humaine, je fabrique l'immortalité. Je trempe ma plume dans mon encrier et le monde renaît.
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