" Sauver l'instant de grâce, l'accord parfait, forcément furtif, instable, insaisissable, l'isoler et lui donner l'éclat du diamant: c'est l'horizon proposé par nombre de poèmes ici réunis ". Voilà ce qu'écrit Olivier Adam dans la préface, et je trouve que c'est une belle définition du haïku...
Makoto Kemmoku , membre d'Ashibi ,revue d'haïkus contemporains, s'est associé à Dominique Chipot , spécialiste du haiku francophone, pour présenter une sélection bilingue de poèmes de cette publication japonaise.
La tradition du haïku est respectée, le recueil suit le fil des saisons. Et tout récents qu'ils soient, les poèmes m'ont paru intemporels. Dédiés à la célébration de la nature, à l'observation du vivant, ils dépassent le cadre social, moderne, pour cerner et transcrire la sensation liée à l'instant.
" Le bleu de l'azur
et le rouge des fleurs de prunier
me suffisent"....
Belle humilité , délicate osmose avec la nature...
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Agréable surprise que la redécouverte de ce recueil de haïkus, qui se trouvait bien caché au fond de ma précieuse et très fournie bibliothèque asiatique ! Délaissé aussi sur babelio au vu du peu de notes et de l'absence de critique depuis sa publication en 2011 !
Et cela s'avère très injuste. Voici quelques arguments pour lire cet intéressant recueil :
- Les haïkus présentés sont tirés d'une revue japonaise spécialisée et renommée, Ashibi fondée en 1928. Valeur sûre.
- Ils émanent d'auteurs contemporains. Tout en s'inspirant des grands maîtres anciens dont ils ont assimilé l'art, ils renouvellent le genre.
- Ils sont tout simplement beaux et évocateurs.
- Ils sont présentés selon les quatre saisons, ce qui respecte l'esprit du haïku, par essence relié à la saisonnalité.
- L'édition est bilingue, le texte est donc en caractères hiragana-kanjis, rômajis (conversion dans notre alphabet de ces caractères japonais), et bien sûr traduction française.
- Olivier Adam et sa sensibilité pour le Japon nous fait l'honneur de préfacer ce recueil.
Tout cela n'est-il pas convaincant ? Un bon tour d'horizon du haïku moderne et néanmoins classique, avec peut-être un seul et léger regret, ne pas avoir de réel commentaire hormis la sérieuse préface et une introduction trop courte.
Pour les exemples, j'en ai déposés bon nombre en citations, à portée de clic (sourire).
A lire pour découvrir cet art si japonais, qu'il convient naturellement d'associer avec des recueils des plus grands maîtres classiques comme Issa, Bashô, Ryôkan, Buson, Shiki, Soseki.
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La Nature, les paysages ne sont pas moins réels qu'autre chose. Et l'écriture, dans sa nécessité même, peut s'en nourrir aussi bien, sinon mieux, que du reste. Voilà ce que semblent nous dire les haïkus les plus strictement descriptifs de ce recueil. Signe des temps, plus qu'au peintre, c'est au photographe que les auteurs empruntent toute la palette des techniques : cadrage, lumière, effets d'optique, jusqu'à rêver de clichés impossibles....
Mais pour la plus large part du recueil, il s'agit de dépasser le strict enregistrement du réel, et d'accorder ces visions à une sensation. Au fond il s'agit moins de décrire que de ressentir. L'écriture, nue à l'extrême, se dépouille de tout ce qui encombre pour se faire sismographe du moindre tressaillement. A fleur de peau, les yeux, les oreilles grand ouverts, il y a là aussi leçon d'écriture : il faut rester à la surface, s'en tenir à l'épiderme, ne pas s'embourber dans les méandres de la psychologie, du ressassement, et ne se fier qu'aux signes, aux manifestations.
Préface d'Olivier Adam
(Les haïkus)
Ils nous offrent ainsi cette dernière leçon de musique et d'épure : less is more. On le sait, pour qu'un son résonne, il faut du silence et de l'espace autour. Le haïku porte cette loi physique à son point d'incandescence, et célèbre les fiançailles, réputées contradictoires, de la rigueur et de l'émotion.
Préface d'Olivier Adam
c'est à cela que nous invite le haïku : accroître notre présence, densifier notre rapport au réel, aux autres, à nous-même. Habiter poétiquement le monde [...] Et c'est quand cette captation des soubresauts du vivant vient nourrir la pensée, quand cette perception des êtres et des choses ouvre sur l'intime, met à nu une palette complexe de sentiments, que ces poèmes emportent le plus loin. C'est dans la correspondance entre surface et intériorité que se joue le plus riche et le plus mystérieux de ces instantanés
- extrait de la préface d'Olivier Adam -
Les fines branches des saules pleureurs
se mêlent et se demêlent
sous le vent printanier
Fumiko Araï
Le bleu
du vent du soir
mêlé à la pivoine blanche
Setsuko Shimitzu
Corinne Atlan, Dominique Chipot, Patrick Honnoré et Delphine Roux interviewés par Patricia Martin pour leurs livres sur le Japon et sa culture lors de la 22ème Fête du Livre à AUTUN en 2019.