Ce tome fait suite à A nation under our feet Book 3 (épisodes 9 à 12) qu'il faut avoir lu avant. Pour comprendre les relations entre les personnages, il faut avoir commencé cette série par le premier tome. Celui-ci contient les épisodes 13 à 18, initialement parus en 2017, écrits par
Ta-Nehisi Coates, dessinés par
Wilfredo Torres (épisodes 13 à 15, 18),
Chris Sprouse (épisodes 16 à 18), avec l'aide
Jacen Burrows (pour l'épisode 14) et d'
Adam Gorham (pour l'épisode 15). L'encrage a été réalisé par
Wilfredo Torres (épisodes 13 & 18), Terry Pallot (épisodes 4 & 15),
Jacen Burrows (é14),
Adam Gorham (é15),
Walden Wong (é16), Karl Sory (é16 à 18) et Dexter Vines (é16 & 17). La mise en couleurs a été réalisée par Laura Martin, avec l'aide d'Adrew Crossley pour les épisodes 13, 16 et 17, et les couvertures par
Brian Stelfreeze.
À New York, T'challa et Ororo Munroe sont en train de discuter dans une chambre d'hôtel, alors qu'il finit de nouer son noeud d'habit de soirée. Il finit par lui poser la question qui lui travaille l'esprit à savoir ce qu'elle pense des dieux, ayant elle-même été adorée comme une déesse. En effet lors des affrontements récents contre l'armée de Tetu, les Oshira (le panthéon du Wakanda composé de Bast, Kokou, Mujaji, Thoth et Ptah) ne s'est pas manifesté. Lorsqu'il est allé enquêter sur de mystérieuses apparitions dans la région de Birnin Kashin, Black Panther a dû se battre contre des créatures serpents anthropomorphes à 6 bras. Après les avoir vaincus, il s'est tenu devant une porte interdimensionnelle, l'une des créatures lui indiquant que les Orisha s'en sont allés laissant cette porte sans garde, permettant aux Originators de revenir.
Ororo répond alors à la question de T'challa évoquant l'époque où elle était adorée comme une déesse, avant que Charles Xavier ne vienne la chercher pour intégrer sa nouvelle équipe de X-Men. Dans la capitale Birnin Zana, Eden Fesi (Manifold) et Shuri sont en train de consulter les ouvrages de la bibliothèque royale, en particulier les légendes concernant le peuple Simbi (les serpents anthropomorphes). Ils sont interrompus par un appel de Black Panther leur indiquant qu'une nouvelle porte vient de s'ouvrir. Ils le rejoignent sur le champ de bataille et lui prêtent main forte, en attendant qu'un groupe de shamans puissent repousser les créatures dans leur dimension. Dans un état ennemi voisin, Johann Fennhoff (Docteur Faustus) continue d'observer les faits et gestes de T'challa à distance. Tandis qu'à Manhattan, Ezekiel Stane organise l'enlèvement de Ce'Athauna Asira Davin (Queen Divine Justice, une ancienne Dora Milaje).
Ta-Nehisi Coates entame sa deuxième histoire de Black Panther, ayant achevé la première sur la gouvernance du Wakanda, et de sa monarchie absolue. Il avait fait ses preuves, à la fois comme auteur capable de concevoir un scénario adapté à la bande dessinée, à la fois comme connaisseur du personnage et sa mythologie. Dans ce tome, le lecteur peut voir un ou deux signes de l'évolution du mode de gouvernance nécessité par les constats du premier tome, même si la monarchie n'est pas abolie. le scénariste avait choisi de ne pas passer en revue toutes les caractéristiques du Wakanda dans une seule histoire, et le lecteur comprend qu'il aborde un autres de ses aspects : la religion. Lorsque
Jack Kirby et
Stan Lee ont créé Black Panther en 1966, le personnage était déjà le responsable du culte de la Panthère Noire. Ici,
Ta-Nehisi Coates développe et intègre plusieurs déités les Oshira (Bast, Kokou, Mujaji, Thoth et Ptah). Les dessins montrent des entités anthropomorphes, évoquant vaguement des déités égyptiennes. le lecteur s'attend donc à des créatures surnaturelles capables d'intervenir dans le monde des mortels avec des capacités s'apparentant à des superpouvoirs. Dans un premier temps, l'auteur donne l'impression d'aller dans cette direction, en rajoutant un autre groupe de déités encore plus puissantes et encore plus mystérieuses. Mais il apparaît rapidement qu'il va intégrer cette dimension d'une autre manière. Il se garde bien de décrire les pratiques cultuelles, au lieu de quoi il évoque plutôt la fonction de la croyance. Il arrive ainsi à trouver un point d'équilibre entre les conventions des récits de superhéros (l'existence de nombreuses entités surnaturelles de nature diverse), l'apparence très littérale des déités, la possibilité qu'elles n'en soient pas réellement, le fait que T'challa soit capable de prendre conseil auprès des précédents Black Panther, et la foi que les habitants du Wakanda placent en elles, dans une forme de spiritualité considérée plutôt de manière anthropologique, que jugée sur son credo. C'est un véritable numéro de funambule, mais
Ta-Nehisi Coates parvient à se montrer convaincant, tout en évitant de se montrer méprisant ou même condescendant.
Le fil rouge d'une invasion de méchantes créatures venues du dehors n'est pas très original, mais il constitue une colonne vertébrale simple sur laquelle reposent beaucoup de choses. L'auteur continue de mettre en scène les personnages qu'il a introduits dans le premier cycle et quelques autres. le lecteur suit bien sûr les décisions de T'challa (Black Panther), ses affrontements physiques, et la manière dont il met en oeuvre sa stratégie. Autour de lui gravitent sa mère adoptive Ramonda, sa soeur Shuri et plusieurs Dora Milaje. Parmi elle le lecteur reprend contact avec Asira Davin, et suit Aneka et Ayo (qui ont eu droit à leur propre minisérie Black Panther: World of Wakanda) dans leur mission. Il retrouve également Manifold (Eden Fesi), déjà présent dans l'histoire précédente. Comme le laissait supposer la dernière page du tome précédent, T'Challa a fait appel à Ororo Munroe pour l'aider. le lecteur a le plaisir de voir que le scénariste met en scène une relation adulte, dans laquelle T'Challa demande à son ex-femme de l'éclairer sur certains sujets, et l'écoute. En outre, il flotte un discret parfume de regret quant à ce qui a existé entre eux. Ororo dispose de plusieurs séquences au cours desquelles sa personnalité s'exprime en nuances. L'auteur trouve encore le moyen d'ajouter quelques personnages, comme Asira Davin pour l'amorce d'une intrigue secondaire, ou de manière plus surprenante comme Eliot Franklin (Thunderball, de la Wrecking Crew) pour une possibilité de rédemption. Coates réussit à inclure des moments où la personnalité des protagonistes peut s'exprimer, où ils deviennent plus que des artifices dans une intrigue.
Une fois encore dans ce tome,
Ta-Nehisi Coates sait combiner des personnages avec des convictions et des valeurs, une situation politique évolutive, un nouveau thème qui est celui des divinités d'une culture spécifique, avec quelques références à l'univers partagé Marvel. le lecteur retrouve une partie des éléments présents dans les tomes précédents, comme une allusion aux Incursions (voir
Secret Wars 2015, de
Jonathan Hickman &
Esad Ribic) et à la destruction du Wakanda causée par Thanos et ses sbires. Il rencontre Asira Davin, personnage créé par
Reginald Hudlin dans une série précédente de Black Panther, voir Black Panther by
Reginald Hudlin: The Complete Collection Vol. 1. Il poursuit l'intrigue secondaire relative aux agissements d'Ezekiel Stane, et il intègre un ennemi récurrent de Black Panther lié au Wakanda. Après avoir refermé ce tome, le lecteur se rend compte de sa densité narrative qui n'alourdit pas la lecture.
Comme dans le tome précédent, le lecteur constate que plusieurs artistes se relaient et s'entraident sur un même épisode pour mettre le récit de
Ta-Nehisi Coates en images. Il est vrai que le lecteur est avant tout attiré par l'histoire et qu'il peut considérer la phase de mise en images comme fonctionnelle, sans grande incidence sur la qualité du récit. Malgré les fluctuations de modalité d'encrage,
Wilfredo Torres se coule dans le moule des caractéristiques visuelles établies initialement par
Brian Stelfreeze dans les premiers épisodes, puis reconduites par
Chris Sprouse par la suite. Torres réalise de belles planches avec une approche un peu épurée et des aplats de noir plus ou moins esthétiques en fonction de l'encreur. Cela donne des cases agréables à l'oeil, avec une belle mise en scène des superpouvoirs, et des personnages expressifs. Cet artiste a également travaillé avec
Mark Millar sur Jupiter's Circle, avec
Mark Waid sur Captain Kid, avec Matt Wagner sur The Shadow: Year One.
Du coup, la transition avec
Chris Sprouse n'est presque pas perceptible, puisque Wifredo Torres fait en sorte de respecter les spécifications graphiques de la série. le lecteur observe juste que Sprouse s'intéresse moins aux décors que Torres, et plus aux costumes des personnages.
Jacen Burrows et
Adam Gorham viennent discrètement compléter les pages réalisées par Sprouse et Torres, par les leurs. le lecteur observe des personnages visuellement bien définis, vivre sous ses yeux, qu'il s'agisse d'une discussion, ou de l'utilisation de pouvoirs spectaculaires. Il les suit dans des endroits différenciés : une suite dans un hôtel (bien meublée), dans la jungle (un peu trop générique), dans la Cité des Morts (Birnin Mutata), dans des grottes sous le lac Nyanza, dans les allées de Riverside Park à New York, sur les flancs enneigés des montagnes de Jabari-Lands, et même dans une discothèque tenue par les jumeaux Fenris (Andrea & Andreas).
Avec ce début de deuxième saison,
Ta-Nehisi Coates confirme sa maîtrise de l'écriture dans le média que sont les comics, son implication pour écrire une histoire de superhéros inscrite dans l'univers Marvel, incluant des thèmes personnels abordés avec intelligence et sensibilité. Les responsables éditoriaux de Marvel prouvent leur volonté de conserver la série à l'abri des grands événements qui chamboulent tout et rétablissent aussitôt le statu quo. Ils font de leur mieux pour assurer une partie graphique cohérente, malgré la succession des dessinateurs, pour des raisons indéterminées.