AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,86

sur 465 notes
5
25 avis
4
45 avis
3
18 avis
2
0 avis
1
3 avis

Critiques filtrées sur 4 étoiles  

« La justice absolue peut être la plus absolue des injustices »


Melchor Marin, est de garde cette nuit là au commissariat de Gandesa, une petite ville de la comarque de Terra Alta, en Catalogne. C'est à ce titre qu'il décroche le téléphone et qu'il sera le premier policier à se rendre sur place.

Melchor est arrivé récemment à Gandesa. Jeune policier, c'est son premier poste en tant que titulaire. A la suite d'un acte courageux - il abat quatre terroristes au cours des attentats de Barcelone et de Cambrils - Melchor a du quitter son commissariat de Barcelone pour se faire oublier à la fois des journalistes comme des islamistes. Ce séjour à Gandesa n'est que provisoire. C'est une région dont on raconte « qu'elle est une terre de passage, où ne restent que les gens qui n'ont pas d'autres solutions que de rester, ceux qui n'ont pas d'autres endroits où aller, une terre de perdants ».

Et pourtant le coup de téléphone va démentir le dicton « ici il ne se passe jamais rien ». Dans la villa isolée appartenant à un couple de riches industriels, les Adell, la cuisinière, arrivant pour prendre son service, vient de découvrir avec horreur, les deux corps torturés de ce couple très âgé ! L'homme, Francisco Adell, au caractère dominateur, dirige l'empire des Cartonneries Adell. Sa position comme son comportement lui valent quelques ennemis mais delà à imaginer un tel acharnement, un tel supplice, c'est monstrueux ! Torturer, mutiler, jusqu'à ce que mort s'en suive des personnes nonagénaires, qui peut ainsi s'acharner sur deux personnes âgées ? Par sadisme ? de rage ?

Tout a été murement réfléchi, les alarmes ont été désactivées, les caméras de surveillance, idem. du travail de pro ?

Javier Cercas nous entraîne à la suite de Melchor Marin dans un roman policier assez sombre, parfaitement maîtrisé mais pas que …. L'auteur nous offre un roman à plusieurs niveaux de réflexion, philosophique, historique, saupoudré de religion et de littérature. le récit est habilement construit entre l'univers psychologique complexe de ce policier séduisant et attachant, ses motivations profondes, son histoire qui se dévoile au fur et à mesure de la lecture, et l'Histoire toujours aussi violente de cette guerre civile espagnole qui vient ensemencer le présent. On y retrouve les évènements chers à l'auteur mais évoqués différemment, le franquisme, les indépendantistes, les catalans. Javier Cercas cherche à nous amener à réfléchir sur le sens de la justice, sur l'impact de la littérature dans notre réflexion voire notre ligne de conduite. Ce livre est passionnant, GÉNIAL ! Un polar qui sort totalement de l'ordinaire ! On peut même dire qu'il y a deux polars dans un. L'écriture est vive, nerveuse, on ne s'ennuie pas un seul instant. J'avais beaucoup aimé « Les soldats de Salamine », me suis cassée la tête sur « Anatomie d'un instant »que je vais reprendre. Dans un registre nouveau pour l'auteur qu'est le roman policier, Terra Alta, est tout à fait convaincant.

Merci à Florence de m'avoir incité à lire ce livre.

« Mais les vraies blessures, ce ne sont pas celles-là. Ce sont celles que personne ne voit. Celles que les gens conservent secrètement. Ce sont celles qui expliquent tout. »
Commenter  J’apprécie          9118
Un livre que l'on commence à lire comme un policier, car c'est effectivement un roman policier, puis qui continue comme le déroulé d'une vie, celle précisément du policier enquêteur, et qui embraye régulièrement sur la grande littérature française, celle de Victor Hugo, avec Les Misérables, oeuvre qui passionne ce policier prénommé Melchor.

Donc, une histoire qui n'est finalement qu'un accessoire pour dérouler le vécu de Melchor, sa naissance, son enfance, son adolescence, sa délinquance, sa conversion vers la police, peut-être invraisemblable mais qui sert magistralement l'orientation de l'enquête. Et puis, tout au long de ce texte quelquefois un peu redondant de détails, la quête du père hypothétique par Melchor, son amour aussi pour Olga qui lui donnera une enfant, naturellement prénommée Cosette.

Bien sûr, Melchor c'est Jean Valjean, encore que quelquefois il s'assimile lui-même à Javert, et c'est tout le bien et le mal qui défilent au long de cette belle lecture dans laquelle il faut pénétrer lentement, toutes ces notions philosophiques et ces sentiments développés par Hugo.

Mais, Olga aiguille aussi Melchor vers d'autres livres, comme L'Etranger et même le docteur Jivago. Leurs échanges littéraires se développent en même temps que leur amour et ils finissent par se faire mutuellement la lecture et la relecture des Misérables.

Autour de Melchor et Olga, tout un foisonnement de personnages : la mère prostituée de Melchor, la famille Adell avec le couple assassiné mais aussi leur fille et leur gendre, les salariés de l'entreprise dirigée par le père Adell, les policiers collègues ou supérieurs de Melchor, un avocat, Vivales, serait-il le père de Melchor?

Donc une belle ambiance de mystère dans ce roman avec également de nombreuses évocations de la guerre civile espagnole dont les stigmates marquent encore les protagonistes les plus âgés, huit décennies plus tard.

Tous ces vécus s'imbriquent, peu à peu les fils de l'enquête se dénouent, mais ce n'est pas l'essentiel qui, lui, se dévoile dans les rapports humains, filiaux, sentimentaux, amoureux, avec une apothéose de haine et de sang.
Commenter  J’apprécie          885
Cela fait quelques années que je ne m'étais pas promené en terre catalane, pour boire une bière fraîche sur une terrasse ombragée à regarder le cul des catalanes ou le sourire des andalouses. En attendant Penelope Cruz, - pourquoi pas ?-, venue s'aventurer dans mes fantasmes ou mes souvenirs, je m'installe pour déguster un bon polar, premier d'une trilogie, signé d'un maître de la littérature espagnole, découvert avec Les soldats de Salamine et surtout établi au zénith de mes écrivains avec A la vitesse de la lumière, un chef d'oeuvre.

A toi, venu t'asseoir à la table d'à-côté, bienvenue donc en Terra Alta...

Cela commence par un fait divers banal, même pas sûr que la une du journal en soit bousculée : les époux Adell, riches nonagénaires propriétaire de la grande - et seule -usine locale, monopole des richesses et de l'emploi, viennent d'être retrouvés morts... déchiquetés... torturés. du sang, des silences, l'enquête commence avec le jeune Melchor, féru de littérature du XIXème. Mais c'est surtout l'occasion d'en découvrir un peu plus sur ce policier qui doit son salut à Jean Valjean et Javert. Délinquant juvénile, c'est en prison qu'il découvre Les Misérables de Victor Hugo (roman que je n'ai bien sûr pas lu, contrairement à Melchor qui en fait son livre de chevet pendant des années, lisant, cornant, relisant, écornant, à de nombreuses reprises). Et c'est ce livre qui le sauva, contrairement à sa mère et sa femme assassinées toutes les deux, de quoi approfondir les démons de Melchor au coeur de son âme.

La dernière page tournée avec la résolution de ce crime de haute bourgeoisie espagnole, la dernière gorgée avalée de cette IPA amarillo, la dernière lame rangée en attendant que la justice s'attaque à l'injustice, je repose Terra Alta sur l'étagère de ma bibliothèque où sont classés mes autres Actes Sud. A sa droite, Indépendance, le second volet des Misérables de Melchor qui m'embarquera un autre jour sur d'autres terres catalanes.
Commenter  J’apprécie          530
On a connu Javier Cercas spécialiste de non-fiction dans Anatomie d'un instant, capable de disséquer sur des centaines de pages d'un récit dépourvu de la moindre fantaisie littéraire la tentative de coup d'état espagnol du 23 février 1981. On l'a lu se questionner sur la fiction dans L'imposteur, en érigeant là-aussi sans la moindre fanfaronnade romanesque la biographie d'un homme qui avait quant à lui fait de sa vie un roman. On le connait pour sa passion envers la vérité et l'histoire espagnole, spécialiste de récit du réel, ayant un rapport particulier à la fiction. Difficile dans ces conditions de l'imaginer auteur de polar.
C'est pourtant bien sur ce terrain que nous plonge d'emblée cette fiction, par la découverte macabre d'un triple assassinat dans la comarque de Terra Alta. Les Adell n'avaient certes que peu d'amis dans le secteur, peu ou prou de vie sociale, le patriarche en cacique à la tête de son entreprise des Cartonneries d'Adell, adepte de management à l'ancienne. Mais de là imaginer et surtout comprendre ce carnage et cette torture avant la mise à mort du couple d'industriels nonagénaires - sans trop s'attarder sur la domestique roumaine, la horde d'enquêteurs dépêchés sur les lieux aura bien du mal à le faire. Y compris Melchor. Surtout Melchor devrait-on dire, lui l'étranger transféré au commissariat de la comarque pour se mettre à l'abri d'éventuelles représailles barcelonaises. C'est d'ailleurs tout autant sur lui que se portent d'emblée le mystère et le récit en s'installant dans un ping-pong narratif au gré des chapitres, le lecteur avide des deux histoires, celle de l'enquête au présent et celle sur le passé de Melchor, se demandant en découvrant sa bio comment elles vont bien pouvoir se rejoindre. Il faut dire que le personnage vient de loin. Un fils de prostituée assassinée et de père inconnu, à la jeunesse tumultueuse finalement incarcérée, ayant semble-t-il trouvé sa voie dans la police et sa raison d'être dans la lecture des romans du XIXe siècle, Les misérables en tête d'affiche : " la rancune et le désespoir de l'orphelin transformèrent le roman en un vade-mecum vital ou philosophique, en un livre oracle ou sapiential, ou en un objet de réflexion à faire tourner comme un kaléidoscope."
Si Melchor hésitera à s'identifier à Jean Valjean ou à Javert, le lecteur fidèle à Cercas aura quant à lui vite fait d'identifier l'auteur ibérique. le genre change, mais l'empreinte reste. On retrouve dans ce polar addictif son obsession de la vérité voire la justice incarnée dans l'acharnement d'enquêteur de Melchor, tout comme l'histoire récente de l'Espagne s'invite dans le déroulé de l'intrigue, car "ici, tôt ou tard, tout s'explique par la guerre". Mais on ressent surtout son talent indicible à accrocher le lecteur dans ses histoires.
Une trilogie est annoncée.... alors vivement la suite.

"Le problème, c'est que la réalité est pleine d'invraisemblances. Et en cela, elle ne ressemble pas aux romans, n'est-ce pas ?"

Lien : https://www.benzinemag.net/2..
Commenter  J’apprécie          4710
Vous ne pouvez pas vous rendre cet été en Espagne pour cause de COVID ?
Voilà un excellent livre pour l'été, que je l'ai lu grâce à la recommandation de mes amis Babeliotes.

Le flic s'appelle Melchor.
Melchor, comme un Roi Mage : sa mère, une prostituée des environs de Barcelone a poussé un cri de joie à sa naissance. le seul moment de grâce dans une enfance catastrophique : sans père (se questionnant sur tous les hommes de passage qui se faufilaient derrière sa mère pendant la nuit pour savoir si ce ne serait pas celui-là ?) et sans repère, ce fut la violence et la prison qui furent au rendez-vous de son adolescence.
Mais un autre rendez-vous provoqua son destin : celui de la littérature. A l'occasion d'une rencontre avec un écrivain venu parler avec les prisonniers (une scène superbe pour dénoncer ses écrivains hypocrites qui font montre de bonne oeuvre en se déplaçant en prison), Melchor par hasard va découvrir l'ouvrage qui va faire basculer sa vie : « les Misérables » de Victor Hugo.

Amis Babeliotes qui vous intéressez à «Terra Alta », c'est le moment de vous replonger dans ce classique majeur de la littérature du XIXème. Pas tant pour suivre le personnage de Jean Valjean, qui deviendra Mr Madeleine par la suite, mais pour son personnage de flic intraitable : Javert. C'est donc décidé : à l'aide son avocat qui s'est pris d'amitié pour lui, Melchor poursuivra ses études en prison puis à l'extérieur, et deviendra le justicier qu'il rêve d'être, notamment pour retrouver les lâches assassins qui ont laissé sa mère battue à mort dans un terrain vague.

Dans « Terra Alta » Javier Cercas utilise les codes du polar à la perfection : un meurtre sordide (2 personnes âgées, notables en Terra Alta, torturées à mort), des indices trop visibles, un chef de police ambitieux mais qui commet des erreurs, un coupable idéal …

On suit l'avancement de l'enquête tout en suivant en alternance la vie de Melchior qui va rencontrer sa compagne par le biais … de la littérature puisqu'elle est bibliothécaire, et c'est ainsi qu'il lui fera découvrir « Les Misérables » tandis qu'elle lui fera découvrir la littérature du 20ème siècle.

On ne dira rien du dénouement ultime, pour ne pas briser le plaisir que les autres Babeliotes pourraient prendre à cette lecture, mais sachez que le polar est tenu jusqu'au bout. On pense au film « Isla minima » pour ce film tourné dans le delta du Guadalquivir, avec ses marécages couverts de rizières, ce labyrinthe végétal et aquatique, dans lequel se déroule une autre enquête tout aussi palpitante. Mais ici nous sommes sur les terres de l'Ebre, à l'extrême sud de la Catalogne et le paysage est tristement marqué par la fameuse bataille de l'Ebre, l'une des plus sanglantes de la guerre d'Espagne.

Personnellement je connaissais pour ma part Javier Cercas pour avoir adoré « les Soldats de Salamine » ou encore « A la vitesse de l'éclair » que j'avais chroniqué en son temps, ou encore « Les lois de la frontière » également chroniqué, je le découvre ici en auteur de polar, un genre dans lequel il excelle également.

Ses thèmes de prédilection sont toutefois toujours les mêmes : en revisitant encore et toujours l'histoire de l'Espagne et notamment celle de la guerre qui a profondément marqué le pays, y compris dans cette « Terra Alta » où personne ne veut plus vivre, sauf à y être né. Il traite des questions de souvenirs, de vengeance et de haine - « Haïr quelqu'un, c'est comme avaler un verre de poison et croire que c'est comme ça qu'on va tuer celui qu'on déteste » - mais aussi des efforts que font ceux qui restent sur une terre pauvre et hostile.

« La bataille de l'Èbre n'a fait que laisser des blessures visibles, » dit la belle Olga, comme si elle ne parlait pas à Melchor mais à elle-même. « Les tranchées, les ruines, les collines jonchées d'éclats d'obus, toutes ces choses que les touristes aiment tant. Mais les vraies blessures, ce ne sont pas celles-là. Ce sont celles que personne ne voit. Celles que les gens conservent secrètement. »
Melchor s'est découvert désormais une terre à habiter.

Alors en sachant qu'il s'agit d'une trilogie, j'attends comme beaucoup d'entre vous avec impatience la suite de ce « Terra Alta ».
Commenter  J’apprécie          4622

Après quelques livres difficiles, la plume déliée et ondulante de l'écrivain espagnol Javier Cercas – via son traducteur habituel – m'a procuré l'effet d'un bain de fraîcheur. le plaisir d'une lecture tranquille, même pas troublée par la découverte dans les premières pages d'un double meurtre sordide. Devant les corps affreusement torturés d'un couple de personnes âgées richissimes, l'enquête se met en branle, avec aux premières loges, un jeune flic du nom de Melchor Marin.

Terra Alta se présente ainsi comme un roman policier tout ce qu'il y a de plus classique : quand il y a meurtre, l'objectif est d'identifier et d'arrêter le ou les meurtriers. Mais l'auteur prend son temps, s'étend sur le quotidien du jeune enquêteur, de sa séduisante épouse Olga et de leur petite Cosette. (Tiens ! Quel drôle de prénom !) La petite famille mène une vie heureuse à Gandosa, le principal village de la Terra Alta, une région reculée au fin fond de la Catalogne… Cela durera-t-il ?…

Au deuxième chapitre, on oublie le crime de Terra Alta. Focus sur Melchor et son passé. Il s'avère que son parcours, dans la banlieue de Barcelone, n'a pas été un long fleuve tranquille. Une adolescence révoltée, sans père, auprès d'une mère prostituée qui mourra assassinée, des fréquentations qui l'ont conduit à la drogue, à la violence, à la délinquance, au grand banditisme. Au bout du compte, un long passage par la case prison, où s'établira avec un avocat une relation de confiance mutuelle.

Sauvé par la lecture de romans ! La découverte du chef d'oeuvre de Victor Hugo, Les Misérables, aura amené Melchor à réfléchir sur lui-même, à la lumière de l'itinéraire de son héros Jean Valjean. S'estimant comme lui victime d'injustices, il finira par comprendre que la haine qu'il nourrit à l'égard de la société l'empêche de progresser. Mais la rédemption d'un Jean Valjean transformé en M. Madeleine ne lui paraîtra pas crédible. Ce qui en revanche le fascinera, c'est la vertueuse mais dangereuse intransigeance du policier Javert, l'antihéros par devoir, l'homme qui applique la loi envers et contre tout sentiment. Melchor décidera de se mettre au service de la justice – une justice à sa façon ! – et de devenir à son tour policier.

Les chapitres suivants sont alternativement dédiés au présent et au passé. le présent montre à Terra Alta une enquête qui n'avance pas, sauf lorsque Melchor la mène… à sa manière, ce qui lui coûtera très cher. le passé dévoile un aspirant policier qui se construit, n'en faisant qu'à sa tête, guidé par un sens rigide du Bien et du Mal. Passé et présent se rejoindront lorsque Melchor, auréolé d'une gloire récente méritée, jettera l'ancre dans le monde minuscule de Gandosa, où chacun recherchera son accointance, non sans le laisser découvrir tout seul ce qu'il faut savoir sur les autres.

Je me suis attaché à ce personnage de Melchor pourtant dérangeant compte tenu de ses dérapages incontrôlés de violence. Sa détermination implacable et introvertie cache une sensibilité extrême. Mais la justice est-elle vengeance ou application froide de la règle. Qui détermine ce qui est juste et injuste, ce qui doit être toléré, ce qui doit être puni : les lois ou la Loi ? Tant que sa radicalité restera exclusive de toute conscience humaniste, Melchor ne sortira pas du silence.

Le silence ! Dans la collectivité comme chez l'individu, il arrive que le silence masque la haine, la peur, la culpabilité. En Espagne, la guerre civile est toujours présente dans la mémoire des anciens. L'un de ses épisodes les plus sanglants, la bataille de l'Ebre, se déroula non loin de Terra Alta... Une piste ? Peut-être ! Mais comment de jeunes enquêteurs pourraient-ils la suivre ?

Du coup, le fil de résolution des énigmes du crime est décevant. Je n'aime pas quand les clés d'un mystère sont dévoilées sous la forme d'une confession exhaustive à la fin d'un polar ; un écrivain se doit de trouver mieux. Il n'empêche que Terra Alta est un roman agréable à lire. On peut déplorer que la narration s'étende sur de nombreux détails accessoires, dont on ne saisit pas au prime abord le charme ni l'intérêt. Je trouve que cela confère à la lecture une forme de lenteur dont je tiens à faire l'éloge, car cela distingue ce livre d'un thriller de base.

Lien : http://cavamieuxenlecrivant...
Commenter  J’apprécie          430
Javier Cercas, qu'on ne présente plus au vu de sa remarquable bibliographie, sort de sa zone littéraire orientée « enquête historique », pour nous offrir une nouveauté: un roman noir, premier d'une trilogie, avec un personnage d'enquêteur original, délinquant repenti devenu policier.

Affecté en Terra Alta pour reprendre son souffle après une opération particulièrement musclée, il y trouve à la fois le bonheur personnel et la violence de sa profession, au plus profond de son intimité familiale.

J'ai aimé le ton de cette narration, dans un décor de comarque catalan qui prend une place essentielle, panorama de ruralité et de désert aride et dépeuplé. L'auteur nous entraîne dans une enquête policière à l'ancienne, virtuose pour planter un décor, sonder l'âme de ses personnages et maîtriser jusqu'aux dernières pages cette histoire de vengeance.

En attente avec un plaisir anticipé de la suite...
Commenter  J’apprécie          421
Avec « Terra Alta », Javier Cercas signe le 1er tome d'une intense trilogie policière, parce qu'elle est bien plus qu'une trilogie policière.
Depuis que j'ai découvert Javier Cercas avec « A la vitesse de la lumière », je considère que cet auteur fait partie des grands écrivains contemporains actuels. Il traite ses sujets avec intelligence et une belle plume.
Et c'est toujours un plaisir de le retrouver et plonger dans ses histoires. J'ai l'impression que mes petits neurones sautillent de joie parce qu'on leur offre l'occasion de lire une littérature de qualité, tout en réfléchissant sur la nature humaine, sur la complexité de l'âme humaine. Comme le fait remarquer Vàzquez, un des personnages, il faut lire pour éviter de « finir avec le cerveau plein de toiles d'araignée ».

L'écrivain ressemble à un journaliste d'investigation (qu'il est par ailleurs par ses chroniques pour le journal El País). Il aborde de graves sujets sociétaux : argent, drogue, pouvoir, politique, etc., qu'il mêle à l'histoire espagnole (cette belle Espagne assombrie et meurtrie par des années de guerre civile, de franquisme,…).
L'intelligence de Javier Cercas dans cette trilogie est d'appâter suffisamment le lecteur pour l'accrocher dans ses filets en lui proposant un mélange d'histoire policière sociale et politique. Une fois le lecteur capté par l'enquête policière, Cercas peut l'emmener dans les ruelles sombres espagnoles et lui montrer sa vision de ce pays… Il joue même avec le lecteur et ses personnages en s'insinuant dans l'histoire (un peu à la Hitchcock lorsque le scénariste se glissait quelques secondes dans ses films), peut-être pour en donner plus de réalisme.

Dans cette trilogie, nous suivons Melchor Marin sur plusieurs décennies… Après quelques embardées de jeunesse, il va devenir policier, notamment pour essayer de retrouver les meurtriers de sa mère… Ce personnage, portant la cape du justicier, nous séduit également par son goût pour la littérature du XIXème Siècle. Et ce n'est sûrement pas anodin que son livre fétiche soit « Les Misérables » de Victor Hugo. Car tout au long de ces 3 tomes -pour ne pas dire dans d'autres romans précédents-, on retrouve beaucoup de thèmes de ce grand roman classique français.
Dans cette trilogie, il est en effet question de rédemption, de vengeance, de mensonges, d'amitié, de culpabilité, de cette part sombre que l'homme a en lui avec des doses et variantes plus ou moins élevées. Il est donc aussi question de la notion du bien et du mal. de jusqu'où on serait prêt à aller pour réussir à obtenir ce que l'on veut. Si cela concerne particulièrement les individus du pouvoir (politique, industriel, etc.), de manière plus philosophique, cela nous interroge sur les écarts de conduite possibles des ‘'justiciers'' (policiers) et de nous-mêmes.
Ainsi, Melchor, le personnage central notamment n'est pas d'un blanc immaculé : il a des failles, des obsessions. Et c'est une des raisons qui explique notre plaisir à suivre cette trilogie : l'auteur nous montre les différentes facettes des hommes, même ceux qui sont du bon côté… Cercas ne se contente pas d'une analyse manichéenne du monde. Il utilise une palette de couleurs pour ces divers personnages, des nuances de blanc virant au noir profond.
Il décortique l'âme humaine, fouille, triture dans sa noirceur, étale les travers et faiblesses et c'est peu dire que ce n'est pas très beau à voir. Il analyse la société actuelle en dessinant toutes les complexités, certaines ambivalences et donne ainsi de la profondeur aux protagonistes. Et peut-être que Melchor, pour hésiter à poser sa préférence entre Jean Valjean et Javert, a en lui une bonne part des deux.

Par contre, Javier Cercas décrit ceux appartenant à la sphère politique de manière particulièrement sinistre et nauséabonde. Il ne fait pas dans la demi-mesure. Pour eux, le nuancier se limite souvent entre noir et très noir. Et c'est même quelque peu déprimant de voir à quel point il n'y en a pas un pour racheter l'autre. Tout n'est que jeu de pouvoir, jeu d'influence, sans morale, sans conscience, pour parvenir à ses fins. C'est parfois écoeurant tellement tout ‘'ce beau monde'' est corrompu, vénal. S'il y a quelque chose de pourri au royaume du Danemark, possible que l'écrivain l'étende aux terres espagnoles, de Terra Alta, à Barcelone, en passant par Majorque… Pas mal de vers sont en train de manger la pauvre pomme.

La violence des crimes narrés dans les 3 tomes est à la hauteur de la noirceur et de l'immoralité de certains grands de ce monde. C'est en tout cas ce qui, pour moi, en a résulté à la lecture de cette trilogie : l'histoire policière avait pour objectif premier de faire une critique sociale et politique sans concession, de décrire autant la sphère des dirigeants et leur intouchabilité que les failles de la justice.
La Catalogne, la terre âpre et qu'on croit paisible de Terra Alta, la rambla barcelonaise, la beauté de Majorque, les rayons du soleil espagnol pourraient nous aveugler en nous faisant croire que ces endroits ne sont que des petits bouts de paradis… mais ils ont aussi un petit goût d'enfer...

Commenter  J’apprécie          405
Terra Alta est paru chez Actes Sud, mais pas dans la collection Actes noirs, on se demande bien pourquoi. Mon premier Javier Cercas a pourtant tous les attributs du roman policier. On part d'un fait divers : dans un mas isolé, un richissime couple âgé, les Adell, est assassiné ainsi que leur gouvernante. L'homme est un industriel local, gros employeur de la région. Sa femme et lui ont été torturés avant d'être tués. Melchor Marín, policier considéré comme héroïque, mais au passé trouble, va enquêter comme le lui demandent ses supérieurs. le récit va osciller entre présent et passé : au présent, l'enquête et la vie quasi monacale de Melchor ; au passé, les explications qui amèneront les lecteurs à comprendre comment ce délinquant, fils de prostituée est devenu ce policier complexe et talentueux.
***
Javier Cercas va s'attacher à nous dépeindre Melchor dans toute sa complexité. On assistera à l'évolution du jeune homme vers une certaine maturité, sa difficulté à prendre ses marques, sa méfiance et, pendant toute sa jeunesse et peut-être encore au présent, sa colère et sa rancoeur. Pendant un séjour en prison, un codétenu français l'initiera à la littérature en lui prêtant Les Misérables, roman dans lequel Melchor s'immerge. Il s'identifie aux personnages, Jean Valjean comme Javert, mais c'est vers ce dernier que va sa préférence, et de là vient son désir de devenir policier. La place accordée à la littérature se révèle importante. Au début, Melchor lit surtout des romans du XIXe siècle. Après la rencontre avec Olga, la bibliothécaire, ses horizons vont s'élargir. Devant sa réticence à sortir du XIXe siècle, elle va lui proposer des romans du XIXe siècle écrits au XXe… Je vous laisse découvrir les choix d'Olga et les appréciations de Melchor dans leurs discussions passionnées. Il devient un grand lecteur et subit à cause de cela l'ironie de ses collègues et de certains de ses supérieurs. Cercas choisit de situer son roman en Catalogne, dans cette Terra Alta où le souvenir de la guerre est encore très présent, comme d'ailleurs celui de la dictature, et où s'inscrit le désir d'indépendance. Par le biais d'un personnage secondaire, il sera brièvement question de la colonisation au Mexique. L'intrigue policière est bien ficelée, elle propose une vision du monde qui m'a semblé assez réaliste, ne faisant l'impasse ni sur l'injustice, ni sur la corruption des élites et en évitant, je crois, les clichés d'usage. J'ai beaucoup aimé ce roman, et je lirai très bientôt Indépendance. le dernier opus de cette trilogie devrait sortir en France courant juin.
Commenter  J’apprécie          390
Le lecteur sort de ce livre avec un sentiment étrange d'âpreté, de rudesse et d'infinie tristesse. Il lit les critiques, souvent dithyrambiques mais ne s'y reconnait pas…Il n'aime pas ce flic, Melchor, ne crois pas à sa rédemption.

Melchor, fils de pute et de mille pères, étaient un psychopathe à l'intelligence aigrie. Et puis Melchor a trouvé en prison l'évangile selon Saint Javier : Les Misérables. Formidable tuteur de résilience, ce livre déterminera son destin. Melchor sera Javert, vrai gentil et faux méchant. Même si l'identification floutée à Jean Valjean fera de lui un héros de l'anti-terrorisme.


Le lecteur retrouve Melchor, marié et père de famille ( sa fille s'appelle Cosette, comme il se doit), intégré à la police de Terra Alta, une région brumeuse et viticole, au sud-ouest de la Catalogne . Il est désigné pour participer à l'enquête concernant le meurtre atroce d'un couple de nonagénaires richissimes. Melchor/Valjean/Javert/Cercas n'est pas au bout de ses peines. Tout comme le lecteur qui suit une trame narrative convenue.

Mais Melchor peut compter sur son avocat ( qui est peut-être son père biologique ?) pour se sortir d'affaire et naviguer entre 2 enquêtes ( il reprend celle concernant la mort de sa mère)

Le lecteur comprend assez vite que les vielles vengeances liées à la guerre civile n'en finissent pas de tarauder les auteurs hispaniques.

Bon, je vous dis cela dans le style d'un Javier Cercas, ici particulièrement sombre et opératoire. C'est un grand écrivain et je lirai la suite de cette trilogie un peu plus tard, c'est certain .
Et puis il faut que je poste ce billet avant que ce livre devienne translucide et que je perde une nouvelle fois le réseau.
Commenter  J’apprécie          349




Lecteurs (1046) Voir plus



Quiz Voir plus

Littérature espagnole au cinéma

Qui est le fameux Capitan Alatriste d'Arturo Pérez-Reverte, dans un film d'Agustín Díaz Yanes sorti en 2006?

Vincent Perez
Olivier Martinez
Viggo Mortensen

10 questions
95 lecteurs ont répondu
Thèmes : cinema , espagne , littérature espagnoleCréer un quiz sur ce livre

{* *}