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EAN : 9782070439829
352 pages
Gallimard (09/02/2012)
4.38/5   8 notes
Résumé :
« Les musiciens ont le privilège de capter toute la poésie de la nuit et du jour, de la terre et du ciel, d’en reconstituer l’atmosphère et d’en rythmer l’immense palpitation.
» Indiscipliné, depuis le Conservatoire, et méprisant les succès faciles, Claude Debussy (1862-1918) dut toute sa vie faire face à de sévères critiques.
Avec le Prélude à l’Après-midi d’un faune, Pelléas et Mélisande, La Mer ou encore ses Préludes pour piano, sachant se libérer ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
« Tout artiste est coupable, jusqu'à preuve du contraire ». S'il y a une chose que je retiens de l'éminent critique musical Lester Bangs, c'est bien cette maxime, et aucun artiste ne saurait y échapper, quand bien même cet artiste s'appellerait Debussy et quand bien même fêterions-nous en ce moment même le 150ème anniversaire de sa naissance. N'ayant jamais écouté avec attention son oeuvre et n'ayant quasiment rien lu sur lui de toute ma vie, il était temps que je me penche sur le cas de ce célèbre compositeur français. La publication d'une biographie signée Ariane Charton était l'occasion parfaite.

Avouons-le tout de même en introduction : je ne connais rien de ce compositeur français, comme je ne connais rien d'ailleurs de la musique classique en général. J'aime Schönberg certes, la faute à un professeur de faculté qui m'avait raconté – à moi qui avais les yeux et les oreilles scotchés sur Dylan et ses affrontements électriques avec ses fans- la façon dont Schönberg avait dû affronter son public sans jamais faire de concessions, sans jamais rien altérer de son art et de sa vision. J'aime également Gustav Mahler mais, à vrai dire, l'ai-je jamais vraiment écouté ? Oui, J'ai voulu l'aimer, assez tôt, pour avoir entendu tant de gens et d'artistes que j'aime et dont j'admire l'oeuvre en dire le plus grand bien. Ce que j'ai entendu sur Mahler était si beau, si sublime, ce que les gens y trouvaient dans chacune de ses partitions semblait si précieux et si bouleversant que j'ai prétendu, moi aussi, y trouver les mêmes trésors. C'est de la bouche ou de la plume de John Cale, un des Dieux les mieux placés dans mon panthéon personnel, que j'ai, je crois, entendu en premier son nom et par la même découvert son existence. Et de John Cale, fut un temps où j'aurais aimé jusqu'à la marque de ses clopes.

Vous aurez compris que la musique classique, quel que soit le drapeau qu'elle porte et les mouvements qu'elle représente n'a jamais vraiment été faite pour moi et moi-même je n'ai jamais été fait pour elle, malgré quelques connexions évidentes entre nous. Alors, Roll Over Debussy ?


La biographie ou l'art de faire parler les sources :
Dans une conférence sur le genre biographique au Trinity College en 1928, André Maurois présentait ainsi le biographe moderne : "Le biographe moderne, s'il est honnête, s'interdit de penser : "Voici un grand roi, un grand ministre, un grand écrivain ; autour de son nom a été construite une légende; c'est cette légende, et elle seule, que je souhaite exposer." Non. Il pense : "Voici un homme. Je possède sur lui un certain nombre de documents et de témoignages. Je vais essayer de dessiner un portrait vrai. Que sera ce portrait ? Je n'en sais rien. Je ne veux pas le savoir avant de l'avoir achevé." (Maurois André, "Aspects de la biographie", Voltaire, Les Cahiers rouges, Grasset, 2005 , p. 128 )

Si je ne suis pas tout à fait certain qu'André Maurois ait jamais vraiment appliqué ce conseil à lui même, on retrouve dans cette biographie de Debussy la volonté de l'auteur de laisser directement les sources parler et apporter leurs vérités et leurs opinions sur Debussy. Comme elle l'avait fait auparavant pour sa biographie d'Hortense Allard, "Marie d'Agoult, une Sublime Amoureuse ", Ariane Charton laisse une nouvelle fois parler en premier lieu les personnes qui ont connu Debussy ainsi que Debussy lui-même à travers de larges extraits de correspondances judicieusement choisis. Ce choix de l'auteur d'en venir directement à la source et de multiplier les points de vues pourra peut-être décourager certains amateurs de biographies courtes et incisives mais ravira tous ceux qui voudront avoir le portrait le plus complet et le plus "vraisemblable" de Debussy.

Une personnage vivant :
Laisser parler les sources ne signifie pas s'effacer pour autant et on retrouve dans cette biographie la style d'Ariane Charton et le regard passionné qu'elle porte sur ses sujets. Elle n'abstient pas de commenter certains évènements ou certaines postures de Debussy. de même, le sujet, Debussy, n'est pas un cadavre disséqué froidement le long de quelques mornes pages, c'est au contraire un personnage vivant dont l'auteur sait parfaitement retranscrire l'âme hautement tourmentée. Là encore, saluons le choix des lettres et extraits proposés par Ariane Charton. (c.f. en citation, les mots de Debussy lui-même).

Portrait d'un avant-gardiste :
Le trait le plus fascinant de ce portrait reste pour moi -c'est une constante chez moi- la manière dont Debussy veut à tout prix conserver son intégrité. Tous les chanteurs, auteurs, compositeurs ou cinéastes que j'aime partagent ceci : même devant les hués, ils ne reculent pas et ne sacrifient pas leur idée de l'art. Alors qu'il se faisait huer par une partie de ses fans et alors qu'on le traite -sur scène- de traître et de "Judas", Dylan ne vacilla pas une seule seconde et continua de proposer ce qu'il avait envie de faire et que personne n'avait encore jamais fait ni entendu dans la musique des années 1960 : "Quelque chose qui tienne le coup face aux tableaux de Rembrandt."

J'ai retrouvé cet esprit admirable dans la présente biographie de Debussy. Les mauvaises critiques ne comprennent pas les nouvelles approches musicales apportées par Debussy ("Une oeuvre constamment insupportable " pendant les quatre premiers actes. ... Un tel art est malsain et néfaste" (p.192) ou encore : "Le rythme, le chant, la tonalité, voilà trois choses inconnues à M. Debussy et volontairement dédaignées par lui. Sa musique est vague, flottante, sans couleur et sans contours, sans mouvement et sans vie. (p. 193) ), mais ce dernier s'en moque et surtout ne concède rien. Mieux, en individualiste désireux de garder sa liberté la plus totale, il va jusqu'à se désolidariser de ses soutiens qui le "tuent" (p. 198). Sa seule voie est dans celle qu'il se trace lui-même, pas dans celles qu'on lui conseille.

Et des polémiques, il y en a eu pourtant pour un artiste qui se débarrassait sans grande manière de nombreux codes musicaux de l'époque. La Mer, oeuvre orchestrale considérée comme un chef-d'oeuvre absolu aujourd'hui a été accueilli autant par des sifflets et des insultes que par de vigoureux applaudissements. Voici ce que déclara Debussy à la suite de la première représentation : "Il est curieux que le fait d'assembler des sons le plus harmonieusement possible donne comme retentissement : des cris d'animaux et des vociférations d'aliénés !" (p.236)

Un artiste admirable en somme autant par son art que par son intégrité artistique et auquel la biographie que lui consacre Ariane Charton rend parfaitement justice. Cette biographie vous permettra certainement de découvrir, comme moi, un ensemble de facettes étonnant du compositeur. Je ne saurai juger les nouveautés de l'angle ou de l'éclairage apportées par cette biographie (il eut fallu que j'en sache plus sur Debussy avant de la lire) mais elle m'aura donner le goût d'en savoir plus sur un compositeur tout à la fois intègre et fascinant.

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La bibliographie sur la vie et l'oeuvre de Claude Debussy est foisonnante et ne manque pas d'intérêt. Il est dès lors bien difficile pour ceux qui s'intéressent au compositeur d'arrêter un choix sur un seul livre. C'est un peu le hasard qui m'a fait découvrir la biographie écrite par Ariane Charton. Et, le hasard, c'est bien connu, fait parfois bien les choses...

Dès les premières mesures... les premières pages, on découvre le petit Achille-Claude, sa famille et ses origines modestes, son caractère secret mais obstiné, ses premières années d'apprentissage musical, son talent, ses amitiés puis plus tard son séjour à la Villa Médicis de Rome, son retour à Paris et la vie de bohème. Indocile, l'homme veut se démarquer des autres, de l'académisme rigoriste de l'époque et à force de ténacité et de nombreuses relations, il va, avec des fortunes diverses, progressivement s'imposer dans le milieu artistique et musical parisien puis plus vaste de la fin du XIXème et du début du XXème siècle.

Pour dresser un portrait complet du compositeur, Ariane Charton s'est appuyé sur une abondante correspondance dont elle livre de nombreux extraits, celles que Claude Debussy entretint avec ses amis, les compositeurs Ernest Chausson, Erik Satie, l'écrivain Pierre Louys et son éditeur Georges Hartmann. Hors de l'homme public qui ne se voulait pas tel, l'auteure évoque aussi le Debussy intime, homme soucieux et travailleur, homme amoureux des femmes (Rosalie Texier et Emma Bardac plus que d'autres), le père tout aimant de Chouchou, ainsi surnommée sa fille Emma-Claude.

De courant impressionniste et/ou symboliste, ce sont enfin les oeuvres du compositeur qui sont abordées à l'appui de très nombreux extraits de journaux, de revues, de critiques musicales de l'époque. L'Après-midi d'un faune, Pelléas et Mélisande puis La Mer et Les Nocturnes jusqu'aux pièces pour piano comme Children's corner, Les Arabesques et Clair de lune sont dans cette biographie les oeuvres les plus abordées, dans leur composition, leur création et l'accueil du public et de la critique.

Livre parcours, livre itinéraire d'une vie, d'une oeuvre, incomparables, le Debussy d'Ariane Charton mérite une attention particulière, qui au gré des pages invite à lire, à (ré)écouter les esquisses de la Mer, à regarder les Estampes et sous le Clair de lune à imaginer l'Après-midi d'un faune.
Une belle lecture.
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Belle biographie de Debussy, très bien documentée à partir d'articles de journaux et d'une abondante correspondance. Si elle a de la sympathie pour « Claude de France », Ariane Charton ne tombe jamais dans l'hagiographie et décrit parfaitement les ambivalences du personnage avec les femmes, ses amis, l'argent, ...Sûr de son talent et intransigeant musicalement parlant, Debussy a parfois du mal à composer avec la réalité. Cet ouvrage aide également à mieux comprendre les influences qui ont nourri l'oeuvre de celui qui a révolutionné la musique française. A déguster en écoutant la Mer, prélude à l'après-midi d'un faune, la cathédrale engloutie, Images, ...
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
"En vérité, on n'y peut rien, on a l'âme que vous ont léguée un tas de gens parfaitement inconnus, et qui, à travers les descendances, agissent sur vous sans que trop souvent, vous y puissiez grand chose." Si Debussy, à la veille de ses cinquante ans, parlait ainsi de ses origines, toute sa vie prouvait pourtant combien il avait su se démarquer de ses aïeux.
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Le peu de considération pour des contemporains obtenant un succès populaire est une attitude fréquente chez bon nombre d'artistes. Elle est à la fois compréhensible, souvent justifiée, tout en étant discutable par le mépris et l'enfermement qu'elle implique. Vaut-il mieux se couper de son temps et composer pour la postérité qui saura mieux apprécier l'oeuvre ou vaut-il mieux essayer d'éduquer ses contemporains pour en être compris ? Debussy, au caractère aristocratique, fit son choix dès sa jeunesse et ne changea jamais.
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L'instabilité matérielle du compositeur est le reflet d'une instabilité d'artiste écartelé entre ses aspirations et ses idéaux et la pression de ses amis ou des gens du monde théâtral et musical prêts à lui proposer tout et n'importe quoi contre de l'argent, argent dont il a pourtant toujours besoin. (p.142)
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Il suffirait que la musique force les gens à écouter, malgré eux, malgré leurs petits tracas quotidiens et qu'ils soient incapables de formuler n'importe quoi ressemblant à une opinion, il faudrait qu'ils ne soient plus capables de reconnaître leur face grise et fade, qu'ils pensent avoir rêvé, un moment, d'un pays chimérique et par conséquent introuvable.

p. 173
(Claude Debussy à Paul Dukas, 11 février 1901, au sujet de l'auditoire prompt à juger en bien ou en mal de son oeuvre).
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C'était la nuit sur le pont de Solférino. Très tard dans la nuit. Un grand silence. Je m'étais accoudé à la balustrade du pont. La Seine sans une ride, comme un miroir terni. Des nuages passaient lentement sur le ciel sans lune, des nuages nombreux ni trop lourds, ni trop légers : des nuages. C'est tout. (p. 152)
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