J'ai choisi ce titre un peu par hasard lors de la Masse Critique spéciale "mauvais genres", intriguée par son résumé et par la promesse d'un face à face peu banal entre un jeune qui cambriole des résidences secondaires et une riche veuve excentrique qu'il va vainement tenter de dévaliser.
Choc des cultures et des générations, ce roman est servi par une plume acérée qui m'aura parfois amené le sourire aux lèvres, fait assez surprenant lorsqu'on sait qu'il s'agit là d'un roman bien noir.
L'association fonctionne plutôt bien, et même si j'ai été déroutée par le style au départ ("elle est plutôt fricot tricot fleurs et bocaux") au final j'avoue que ça a fait partie du charme du livre.
Jules "Julius" César s'est donc retrouvé au mauvais endroit au mauvais moment. Lui qui pensait braquer tranquillement une petite vieille se retrouve d'un coup bien moins malin quand ladite petite vieille lui assène un coup de fourche qui le laisse assommé avant de le bourrer de kétamine.
C'est que Lisa en a sous la semelle, elle est venue s'installer à la campagne pour qu'on lui fiche la paix et voilà qu'on la braque...
Seulement voilà, très vite Lisa se trouve face à un dilemme: appeler les gendarmes ou s'occuper du cas de Julius?
Prendre le risque qu'il s'en sorte avec une peine légère et qu'il recommence, ou lui filer une telle frousse qu'on ne l'y reprendra plus?
Lisa hésite et tergiverse, jusqu'au moment où elle n'a plus le choix: le temps file et il devient difficile de prétexter la légitime défense.
Elle s'occupera donc toute seule du cas de Julius.
J'ai trouvé que Lisa faisait preuve d'une incroyable maîtrise d'elle-même. Elle connaît des moments de panique, doute parfois de ses décisions, avant de se raisonner et de se persuader qu'elle agit pour son propre bien.
Sa rencontre avec Julius va ébranler certaines de ses certitudes, elle va se rendre compte que malgré sa farouche envie d'indépendance, elle est finalement bien seule.
La seule chose qui me fait tiquer, c'est la vision que l'auteure offre de ses personnages.
D'un côté on a les petits voyous de la ville, ceux de bas étage comme Julius et son acolyte le Poupon, les deux pas très fut-fut, le langage vulgaire et se voyant comme des racailles puissantes, mais aussi les chefs de bande style Balek, qui se la jouent parrains mafieux mais sans en avoir le panache.
De l'autre, vous avez les habitants du petit village, les campagnards bouseux, bas du front, ne refusant jamais un petit verre de vin, avec les chiens au coin du feu et le fusil jamais bien loin, toujours prompts à s'enflammer.
Vous voyez le sketch des Inconnus sur les chasseurs? C'est exactement l'image qui m'est venue à l'esprit en voyant les habitants de ce petit village, le Gégé en tête. Celui qui braille plus que les autres et qui croit avoir tous les droits, le fort en gueule qui estime qu'il peut tout se permettre à partir du moment où il est chez lui.
J'habite moi-même à la campagne, dans un petit village (à peine 1000 habitants) et franchement, je ne suis pas du tout reconnue dans le portrait que brosse
Laetitia Chazel, même si je sais parfaitement bien que ce genre de petite communauté perdure encore de nos jours.
Bref, je ne sais pas s'il faut prendre ces descriptions au premier degré ou si l'auteure a voulu faire un trait d'humour, mais pour ma part j'ai tellement trouvé ça gros que j'ai pris le parti d'en rire.
Me restera en tête le face à face tout en tensions entre Lisa et Julius, ces deux solitaires qui se trouveront malheureusement trop tard.
L'auteure nous livre un huis clos étouffant, à l'ambiance lourde, confiné dans ce petit village prêt à tout pour se défendre.
Une bonne lecture, pas le thriller de l'année, avec une fin surprenante, même si elle aurait pu également être différente.