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sur 393 notes
Ted Chiang est un genre littéraire à lui seul.

L'Uchronie est le genre qui consiste à créer un univers semblable au nôtre dans lequel il n'y a qu'un seul point de divergence. Un événement historique et se serait déroulé différemment.

Je dirais donc que Chiang fait de l'Uphysique. Un genre qui consiste à créer un univers semblable au nôtre dans lequel une loi de la physique est différente.

Chiang n'écrit que des nouvelles et chacune en vaut la peine. Il y a d'ailleurs celle qui a servi à faire le film Arrival de Denis Villeneuve.

Ce recueil, je l'ai lu il y a déjà plusieurs années, et j'y repense constamment. Ce n'est pas que pour les fans de SF. C'est bien écrit, les personnages sont humains, et les expériences de pensée ont des portées philosophiques intéressantes et travaillées.
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Je suis presque raccord là.
Alors qu'en France sort le dernier recueil de nouvelles de Ted Chiang, je termine son premier : La tour de Babylone.

Huit nouvelles dans l'ensemble assez longues où se déploie une méthode plutôt unique mais habillée de couleurs très variées.
Quand je dis méthode, c'est parce que je sens que le scientifique dirige l'auteur. J'ai toujours eu l'impression de voir se déployer la résolution d'un problème selon une méthodologie bien établie : on pose le problème, on amasse des données, on teste des hypothèses. Les personnages ont dans l'ensemble tous accès à la raison bien qu'ils puissent être névrosés (de la même façon qu'un tueur en série peut déployer une méthodologie d'action d'une logique sans faille et d'une grande complexité). C'est un peu comme si chaque nouvelle était une expérience de laboratoire confinée.

Mais quand j'ai dit ça, je n'ai rien dit. Cette méthode sous-jacente s'habille d'une variété de forme remarquable. Les sujets traités et les décors dans lesquels ils s'animent dévoilent une imagination débordante. Une cosmologie antique prend vie dans La tour de Babylone. Les affres d'une mathématicienne devenant cinglée face à sa découverte dans Division par zéro rappelle les psychoses des grands logiciens (voir Logicomix). L'animation de la matière par l'intermédiaire du nom devient une vraie technique industrielle de la fin du 19ème siècle dans 72 lettres. Et la mythologie biblique prend réalité avec nombre de dégâts collatéraux dans L'Enfer, quand Dieu n'est pas présent. Quant à la possibilité d'éliminer le concept de beauté des relations humaines, il prend la forme d'un documentaire à multiples témoignages façon Antoine Bello dans Aimer ce que l'on voit : un documentaire.
Je garde le plus connu pour la fin : qui a vu le superbe film Premier Contact, de Denis Villeneuve ? Eh bien il s'agit d'une adaptation de L'Histoire de ta vie.

Contrepartie de la beauté formelle de ces nouvelles, le langage employé utilisant largement les sciences est parfois opaque quand on ne possède pas de connaissances détaillées. Ted Chiang fait parfois des efforts de vulgarisation – dans L'Histoire de ta vie par exemple, et il y en a besoin tellement les concepts nécessitant un éclairage sont nombreux. Mais quand on capte, c'est du plaisir à l'état brut – et parfois pas du tout comme dans Comprends (mais dans cette nouvelle l'opacité participe de la démonstration que le narrateur a atteint un niveau intellectuel qui dépasse les simples humains). Je crains que cela ne laisse du monde sur le bord de la route.

A noter aussi que la fin du livre contient une explication par l'auteur de la genèse de chaque nouvelle, du pourquoi il a eu envie de l'écrire. Un plus très apprécié.

Mais personnellement j'ai beaucoup aimé. A petite dose cependant. Je ne me sens pas de me lancer dès aujourd'hui dans son recueil récent.
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Quand la science-fiction rencontre le récit biblique


Ted Chiang est un auteur américain de science-fiction qui a réussi l'exploit de recevoir 4 prix Hugo (le Saint Graal du genre) en ne publiant qu'une petite vingtaine de nouvelles depuis 1990. La tour de Babylone sera le premier de ses deux recueils à paraitre en France et sera publié en 2006, il rassemble 8 nouvelles qui s'étalent sur environ 400 pages. le titre du recueil évoque le récit fameux et mythique de la Genèse qui symbolise à la fois la recherche perpétuelle du savoir et l'hubris démesuré de l'Homme. On le verra, ces thématiques sont présentes dans la majorité des nouvelles du recueil.


La tour de Babylone s'ouvre justement sur la nouvelle éponyme qui nous narre à la façon d'un récit biblique l'ascension grisante d'une tour si haute qu'elle touche (littéralement) le ciel. Un texte inspirant et réussi. À sa suite, on découvre le texte "Comprends" une nouvelle très prenante, plaisante et bien rythmé qui renouvelle plutôt bien le thème éculé du surhomme. À sa suite division par 0 explore les limites des mathématiques, et nous plonge dans le désarroi d'une mathématicienne qui découvre l'incohérence monstrueuse de son domaine de recherche. Quatrième nouvelle du recueil, "l'Histoire de ta vie" est un excellent texte, ambitieux, très bien construit et extrêmement agréable à lire qui a été adapté au cinéma en 2016 (Premier contact). Passé cette première moitié de recueil, cela se gâte un peu : la nouvelle "Soixante-douze lettres" mélange la théologie façon ancien testament (et le thème du golem) avec la hard SF pour un résultat indéniablement original mais dont j'ai déploré le manque de rythme et que j'ai ressenti comme un passage à vide après les superbes textes qui précédait la nouvelle. Suit un court texte, que j'ai trouvé relativement quelconque et typé hard SF "L'évolution de la science humaine". Enfin le recueil se clôt sur deux bons crus, "L'enfer quand Dieu n'est pas présent" nous plonge dans un monde parallèle : une Amérique où la vie après la mort, les apparitions des anges chrétiens, les miracles et les destructions associés sont des phénomènes aussi tangibles qu'un tsunami ou qu'un incendie. On découvre ce monde déroutant par le petit bout de la lorgnette en suivant quelques individus déboussolés. le récit est vivant, original et joue avec le sentiment d'empathie du lecteur en maniant une ironie un peu cruelle. le recueil s'achève sur "Aimer ce qu'on voit, un documentaire", là aussi c'est un texte à la fois accessible et ambitieux qui peut rappeler des auteurs comme Ken Liu ou Greg Egan. La nouvelle nous place à une époque proche et dans l'univers "familier" des campus américains et se fait sous la forme d'un faux documentaire (type L'homme qui mit fin à l'histoire de Ken Liu) : une technique neurologique permet de désactiver nos réactions face à la beauté ou à la laideur des individus, au sein d'une université américaine, un débat (qui va peu à peu prendre une ampleur nationale) s'organise sur l'utilisation de cette technique et son application obligatoire pour les étudiants. Discriminations, sens esthétique, mécanismes sociaux si ancrés en nous qu'ils ne sont pas questionnés, transhumanisme, influence de la publicité et des médias... Sans prendre parti mais avec beaucoup d'acuité, l'auteur soulève nombre de thèmes intéressants et très actuels. Un texte aussi divertissant que réflexif.


Si le plaisir de lecture n'est pas le même pour toutes les nouvelles du recueil je ressors de ce livre impressionné par cet auteur que je ne connaissais pas mais dont le talent me parait certain. J'ai trouvé les textes globalement intéressants et j'admire la capacité de l'auteur à renouveler le genre en en repoussant les frontières, s'inspirant notamment de la Bible et de l'imaginaire judéo-chrétien. Les textes sont ambitieux et questionnent les limites de l'Homme, de nos sociétés et notre relation au divin et à l'altérité. J'ai trouvé ce recueil globalement réussi et plaisant à lire : pas de doute, je me procurerai Expiration, le second recueil de nouvelles de cet auteur.
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Pour faire court, c'est "wouaouh".
Pour moi qui n'aime pas les nouvelles c'est 5 étoiles et la nécessité d'arrêter et reprendre mon souffle entre chaque texte.
Mon édition n'intègre pas les remarques de l'auteur sur chaque nouvelle ce qui est bien dommage car j'aurais aimé en savoir plus sur la façon dont il arrive à ces résultats: des gemmes ciselées à la perfection.

Le langage de Chiang est très maîtrisé et en "sous régime" comme s'il ne voulait pas qu'une langue trop riche vienne s'interposer devant les idées développées dans les nouvelles. Aussi étonnants que soient les concepts, le ton reste toujours calme et rationnel, ce qui amplifie l'effet obtenu (Cf. Quand Dieu n'est pas présent où aimer Dieu, c'est l'enfer).
Il utilise des concepts de SF "dure" avec une approche très humaine. Voir par exemple Division par zéro, ou l'effet d'un théorème sur un personnage… Pourtant c'est probablement la nouvelle la plus émouvante contenant autant de références mathématiques!

Ce qui m'a surtout fascinée, c'est la façon dont la forme même des nouvelles reprend leur contenu.
La tour de Babylone me fait penser aux dessins récursifs d'Escher. Quand la structure du monde se révèle semblable à un cylindre de sceau, le personnage se retrouve au même endroit qu'au début de l'histoire, en approche de la tour.
Dans Histoire de ta vie surtout toute l' histoire est structurée un peu comme le langage extraterrestre qu'étudie l'héroïne, avec 2 lignes narratives aux directions temporelles opposées, sans que cela vienne perturber la compréhension du texte et perturber l'émotion qui s'en dégage.

Bref, lisez-le - même si vous n'aimez pas lire des nouvelles!
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Le titre de ce recueil me semble inapproprié, cette nouvelle n'étant pas du tout représentative des autres. Très concrète et loin des tortures de l'esprit des autres, la lire pourrait vous induire en erreur sur la suite. Les autres nouvelles laissent l'auteur creuser les sujets - parfois longuement - en racontant moins d'histoires mais avec une telle densité de réflexion et d'étonnement !
Les notes de fin de l'auteur, sorte de commentaire sur chaque nouvelle, sont un régal, bien que parfois un peu difficiles à rapprocher de ce qu'on a lu.

La Tour de Babylone : très belle histoire qui n'est pas de la SF mais m'a passionné car j'ai toujours voulu imaginer ce que serait la vie et l'ascension de la tour de Babel. Occasion de découvrir l'écriture de l'auteur, très agréable et fluide. Déception légère à la conclusion, l'explication finale ne m'ayant pas convaincu, sur un strict plan logique et technique. J'aurais à la limite préféré une explication fantastique, cela m'aurait évité de m'interroger sur ce qu'il a voulu dire.

"Comprends" est excellente et extrapole les pensées d'un homme devenu surdoué / surhomme. On glisse dans l'abstraction et aussi, décidément, je ne comprends pas trop la fin et le titre "comprends", mais je ne suis pas certain qu'il y ait plus à comprendre que cela !

"L'histoire de ta vie" commence très bien et l'on pourrait dire que, dans l'ensemble, c'est une excellente idée et qu'on découvre réellement le style de Ted Chiang. Il traite de la communication avec des extra-terrestres qu'il a su créer bien différents et il évoque donc des moyens bouleversant notre vision des choses. Il y ajoute une complexité dans sa réflexion technique et mathématique, ainsi qu'un parallèle avec une autre vie. La nouvelle est très originale et ce style est bien étrange, il ne plaira pas à tout le monde, d'autant qu'elle est très longue et se résumerait en très peu ! Cette nouvelle a inspiré le film Premier Contact.

"Soixante-douze lettres" est très longue et introduit un univers steampunk lui aussi fort original, basé sur la culture hébraïque. Les automates ont des qualités en fonction de leur nom. Esotérique. Il y a beaucoup de longueurs jusqu'à la scène d'action finale qui est superbe.

Toujours dans le religieux dans "l'Enfer, quand Dieu n'est pas présent" qui m'a beaucoup plu. L'intervention d'anges visibles de tous et provoquant autant de guérisons miraculeuses que de décès ou malheurs interroge sur les sujets classiques du christianisme : l'intervention de Dieu dans tout ça, le libre arbitre de l'homme, l'injustice et la rébellion devant les horreurs de la vie. Avec un final sur la foi assez fort et allant dans le sens de la chrétienté. Mais qu'il est difficile de l'avoir, cette foi, qui ressemble à un état d'esprit !

"Aimer ce que l'on voit" est ma préférée. Traitée sous forme d'un documentaire (comme chez un certain Ken Liu), elle entre dans ma catégorie favorite en SF : "et que se passerait-il si ?". Là c'est très fort avec un processus qui permet à chacun de décider de "lisser" la beauté ou la laideur physiques chez les personnes que l'on croise. L'auteur joue avec nos nerfs, nous avons une opinion, puis une autre, sommes émerveillés par toutes les implications de cette invention. Cela peut aller très loin et s'étendre à d'autres domaines de la pensée. Terrifiant, génial et horrible car il s'agit d'anticipation ! A rapprocher de certains épisodes de la série "Black Mirror" et de ma nouvelle "La Pire".

"L'évolution de la science humaine" est un article d'anticipation ou prospective très amusant.

"Division par zéro" : je suis totalement passé à côté. D'ailleurs le hachage de la nouvelle par des considérations mathématiques ne m'a pas intéressé plus que ça, ne voyant pas le rapport avec le texte.

J'évite toujours le biais de la critique orientée par les prix ou la renommée, je suis donc allé voir le palmarès impressionnant des nouvelles de ce recueil après ma lecture !


Lien : https://www.patricedefreminv..
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Beaucoup d'auteurs se lancent dans l'écriture en commençant par des nouvelles, comme si c'était réservé aux débutants. Et pourtant, j'ai toujours considéré ce format comme un genre à part entière, difficile à maîtriser. En effet, l'auteur doit être capable d'immerger le lecteur dans un univers très rapidement, de tisser une histoire cohérente et de l'emmener vers une vraie fin, si possible surprenante.

Dans ce recueil de Ted Chiang, tout est là : style, personnages, histoires. Chaque nouvelle nous entraîne dans un monde à part, parfois très proche du notre. L'auteur met souvent en scène une quête de l'Homme, qui aboutit à une chute étonnante et absurde, sur des sujets qui font réfléchir : Dieu, notre avenir sur Terre, l'impact des apparences sur notre société… Tous ces sujets sont vraiment bien amenés et peuvent être sujet à réflexion, à débat. Personnellement, la dernière nouvelle sur le dictat de la beauté m'a vraiment percutée. Si un jour, la science en arrivait à ce point, est-ce que je pourrais me laisser tenter ?
Dans toutes les histoires, les protagonistes prennent une décision, ont un avis. Mais l'auteur ne donne pas l'impression de trancher. Il laisse le lecteur libre de son propre débat intérieur.
Les personnages sont parfaitement bien construits, leur psychologie est finement analysée. On ressent la tension et la paranoïa de Leon, le désespoir de Renée, le questionnement de Tamera. le lecteur vit avec eux intensément pendant quelques pages.
A la fin du recueil on trouve des notes de l'auteur sur chacune des nouvelles, expliquant d'où vient l'idée du sujet. Cela permet d'éclaircir quelques points flous, d'avoir la sensation de partager un moment avec l'auteur. J'aime cette idée.
Globalement, ces nouvelles m'ont laissées une très bonne impression, et certaines me marqueront d'ailleurs plus que les autres : La Tour de Babylone, L'histoire de ta vie et Aimer ce que l'on voit : un documentaire. Sur les 8 nouvelles, il n'y en a qu'une pour laquelle je suis totalement passée à côté, L'évolution de la science humaine. Mais comme elle est vraiment très courte et que les 7 autres sont remarquables, je la laisserai de côté et considère que le manque de compréhension vient de moi.
Je lui attribue donc 4 étoiles : une pour le style fin et agréable, une pour les personnages crédibles bien que dans un univers de Science-fiction, une pour les différentes histoires émouvantes et intéressantes et la dernière pour la recommandation.
Lien : http://lesnouvellesplumes.ov..
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Je me rappelle avec nostalgie du premier roman de science-fiction que m'ont conseillé un libraire et un autre client. J'étais venue pour acheter Dune. Ils avaient jugé que pour une entrée en matière dans ce genre littéraire, c'était trop ardu. A la place je les avais laissé me refourguer La Stratégie Ender. Et je pense qu'ils ont eu raison. Ce recueil de nouvelles a lui aussi des côtés assez exigeants, tout à tour très mathématique, scientifique, voire théologique.
J'avais déjà lu Expiration du même auteur, et vraiment apprécié la précision et la richesse des mondes et des réflexions qu'il nous offre. Dans ce recueil, c'est toujours le cas : c'est fascinant, déroutant, vraiment intelligent. Ce qui fait du bien dans ce monde où le risque est grand de tomber sur des écrits médiocres.
Là promis, pas de médiocre, de tiède ou d'approximatif. Vous allez partir plus loin que votre imagination ne l'avait prévu. Vous allez sortir du cadre. Parfois cela demandera une certaine gymnastique cérébrale. Preparez-vous aux courbatures de matière grise. Pour ma part j'ai été un peu perdue par les principes mathématiques et scientifiques de Division par zéro et L'histoire de ta vie. J'ai retrouvé mon aversion pour ces matières dont l'utilité me paraissait trop théorique pour être dignes d'intérêt. Alors oui, je l'avoue : il m'est arrivé de lire des romans pendant ces heures de cours. Ce qui a certainement participé au fait que je suis ici aujourd'hui à écrire sur ce recueil. Et si les mathématiques menaient à la littérature ? J'ai adoré la nouvelle qui donne son titre au recueil, et coup de coeur aussi pour la dernière, qui s'interroge sur le sens de la beauté.
En fait, comme tout bon recueil de nouvelles, je m'attends à ce qu'elles reviennent titiller mon intellect, venant superposer des réflexions sur les choses que je vais vivre dans les prochains mois. D'où l'expression : je vous en donnerai des nouvelles !!
Alors, faut-il le lire ? Oui si vous êtes déjà familiarisé avec la science-fiction. Pour les autres, on n'apprend pas à conduire sur une Ferrari. Alors allez-y molo pour démarrer. Tentez un Bordage, Silverberg ou même La Stratégie Ender de Orson Scott Card.
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Ted Chiang est un auteur de science-fiction connu pour la qualité de ce qu'il fait et son manque de productivité. Après avoir lu une de ses nouvelles, excellente, en ligne, j'ai décidé de tenter le recueil entier.

Et c'est excellent. Cela me plait beaucoup. Les idées sont originales, et j'aime la logique sans faille de l'exploitation. Et puis, il fait partie de ces quelques auteurs de sf qui ne sont si optimistes ni pessimistes, dont le but est de parler de la science, l'intelligence et la raison, mais sans parti-pris, pas du tout pour donner des explications sur le bien ou le mal qu'elles vont apporter à la société, non, juste pour en parler en soi.

Mes préférées sont :
"La Tour de Babylone", un récit du point de vue des ingénieurs qui ont construit la tour de Babel, basé sur "et si la cosmologie mésopotamienne avait été vraie".
"L'histoire de ta vie", un récit de linguistique-fiction, avec des extra-terrestres qui ont un mode de pensée très différent du notre. Ca raconte les efforts d'une linguiste professionnelle pour les comprendre, et les effets que ça aura sur sa personnalité et sa vie de famille, et c'est superbe, j'ai un peu pleuré, à la fin.
"72 lettres", qui se passe dans l'Angleterre victorienne, sauf que les golems existent et marchent, et le héros est un chercheur en Vrais Noms (car c'est le nom d'un golem qui lui fait accomplir sa tâche, et plus on est bon en noms, plus on peut leur faire faire des choses complexes), qui se retrouve à participer à des expériences interdites.
Si ces résumés vous donnent envie, même un peu, je conseille le livre !
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8 nouvelles, 8 univers différents et surprenants que Ted Chiang nous invite à découvrir dans ce recueil. le plus frappant, selon moi, c'est l'imagination extraordinaire de l'auteur qui, sur des thèmes qui pourraient sembler classiques, comme la visite d'anges sur terre, un premier contact humain-alien, des scientifiques jouant avec la chimie du cerveau, produit des nouvelles débordant de créativité, d'idées, et finalement de questions.
Denoel accompagne son édition de quelques pages de l'auteur sur les nouvelles, où il explique le cheminement des textes, l'idée d'origine, et c'est très intéressant de voir comment il fait vivre tout un univers d'une idée très simple.
C'est très différent de la SF bon marché qu'on lit très vite et oublie pareillement, et on comprend pourquoi la plupart des nouvelles ont été couvertes de prix! Une agréable découverte, qui m'a fait regretter qu'il n'ait pour l'instant rien écrit d'autre!
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Dans un recueil de nouvelles, les différentes histoires sont rarement au même niveau. La Tour de Babylone ne dément pas cette règle. J'ai adoré la plupart des récits. Intelligents, surprenants, très construits, scientifiques, j'ai eu la sensation d'être enrichie par cette lecture.

Cependant, certaines nouvelles étaient hors de ma portée – notamment Soixante-douze lettres. le principe était très bien : l'auteur revisitait la légende juive des golems – créatures de boue que le Verbe (ou plutôt, le Mot écrit) anime. Dépourvus de conscience et de parole, elles ne sont que de simples exécutantes – des machines dévolues à une tâche simple. On raconte qu'à l'origine, leur mission était de protéger le peuple juif. le protagoniste, Robert Stratton, est fasciné par le pouvoir des lettres, au point de construire un golem doté de mains articulées capable de réaliser des choses complexes. Son travail interpelle aussitôt un groupuscule de scientifiques qu'une découverte alarme : l'humanité est au bord de l'extinction. Comment le savent-ils ? Ils ont fait grossir des spermatozoïdes afin d'étudier les spermatozoïdes qu'ils contiennent, puis les spermatozoïdes qu'ils contiennent, et ainsi observer les générations humaines futures.
Pause.
Qu'est-ce qu'on me chante-là ?
Il faut savoir que, dans cette nouvelle, les spermatozoïdes sont des mini humains translucides à qui seul un ovule peut donner consistance. D'ailleurs, au cours du récit, on les croise plus souvent dans des cuves que dans leur habitat naturel – si vous voyez ce que je veux dire… Leur étude est très sérieuse – les experts ont déterminé le liquide optimal avec la température optimale pour éviter qu'ils deviennent apathiques ou trop agressifs et leur permettre de grossir. Ces scientifiques ont découvert que d'ici cinq générations toute l'humanité deviendra stérile.
Le concept est suffisamment étrange comme cela, mais l'auteur a souhaité nous faire croire que les golems de Stratton pourraient sauver la situation. Et c'est là que j'ai lâché l'affaire – ça partait beaucoup trop loin dans les théories de la nomenclature. Voilà belle lurette que je ne suivais les dialogues qu'avec difficulté, et j'ai fini par lire sans plus rien comprendre. J'ai donc laissé tomber vers la moitié de l'histoire.
Qui a dit que les nouvelles étaient moins approfondies que les romans ?
Moi.
Je retire cette parole.

Mais Soixante-douze lettres n'est que le plus mauvais exemple de ce recueil. Les autres m'ont plu, voire enchantée.
Le récit qui m'a apporté le plus de satisfaction est sans conteste L'Enfer, quand Dieu n'est pas présent. Ayant grandi dans une famille très catholique, le thème théologique me fascine – surtout quand il est abordé sous un angle original. Ici, c'est l'histoire de Neil Fisk, un homme peu gâté par la nature puisqu'il est boiteux et vient de perdre sa femme dans un accident angélique.
Un accident quoi ?
Ted Chiang crée un monde dont rêverait tout croyant : Dieu existe, ce n'est plus à prouver puisque ses anges parcourent régulièrement la Terre en Son nom pour accomplir des miracles. Malheureusement, entre deux-trois guérisons miraculeuses, ces forces de la nature provoquent aussi d'énormes cataclysmes qui blessent ou tuent des dizaines de personnes. Vivre est une roulette russe et les victimes sont plus nombreuses que les bénéficiaires. Mais qu'importe ! le Seigneur existe, c'est prouvé. Et si un ange est la cause de notre mort, on a beaucoup plus de chance d'arriver au paradis. On le sait, c'est évident, puisqu'on VOIT les âmes monter au ciel ou s'enfoncer dans les enfers.
Mais alors, Dieu est-il vraiment bon ? le paradis vaut-il la peine d'être vécu ? N'est-ce pas captivant d'ôter tout son mystère à l'au-delà et de se rendre compte que les voies du Seigneur sont RÉELLEMENT impénétrables ? Pourquoi un violeur multirécidiviste parvient-il au paradis alors que des gens sans histoires finissent aux enfers ? On pourrait croire que la populace se rebellerait contre un Dieu aussi inique, mais c'est prouvé : si on n'aime pas le Tout-Puissant, on va en enfer.
Nick sait que sa femme est au Paradis, mais il déteste Dieu. Comment se forcer à aimer profondément et sincèrement un être à qui il reproche tous ses malheurs ?


Pour moi, cette nouvelle est assez équivalente à La Tour de Babylone. Les deux évoquent la quête de Dieu, mais sous un angle très différent. La Tour prend place dans l'Antiquité, quand Babylone était une des plus grandes cités du monde. Les hommes sont en train de finir la fameuse tour qui doit lier la terre au ciel. Cette fois, ils y parviennent. La voute céleste est atteinte.
Et c'est l'histoire de deux mineurs, Hillalum et Nanni, qui ont pour mission de la creuser.
Car oui, vous ne le saviez pas, mais le firmament est une immense coupole. le Soleil, la Lune et les étoiles se baladent juste en-dessous (d'ailleurs l'une d'entre elle a percuté la tour et est restée accrochée pendant plusieurs jours avant de s'éteindre et de tomber).
D'ailleurs, comment se fait-il que Dieu n'ait pas interrompu leurs progrès ? Est-ce sacrilège de vouloir le rejoindre ? Approuve-t-Il cette entreprise ?
J'ai été décontenancée par la chute, surprenante à bien des égards. Et j'ai été prise de vertige devant les dimensions titanesques de la tour, si bien retranscrites par Ted Chiang. Pour tout vous dire, un homme met quatre mois à atteindre son sommet. Mais personne ne monte les mains vide – ce serait du gâchis. Chaque personne ayant l'occasion de monter se doit de hisser des briques, des truelles, ou même des vivres afin d'alimenter la microsociété qui s'est créée là-haut.

Et puis évidemment, il y a la nouvelle qui a inspiré le film Premier contact. Qui s'intitule en réalité L'histoire de ta vie puisque c'est le récit imaginaire que Louise Banks adresse à sa future fille alors que l'homme qu'elle aime s'apprête à lui demander si elle veut faire un enfant. Et que la naissance de ladite fille est liée à l'arrivée d'une race extra-terrestre sur Terre : les heptapodes. On suit donc deux narrations, l'une ordinaire et l'autre extraordinaire :
- L'histoire de cette gamine qui devient grande, de sa relation à sa mère ;
- Et les pour-parler avec ces étranges créatures dont le langage n'a rien de commun avec le nôtre. Louise, spécialiste en linguistique, s'acharne à comprendre leur système d'écriture. Que veulent-ils ? Sont-ils arrivés par hasard ? Pourquoi ne réclament-ils rien aux humains ? On dirait qu'ils attendent quelque chose, mais quoi ?
La richesse de cette nouvelle tient à la perception du temps.

Et je ne parle pas d'Aimer ce que l'on voit : un documentaire ! Imaginez qu'on puisse implanter un dispositif dans le cerveau (sans danger, presque sans aucun effet secondaire et retirable à tout moment) qui bloque l'appréciation de la beauté du corps humain. Voudriez-vous ne plus être sensibles à la grâce d'une belle personne ? Voudriez-vous ne plus complexer sur vous apparence physique ? Cesser d'être influencés par l'apparence des gens ? Ne plus être réceptifs aux publicités qui utilisent le corps des femmes pour en faire un outil de vente ?
Si on vous proposait gratuitement la calliagnosie, l'essayeriez-vous ? L'implanteriez-vous sur vos enfants ?
Cette nouvelle est, véritablement, un documentaire. Les personnages prennent tour à tour la parole, comme répondant à la question d'une voix-off. Les avis fusent, se mêlent, se mélangent, les expériences se contredisent. On commence avec Tamera, dix-huit ans, très déçue d'apprendre que la calli va devenir obligatoire dans l'université qu'elle a choisie – elle, qui rêvait de pouvoir enfin l'enlever pour voir le monde tel qu'il est. Un nouveau logiciel vient d'être lancé sur le marché : Visage, qui permet de voir à quoi ressembleraient les gens avec de la chirurgie esthétique.
C'est bien le problème de l'apparence qui est abordé ici. Couplé avec celui de la technologie sans limite et sans conscience, on touche à la folie et à l'absurde. Certains personnages défendent corps et âme leur droit à profiter de la belle vue d'une jolie fille dans la rue, d'autres affirment ne pas vouloir être soumis à cette discrimination de l'apparence ; d'autres encore soutiennent que se poser une calli revient à se « crever les yeux » et que la clé du problème est dans l'éducation ; d'autres que la beauté est une forme de drogue : à force de voir des modèles virtuels sans défaut autour de nous, nous ne parvenons plus à tolérer les imperfections des corps normaux. Et quand les sociétés de cosmologie viennent mettre leur grain de sel, les choses se corsent inévitablement. Car après tout, soyons sérieux : ce n'est pas le bien-être des citoyens qu'elles recherchent, mais la sauvegarde de leurs parts de marché…
Les arguments, très convaincants, m'ont prouvé que Ted Chiang était très fort dans l'art de la rhétorique, capable tout aussi bien de prêcher pour et contre son propre avis – même si, tout compte fait, il semblerait bien qu'il ait choisi son camp. C'est une lecture idéale pour réfléchir sur le Beau et son utilisation dans la société, sur la question des apparences et de leur influence sur le cerveau humain.

Pour moi, une bonne lecture est surprenante, elle permet d'envisager des concepts sous un angle nouveau, ce qui permet de considérer des situations et des univers innovants et d'ouvrir son esprit à d'inhabituelles perspectives.
La Tour de Babylone était donc une EXCELLENTE lecture.
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