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4,2

sur 1109 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Ils vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfants …. et tout s'arrête ? Non, non et non, c'est justement à partir de ce moment-là que tout commence et que ça devient intéressant. Dans ce bouquin, Mona Chollet mène une enquête très complète sur le couple hétérosexuel, sur la place de la femme dans le couple, dans la société, dans l'art.

Comme pour tout travail journalistique de qualité, la thèse est très bien argumentée et très bien documentée. de très nombreuses références sont citées, qui sont autant d'invitation à approfondir ce sujet épineux et ô combien central dans nos vies…

Mona Chollet passe en revue le traitement de l'actualité, depuis la presse people jusqu'aux événements tragiques (le féminicide de Marie Trintignant), le monde de l'art, avec par exemple une analyse des peintures, oeuvres d'hommes, pour des spectateurs masculins, qui souvent montrent la femme comme un objet, soucieuse de son apparence et en position d'attente ou de séduction. La littérature n'échappe pas à son analyse: Belle du Seigneur, les châteaux d'Eros, Histoire d'Ô, …

Elle revient aussi sur les normes sociales qui « incitent fortement » les femmes à travailler leur apparence de jour, femme qui est souvent aimée comme une icône, une figure idéalisée et désincarnée, sans aucun droit à être un estomac, des intestins, poilue, transpirante, saoule, … Et surtout cet impératif à rester en retrait par rapport aux hommes, souvent moins diplômés, car socialement la femme doit se montrer plus faible qu'eux. Ces normes sociales qui nous disent :

♫Il vous faut
Être comme le ruisseau
Comme l'eau claire de l'étang
Qui reflète et qui attend
S'il vous plaît
Regardez-moi je suis vraie
Je vous prie, ne m'inventez pas
Vous l'avez tant fait déjà

Vous m'avez aimée servante
M'avez voulue ignorante
Forte vous me combattiez
Faible vous me méprisiez
Vous m'avez aimée putain
Et couverte de satin
Vous m'avez faite statue
Et toujours je me suis tue ♫
(Anne Sylvestre – Une sorcière comme les autres)

Et bien sûr, elle aborde l'épineux sujet de l'amour, où l'on attend de la femme qu'elle soit passive, soumise, dans l'attente (♫J'attendrai le jour et la nuit, j'attendrai toujours ton retour …♫) , et espérant un amour « romantique », un amour « éternel » qui la comblera de bonheur, puisque c'est de l'homme et de son rôle de mère que viendra son plus grand bonheur. D'ailleurs pour certaines féministes américaines, le masculin et le féminin sont créés à partir de l'érotisation de la domination et de la soumission, et ce type de relation, envisagée comme une relation d'autorité, une relation hiérarchique, devient la clé pour une vie amoureuse heureuse.

L'absence de machisme, entre mecs, est souvent interprétée comme un signe d'homosexualité. Mais le pire probablement, c'est que chacun intègre inconsciemment son rôle, femme ou homme, ce rôle que la société attend d'elle ou de lui…

Alors, certes oui les choses bougent, depuis quelques décennies quand même. Par exemple, mes parents ont eu deux filles (mon père d'ailleurs s'avouait soulagé de ne pas devoir partager le pouvoir et l'autorité avec un fils !) et, conscients de la « vulnérabilité » du sexe faible, ils nous ont poussées à entreprendre de « belles études », ce qui nous autoriserait à claquer la porte en cas de maltraitance physique (la hantise de ma maman). Mais cela s'est limité aux études. Rien n'a été fait sur le plan émotionnel ou relationnel. Ils ne nous ont pas appris à être indépendantes, à nous sentir fortes et responsables, à ne compter que sur nous, à ne rien attendre de nos futurs maris, à vivre pour nous. Pire, je me souviens avoir été éduquée à me taire et à ne pas répondre aux questions (des amis de mes parents ou de la famille) qui m'étaient directement posées. Non, c'était mon père qui s'en chargeait …

Alors oui ce livre m'a fait énormément de bien. D'abord j'ai pris conscience de cet état des choses et de mon propre comportement, mes propres automatismes. Ensuite j'ai compris que je pouvais (devais même) sortir de ma position attentiste, que je n'étais pas obligée de me taire en public, que je pouvais (devais ?) changer d'amis, d'activités et de loisirs pour échapper à l'ascendant de mon mari (c'est plus fort que lui, il doit forcément marcher sur mes platebandes, et comme il est beaucoup plus charismatique que moi, dès qu'il arrive, je passe dans l'ombre, je tombe dans l'anonymat).

Ce bouquin nous invite aussi, nous les femmes, à renoncer à l'amour de l'amour et à aimer avec courage, avec audace en assumant le risque de l'échec. Lisette Lombé (une poétesse belge dont j'ai déjà parlé ici même) a d'ailleurs écrit un très bon conte électro sur ce sujet (je pense qu'elle présentera à Avignon cet été en festival off et j'espère qu'il sera publié bientôt). Il nous encourage à être nous-mêmes en amour, à ne pas nous dévaloriser systématiquement, à ne pas nous effacer, à pratiquer la spontanéité et le franc-parler. Cela contraindra les hommes à montrer leur vrai visage : soit ils acceptent que nous soyons leur égale soient ils s'en fuient. Et alors n'ayons pas peur de dire : bon débarras …
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Exceptionnel et passionnant, le livre de Mona Chollet est une merveille d'édification, d'érudition et d'humour.
Le vieux mâle blanc hétérosexuel cisgenre que je suis en est tout retourné.
La lecture de Réinventer l'amour est d'utilité publique.
J'ai adoré sa subtilité subversive, la fluidité de son propos même pour interpréter le glauque et le complexe.
J'ai beaucoup aimé ses références : modernes ou classiques,littéraires,cinématographiques, artistiques etcétéra..Mona Chollet pioche dans l'univers des séries ( « L'effet Don Draper » est extrêmement drôle mais aussi tellement bien vu!).
Elle dynamite Belle du seigneur que j'avais tant aimé avec une pertinence implacable.
Elle rebondit sur Eva Illouz pour bien marquer ses accords et désaccords ( le neo-libéralisme n'explique pas tout !).
Elle s'entoure d'une sororité littéraire exemplaire : Anne-Marie Dardigna, Judith Duportail, bell hooks, Manon Garcia etc…

J'ai été très convaincu par son dernier chapitre sur les fantasmes masochismes où elle parle d'elle avec beaucoup de sincérité et analyse finement Histoire d'O.
Et son travail sur Des hommes, des vrais est est un véritable morceau d'anthologie !!! Exemple :Guy Georges, le tueur de l'Est parisien, arrêté en 1998 pour viol et meurtre de 7 femmes, a reçu des dizaines de lettres de femmes qui veulent remplacer sa mère ou conquérir son coeur !!!

« Comment le patriarcat sabote les relations hétérosexuelles » est à mettre entre toutes les mains et fera un excellent cadeau du Papa Noël pour tous les mâles heteronormés (et pour tous les autres aussi évidemment)
Merci Mona Chollet pour cette lecture si stimulante.
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Après sorcières, je suis à nouveau totalement convaincue par cet essai de Mona Chollet. Elle étudie cette fois les dégâts que cause le patriarcat dans les relations amoureuses.

Elle fait référence à sa propre expérience, à des cas connus de tous, à des écrits féministes, des films ou des romans. Ces multiples exemples et le style agréable en font une lecture facile et pas du tout un pavé indigeste. de plus, l'auteure n'est jamais dans l'excès et la démesure, ce qui rend ses démonstrations d'autant plus percutantes à mon sens.

Comme dans Sorcières, elle nous démontre comment chacun peut être imprégné par une culture, sans même en avoir conscience, qui va orienter notre comportement. Ici c'est donc le patriarcat qui est sur la sellette : comment les petites filles rêvent d'un prince charmant qui viendra les sauver, comment les jeunes femmes perpétuent cette quête, pourquoi ont-elles tendance à se dévaloriser alors que les jeunes garçons partent dans la vie plein de morgue, comment cette supériorité masculine peut conduire à des comportements violents etc…Pourquoi les hommes refusent de parler de sentiments, pourquoi les femmes assument toute la part émotionnelle dans le couple ?

Voilà certains des nombreux sujets abordés par l'auteure avec tact et intelligence. Je me suis interrogée sur des choses qui me semblaient évidentes auparavant en la lisant. Franchement un essai à lire par tous, hommes ou femmes, tout le monde s'enrichira !
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Après Beauté fatale et Sorcières, Mona Chollet continue d'explorer les constructions sociales qui emprisonnent et empêchent les femmes. Dans ce nouvel ouvrage, elle démontre que l'hétérosexualité est un piège pour l'amour, voire un tue-l'amour, tant il doit au patriarcat dans sa construction et les représentations qu'il véhicule. « Les hommes hétérosexuels expriment leur désir pour les femmes au sein d'une culture qui les encourage à mépriser et haïr ces femmes. » (p. 18 & 19) Alors, l'hétérosexualité sans le patriarcat, est-ce possible ? Mona Chollet ouvre des pistes de réflexion en se fondant sur d'autres penseuses et penseurs des relations humaines et amoureuses. Elle interroge par exemple la vie commune : souvent décidée par commodité – notamment quand le couple devient famille et compte des enfants –, elle s'accompagne du vieux démon de la charge mentale pour les femmes, chargées d'être les gardiennes et les intendantes du foyer, au service dévoué et prévenant des hommes. « Refuser de cohabiter permettrait de savoir si on est aimée pour soi ou pour les services que l'on rend. Cela permettrait aussi à certains hommes d'acquérir quelques compétences utiles et de devenir des personnes entières. » (p. 51)

L'autrice s'attaque à la pénible injonction de la douceur ! Non, les femmes ne sont pas par nature douces et tendres et délicates et mignonnes et calmes et tout ce qui a trait à une certaine fragilité ! Et elles n'ont certainement pas à l'être dans le cadre amoureux. « Notre organisation sentimentale repose sur la subordination féminine. » (p. 55) de fait, minorer ses ambitions pour ne pas gêner son compagnon, ne pas le mettre en insécurité, c'est injuste pour la femme, mais aussi contreproductif pour la société tout entière ! Cette dernière perd ainsi des compétences, mais surtout cela entretient le mythe de l'homme fort qui dessert autant les femmes... que les hommes ! Eh oui, ces derniers gagneraient à ce que le patriarcat soit renversé, tant dans la vie professionnelle qu'amoureuse !

Passons au sujet des violences. Celles-ci sont multiples : physiques, hélas et évidemment, psychiques également. L'appropriation sexuelle mâtinée de colonialisme et de fétichisme est une version perverse de domination masculine, comme toutes les formes de sexualisation et d'objectification des femmes. Ces messieurs doivent cesser de brandir l'excuse inappropriée du traumatisme et de la douleur pour se dédouaner de leurs comportements cruels. « Tout le monde a des défauts, mais cela ne justifie en rien la violence, l'intimidation ou la déstabilisation. » (p. 108) Aux femmes aussi d'apprendre à ne plus être attirées par la violence : ce n'est pas sexy, ce n'est pas séduisant, ce n'est pas attendrissant. La violence n'est jamais une forme d'amour, pas plus que l'amour-passion n'est un idéal absolu à atteindre. « Nous avons appris à érotiser la domination masculine. » (p. 8) Et le dévouement amoureux et sacrificiel de la femme est une forme d'amour déviante : il n'y aucune beauté à se mettre en retrait pour satisfaire les désirs – parfois délirants – d'un compagnon tout puissant, ou posé comme tel. La dépendance affective et économique explique certes cette soumission, mais excuse-t-elle les hommes qui en profitent ? Réfléchissez un peu, vous avez la réponse ! L'autrice – ni moi, avec mes mots maladroits – ne disons qu'il faut cesser d'aimer avec force, mais tout mérite toujours d'être interrogé. « Non, les femmes n'ont pas tort d'aimer comme elles aiment, avec audace et courage. Il n'en reste pas moins que l'asymétrie contemporaine des attitudes féminines et masculines à l'égard de l'amour pose de nombreux problèmes. » (p. 161)

Ce qu'appelle Mona Chollet de ses voeux, c'est une rivalité féminine qui se transforme en sororité. Elle démontre aussi clairement que les hommes ont aussi tout à gagner à ce rééquilibrage des attentes et des implications amoureuses dans le couple hétérosexuel. « Au sentiment d'illégitimité systématique inculqué aux femmes répond le sentiment masculin d'être dans son bon droit, quoi qu'on fasse. » (p. 109) Les fantasmes féminins méritent d'être entendus et partagés par tou.te.s les partenaires. Mais ce qu'il faudrait – voeu pieu ou possibilité véritable ? –, ce serait réinventer l'amour. « Nous pourrions tenter d'inventer une esthétique qui repose sur l'identification plutôt que sur l'objectification ; qui célèbre le bien-être des femmes, plutôt que l'entrave et la standardisation de leurs corps. » (p. 225) Tenter, c'est déjà agir.

Cet ouvrage rejoint évidemment et sans attendre mon étagère de lectures féministes. Autant que cela me sera permis et possible, je le mettrai entre toutes les mains, féminines et masculines. Cette lecture est profitable à tous, c'est une certitude. Il n'est jamais trop tard pour essayer d'aimer mieux, ou a minima d'aimer moins mal, avant tout pour se respecter et s'accorder à soi-même amour et respect.
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C'est fait, j'ai lu le dernier Mona Chollet. Contrairement aux autres ouvrages de l'auteure, je l'ai découvert dans sa version audio.

Le sous-titre parle de lui-même : «comment le patriarcat sabote les relations sexuelles». Ça peut sembler radical mais ça prend tout son sens à la lecture de l'ouvrage.

En effet, l'épanouissement des femmes dans les relations hétérosexuelles semble difficile à atteindre dans le schéma classique de cohabitation amoureuse. La domination masculine s'impose dans toutes les sphères sociales, économiques et culturelles et ses représentations romantiques nous sont données à voir dans la pub, le cinéma et la littérature. Pas étonnant qu'elle soit ancrée jusque dans nos structures mentales. Nous nous conformons à notre genre souvent sans même nous en rendre compte.

En effet, la femme doit être plus petite, ne pas prendre trop de place, ne pas être trop brillante, ni trop ambitieuse. En fait, c'est parfait quand elle reste au foyer... En revanche, l'homme doit être fort, gagner plus, ne pas montrer ses sentiments, rire et parler fort, s'imposer. Ce que l'on appelle la virilité et qui peut devenir extrêmement toxique, notamment dans le cadre des violences conjugales. Mona Chollet leur dédie un triste chapitre exposant les violences faites aux femmes exercées par les hommes. Rien ne justifie les coups, ni les insultes, ni l'alcool, ni une «âme tourmentée», ni le génie. Elle se penche sur une analyse du traitement médiatique du cas Marie Trintignan - Bertrand Cantat. Édifiant.

Elle met à jour un concept que je découvre ici, le travail émotionnel, la plupart du temps réalisé par les femmes, qui est le fait de prendre soin de la relation, d'échanger et d'entretenir le lien et l'amour. Et qui vient s'ajouter à la charge mentale.

Le reste de l'essai traite de l'érotisation du corps des femmes et comment dans les représentations elles sont souvent infériorisées, reléguées au stade d'objet, que ce soit dans le porno ou dans la littérature érotique.

Bien sûr, on peut tenter d'en sortir en développant d'autres manières d'aimer et de faire couple, comme par exemple l'union libre ou la non-cohabitation, qui permet d'avoir plus de temps à soi, de moins faire le ménage et d'être plus indépendante.

Comme toujours, Mona Chollet fait un travail remarquable de recherche, c'est intelligent et pertinent. Elle étaye sa réflexion d'expériences personnelles, apportant un touche de sympathie et de la subjectivité à l'ensemble. C'est une bible, un ouvrage féministe de référence.

Elle se taxe elle-même de «féministe poule mouillée» et j'aimerais qu'elle s'affirme un peu plus. Les faits sont là et avec de tels arguments, elle peut se permettre de taper un peu du poing sur la table. Mais pas trop, ça ferait trop mec !

Je précise qu'entre temps j'ai lu «king kong théorie», un concentré de colère, tout aussi intéressant !



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Avec les années, les livres de Mona Chollet sont devenus pour moi comme des rendez-vous amicaux. Je sais que je vais passer un excellent moment, que je serai admirative de la franchise de l'auteur, enthousiasmée par ses analyses et que tout ceci ne fera que renforcer l'estime dans laquelle je tiens notre relation virtuelle. Réinventer l'amour est à la hauteur des autres ouvrages (Chez soi, Beauté fatale et le célébrissime Sorcières). J'y ai retrouvé des thèses déjà abordées précédemment, tissant ainsi peu à peu la trame d'un fonctionnement social qui encode chacun des aspects de notre rapport au monde. le foyer, l'apparence physique, la condition d'être humain, les émotions sont autant de terrain d'interactions entre une individualité et la société dans laquelle cette dernière voit le jour. Et cette société se révèle particulièrement maltraitante pour les individus en ce qu'elle les contraint à des incarnations de genre stéréotypés qui les éloignent d'un épanouissement dont ils seraient pourtant capables, individuellement et l'un avec l'autre dans le format du couple amoureux.
Il n'y a donc, dans ce livre, rien de véritablement révolutionnaire sur le plan idéologique par rapport aux écrits féministes contemporains. Mais le décorticage des magazines féminins, de quelques séries télé ou réflexions personnelles de l'auteur viennent incarner l'analyse désormais bien connue. Plus qu'une fastidieuse opération intellectuelle, ma lecture a davantage ressemblé à une visite, sous un nouvel angle, de tous ces marqueurs qui m'ont également façonnée : la conception de l'homme comme nécessairement providentiel, la nécessité intériorisée de ne pas ennuyer le garçon de "trucs de fille" (en vrac : les règles, les émotions, les nuances, le look vestimentaire, la charge mentale, l'alimentation équilibrée et les romans sentimentaux (liste non exhaustive)), la perception de soi comme un bien à valoriser, la certitude que, pour qu'une relation fonctionne, il faut y mettre du sien, c'est-à-dire se comporter comme on croit qu'un homme fantasme qu'on se comporte...
A la lecture de Réinventer l'amour, je me suis prise à regarder avec beaucoup de tendresse la jeune femme que j'ai pu être, bon petit soldat d'une idéologie qui pouvait la desservir et complètement inconsciente des prisons mentales qu'elle revendiquait comme siennes. C'est peut-être ce qui est le plus séduisant dans les livres de Mona Chollet : comprendre ne conduit pas à vouer aux gémonies les hommes ou les femmes qui auraient contribué à perpétuer cet état, juste à accepter la réalité d'un parcours et célébrer la joie de savoir qu'aujourd'hui, on prend la possibilité d'avancer autrement.
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Le patriarcat en prend plein la figure dans cet essai merveilleux de Mona Chollet.
Dès que j'ai été informée de la sortie de ce dernier livre, j'ai couru l'acheter. J'avais adoré Sorcières, dont j'ai fait la critique sur ce site.
Et j'ai bien fait.
Une lecture très intéressante sur le patriarcat qui sabote bon nombre de relations hétérosexuelles. Il semblerait qu'effectivement, l'essai se focalise sur cette hétérosexualité, et non pas sur l'homosexualité. Pourquoi ? Et bien parce que ces relations homme-homme ou femme-femme ne se construisent pas du tout de la même manière, ne sont pas du même bois.
Il semblerait que la domination patriarcale soit bien loin et bien proscrite dans les relations homosexuelles .
Berf.
Passons au livre.
Et bien oui, messieurs, ce livre est pour vous également.
Mona Chollet n'y va pas par quatre chemins (c'est d'ailleurs exact, les chapitres sont au nombre ce quatre...).
La culture amoureuse est très fortement marquée par un délitement autour de l'amour, avec ce qu'il a ce morbide et de moribond. En effet, notre culture se plaît à se vautrer dans l'échec et la mort. Comment alors construire une relation saine et équilibrée avec un tel départ dans cette limitation de soi, sa non-existence à l'acmé de la relation, relation malaxée dès le départ.
N'oublions pas que les petits garçons et les petites filles sont élevés, inconsciemment certes, par rapport à la norme des relations amoureuses, c'est à dire l'homme est le grand manitou qui surplombe la relation, la femme n'est qu'un faire valoir, un outil, une redondance des affects masculins. À ce propos, je vous invite à écouter Eddy de Pretto avec sa chanson Kid, sur la virilité abusive.
Très intéressant aussi, le chapitre des violences conjugales, et notamment le passage sur cette homophobie de certains,,ces hommes qui entretiennent au final une vraie homosexualité bien réelle, mais impossible à assumer, donc épouvantablement angoissante, alors on frappe sa femme et on l'humilie à qui mieux mieux.
Les normes sociales sont un fléau. Surtout ne pas être trop intelligente, les hommes,ont horreur de ça ! Et plus encore, physiquement, être davantage plus petite en taille que les hommes, l'exemple donné de Sarkozy et de Carla Bruni en est un bel exemple. J'en rit encore.
La femme est une geignarde patentée alors que les hommes sont de forts petits soldats, et un homme ne pleure pas, ou ne se lamente pas en petit homme bien élevé dans la tradition française (ou ailleurs...).
Les femmes s'impliquent davantage que les hommes dans une relation amoureuse, c'est indéniable.
Nous avons eu droit au cas de Cantat et de Yann Moix, qui détruisent, le premier, une femme à mains nues (Marie Trintignant massacrée, il n'y pas d'autres mots...), et le second se livrant sans entraves à un non catégorique sur l'attrait éventuel d'une femme cinquantenaire.
Discours tellement écouté, ressassé, glorifié, car nous avons tous connu un homme sortir avec une femme beaucoup plus jeune qu'eux. Est si elle est d'origine exotique, c'est encore mieux. Ah l'image masculine, le patriarcat assumé et imposé aux femmes... Pour Mona Chollet, le pervers narcissique n'existe pas, il est le produit de son education et de la société éducative.
J'ai beaucoup aimé le passage sur ces femmes attirées par un meurtrier en prison, qui leurs envoient des lettres passionnées, et des demandes en mariage. On peut y voir le syndrome,du Saint-Bernard des femmes, petites choses exitées par la violence de certains hommes.
La femme donne davantage d'amour et les hommes sont des receveurs, gardant leurs sentiments pour eux. Elles se remettent en question plus facilement que leur conjoint pour qui tout est dû.
Cet essai est passionnant, et éclaire avec beaucoup d'intelligence ce fichu patriarcat qui tue à petit feu les relations amoureuses.
En conclusion, je souhaite qu'un nouvel opus soit disponible dans un an ou deux (cela dépend de Mona Chollet...) sur le matriarcat, qui fait beaucoup de dégâts lui aussi.
Très intéressante lecture, qui a mis en exergue, pour moi, la condition féminine de nos jours.
C'est pas gagné...

Ps : Désolée pour les fotes d'ortografe...









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Dans Réinventer l'amour, Mona Chollet questionne la nature des relations hétérosexuelles qui ne seraient par essence justement pas « nature » mais « culture ». Elle analyse les fondements du couple hétérosexuel, intrinsèquement liés à ses représentations dans notre culture.

Cet ouvrage détricote les stéréotypes en montrant comment ces représentations peuvent façonner notre posture, et nous livre des pistes de réflexion potentiellement libératrices, tant au niveau sociétal que dans la sphère individuelle et privée. Cette place de femme, de maîtresse que nous occupons, l'avons-nous choisie, ou bien nous a-t-elle été assignée par une société bâtie autour du modèle patriarcal ? Dans leur majorité les femmes se conforment inconsciemment à un rôle où la douceur, l'abnégation, l'effacement voire la soumission aux désirs de l'Autre (l'homme) entravent leur épanouissement, et peuvent conduire à des situations extrêmes de violences conjugales.

Comment vivre un amour hétérosexuel « en pleine conscience » ? Comment (re)trouver un regard et une voix ? Cesser de considérer les inégalités comme une norme, s'affirmer, être soi.

Voilà pour le fond. En ce qui concerne la forme, j'apprécie la profusion de références dont Mona Chollet nourrit son propos. Elle évoque par exemple les écrits de la militante américaine bell hooks, le couple fusionnel formé par Serge Rezvani et son épouse Lula, le drame de l'assassinat de Marie Trintignant par Bertrand Cantat ou la vie amoureuse de Jane Birkin,décortique l'ambiguïté des fondements de la relation passionnelle qui anime Ariane et Solal dans Belle du Seigneur ou la posture de la narratrice de Passion simple, d'Annie Ernaux, fait allusion à la virilité des personnages interprétés par l'acteur Harrison Ford.

Même si l'on n'adhère pas à toutes ses théories, Réinventer l'amour est un ouvrage d'utilité publique à mettre en toutes les mains !
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C'est un essai très difficile à résumer. Disons que Mona Chollet, journaliste au Monde Diplomatique et spécialisée dans la recherche sur le féminisme, analyse ici l'influence du patriarcat dans nos relations amoureuses, et comment il fait perdurer la domination de l'homme dans les relations hétérosexuelles en usant (et abusant) de la force autant que de l'emprise économique et financière et ce dès la plus tendre enfance des fillettes. Pour réfléchir sur cette problématique, l'autrice aborde le sujet sous divers prismes - littérature, cinéma, société etc et questionne l'image « traditionnelle » par leurs biais on s'est forgée alors que sous des atours bienveillants, ce matraquage vise à rendre les femmes inférieures et dociles, et surtout corvéables et effaçables. Par exemple, l'analyse du meurtre de Marie Trintignant par son amant, et la couverture médiatique bienveillante à l'égard de son tueur est, de ce point de vue, un cas d'école.
Je suis restée sidérée par cette enquête fouillée, qui met à plat ce que je savais déjà mais que je n'avais peut être pas pensée être aussi systématique. Avec le recul dû à mon expérience, je me rend compte du mal fait aux femmes dès leur plus jeune âge, alors qu'on aurait tout à gagner à l'instauration d'une société juste et égalitaire.
Il y a encore beaucoup de chemin à faire et j'espère qu'on sera nombreuses et nombreux à lire ce livre, afin de prendre conscience et d'agir à la disparition de cet état de fait.
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Le sous-titre est très clair, dans ce livre, Mona Chollet nous montre effectivement "comment le patriarcat sabote les relations hétérosexuelles".

Et ce que je préfère dans les livres de Mona Chollet, ce sont ses introductions, qui peuvent parfois sembler un peu à part du reste mais qui permettent d'aborder le coeur du sujet de manière plus ouverte, je trouve. Ici, elle a l'intitulée l'Illusion de l'oasis. Elle y assume de s'attaquer à un sujet par forcément bien vu chez les féministes, et déjà pose les jalons d'une invitation à réinventer tout ça.

Ensuite, dans le prologue, elle dépeint les relations telles qu'elles sont aujourd'hui, entre "conformisme et nihilisme", et dans les parties suivantes, la focale se rapproche encore.

Elle aborde d'abord l'idéal romantique ("se faire petite pour être aimée"). Comment l'idéal féminin et comment l'idéal masculin se construisent, dans ce paradigme du patriarcat. Avec, comme toujours beaucoup d'exemples pour étayer ses propos. Celui qui m'a le plus fait sourire, c'est celui des photos de l'ancien couple présidentiel Sarkozy-Bruni, mais hélas, se faire petite, ce n'est pas toujours une question de taille, c'est souvent, trop souvent à nos dépens, une question de réussite aussi.

La partie suivante, "Des Hommes, des vrais", est un peu plus dure à encaisser (sans mauvais jeux de mots) car on y parle de violences, de féminicides, de la relation dans nos psychés entre la violence, la domination et leur érotisation. Avec en exemples, ces violeurs et assassins, qui, en prison, ont une correspondance inouïe ! On y croise aussi Bertrand Cantat et Marie Trintignant, avec une analyse de "comment la presse - et en particulier les Inrockuptibles - a choisi de traiter ce "sujet"... Edifiant et terrifiant, quand on chausse les lunettes de Mona !!!

La troisième partie, les gardiennes du temple, dénonce le fait que l'amour soit sur les épaules des femmes, qui gagneraient à développer davantage de solidarité, et du fait que ls hommes pourraient eux aussi investir davantage cette sphère.

La grande dépossession, dernière partie, montre comment encore aujourd'hui, malgré des avancées certaines, le féminin est toujours privé de son pouvoir dans le domaine de la sexualité, avec entre autres, l'exemple d'Histoire d'O, et cette spoliation intellectuelle dont "Pauline Réage" a été victime par son amant et éditeur, Palhain, avec un angle de vue assez ironique et surprenant. Et puis aussi dans cette partie une analyse qui m'a assez surprise sur les fantasmes féminins courants (souvent teintés de soumission et de masochisme) et leur possible fonction dans notre psyché.

Le gros point fort de Mona Chollet, en tant qu'essayiste, c'est la profusion de références qu'elle produit : tout ce qu'elle avance est prouvé, étayé, et ouvre chaque fois une porte sur une nouvelle façon d'approfondir le sujet.

Bref, encore une lecture très édifiante et qui pose, comme toujours avec Mona Chollet, beaucoup plus de questions qu'elle n'en résout, et invite à regarder sa vie, ses choix, autrement.
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