De
Djamel Cherigui, épicier à Roubaix et fin connaisseur des errances humaines, j'avais déjà beaucoup aimé "
La sainte touche". Voici qu'il nous revient avec "
Le balato", un roman peut-être moins surprenant que le premier, mais plus abouti . Un roman qui se passe tout près de l'épicerie du premier volume, disons une rue plus loin. Précisément au Saturne, le bar tenu par Aami Mirouche. le narrateur, c'est Bombonne, son neveu : une moitié de Kabyle un peu enveloppé, fils de taulard, orphelin de mère. C'est chez le Mirouche qu'il crèche depuis que son père est tombé, à cause d'un braquage qui a mal tourné. Et c'est là aussi qu'il fait son éducation, en écoutant les poivrots, sous l'oeil torve d'un buste de Napoléon dont son oncle est fervent admirateur.
Bombonne, il est comme tous les jeunes de Roubaix, du moins ceux du quartier: il est complexé, il pense aux filles, il est fauché, il ne sait pas vraiment de quoi demain sera fait. Alors il sert des cafés, des demis-pression, voire des whiskies frelatés les soirs où le bar ferme ses volets et se transforme en clandé. Les soirées "Wall Street", qu'on appelle ça, tellement l'argent circule vite.
C'est précisément lors d'une soirée de ce genre que le Suisse déboule dans le bar. le Suisse, c'est un gamin de l'Assistance qui a mal tourné. Mais qui impressionne grandement Bombonne. Blond, bien sapé, à l'aise en toute situation, il raconte des histoires fabuleuses de son séjour en Amérique latine, il s'imagine planteur, il se veut admirable... et devient admiré, effectivement. Mais Bombonne n'imagine pas encore où cette fascination va le mener.
Je suis heureuse qu'il y ait encore des écrivains comme celui-ci, et des livres comme celui-là. Ne cherchez pas là-dedans un auteur de polars classique, ou un romancier prolétarien au style convenu: peine perdue. Non, Cherigui c'est le fils de
José Giovanni et de
San-Antonio , avec un petit quelque chose en plus, sans doute le soleil de Kabylie. On se marre, on s'agace, on s'émeut aussi lorsque la narration se fait plus sombre et ressuscite les souvenirs de la guerre d'Algérie , ou relate les trois-huit des OS roubaisiens. Mais avant tout, on passe un bon moment, chez l'oncle Mirouche.