Captain America, tome 5 : All Die Young Part Two

Tout un symbole
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Ce tome fait suite à Captain America by Ta-Nehisi Coates Vol. 4 (épisodes 20 à 25) qu'il faut avoir lu avant. Ce tome regroupe les épisodes 26 à 30, initialement parus en 2021, écrits par Ta-Nehisi Coates, dessinés et encrés par Leonard Kirk, avec une mise en couleurs réalisées par Matt Milla, et de magnifiques couvertures réalisées par Alex Ross. Il comprend également les couvertures variantes de Julian Tottino Tedesco, Patrick Gleason, Michael Cho, Carlos Pacheco, Taurin Clarke.

Il y a plusieurs années de cela, Steve Rogers et Sharon Carter se tiennent devant la tombe de Peggy Carter, alors que son cercueil vient d'y être descendu. Mais depuis la défunte a bien assimilé le cycle de vie et de mort, et de vie, ainsi que toutes les rides qui viennent avec. Steve Rogers ressuscité avec un corps rajeuni dépourvu de rides. Elle-même ressuscitée jeune et retrouvant sa nièce Sharon très âgée. Mais à chaque retour, on ne revient jamais seul, il y a toujours autre chose. Au temps présent, à Madripoor, Peggy Carter vient de passer à travers la fenêtre d'un étage élevé : elle est en chute libre vers le sol. Fort heureusement, Falcon (Sam Wilson) parvient à la prendre dans ses bras, avant qu'elle ne s'écrase. Captain America et Agent 13 sont en train de se battre contre un gang de mercenaires. Dans un endroit secret, Crossbones est en train de tabasser Thaddeus Ross en le traitant de traître. Il y a quelque temps de cela, James Barnes se tenait devant le même général Ross assis à son bureau, exigeant de savoir où il avait envoyé l'agent 13. Pas de réponse de la part du général.

Au temps présent, Winter Soldier progresse dans la sa base secrète et parvient à se connecter au système de sécurité et de surveillance. Il se rend compte que deux avions s'approchent à grande vitesse. Il en informe Captain America qui se trouve un peu plus bas, toujours en train d'affronter un groupe de Watchdogs, avec l'aide de Peggy carter, d'Agent 13 et de Falcon. Barnes ajoute qu'il s'en occupe : il monte sur le toit du bâtiment et il appelle leur propre aéronef grâce au protocole Oyo. Ça devrait le faire. Captain America continue d'avancer et de se battre tout en pensant qu'il a de la chance d'avoir des amis : c'est ces amitiés dont il est le plus fier, c'est elles qui continuent de le porter. Avec un coup d'oeil, il se met d'accord avec Sharon Carter sur une manoeuvre et elle fait feu. Elle a été entraînée par les meilleurs. C'est vraiment étrange comment l'univers met les événements en balance. Alexa Lukin refait surface, avec Peggy sa némésis sur ses traces. C'était du boulot pour Peggy. Quand ils ont enlevé Sharon, c'est devenu personnel. Par le passé, Alexa avait été une alliée, mais maintenant elle avait viré sa cuti et assemblé une élite pour prendre le pouvoir et gouverner. Elle était allée chercher des talents dans des endroits inattendus : elle avait ainsi recruté Thaddeus Ross. Ce dernier gît à terre pieds et poings liés, tout en continuant à provoquer son tortionnaire Crossbones. Neutralisées et assistant à la scène, Black Widow et Misty Knight se demandent ce qu'il cherche à faire.

Ta-Nehisi Coates a commencé à écrire des comics en 2016 avec la série Black Panther qu'il a terminée en 2021, après une pause en 2020 du fait de la crise sanitaire, avec un total de 18 épisodes pour la première série, 25 pour la seconde et 2 miniséries. Son passage sur Captain America est plus bref : 30 épisodes. le lecteur pouvait s'attendre à une forte composante politique de la part de cet auteur engagé, mais il a d'abord écrit un comics de superhéros en respectant les conventions du genre, puis un récit sur Captain America en tant que personnage, avec quelques réflexions plus souvent sociales que politiques. Il termine son histoire avec la même sensibilité. le lecteur qui vient pour lire une aventure de Captain America en a pour son argent : il n'y a pas tromperie. le scénariste fait preuve d'une solide connaissance de l'univers partagé Marvel, capable de faire référence à des événements du passé, très éloignés comme plus proches. L'amateur de continuité voit ainsi évoqué le Cube Cosmique créé en 966 par Jack Kirby & Stan Lee, Sinthea Shmidt créée en 1984 par JM DeMatteis & Paul Neary, Crossbones (un ennemi emblématique créé en 1989 par Mark Gruenwald & Kieron Dwyer), Aleksander Lukin créé en 2005 par Ed Brubaker & Steve Epting, Secret Empire (version 2017 écrite par Nick Spencer). Les superhéros ont revêtu leur costume moulant, et il y a un combat physique par épisode comme il est de rigueur dans un comics de superhéros. Leonard Kirk dessine dans un registre descriptif avec des contours un peu épais, et des ombres portées aux formes irrégulières, ce qui apporte à la fois une impression de manque de précision et une sensation de de réalité mise à mal par la violence perpétrée à son encontre. Cette approche brut de décoffrage convient très bien pour l'impact des coups portés lors des combats physiques.

Le lecteur suit donc Captain America dans son combat contre les forces du mal, à se battre physiquement contre les hommes de main de Red Skull. Il assiste également aux destructions causées par un Hulk en train de se déchaîner. Selene Gallio est également de retour le temps d'une séquence et elle utilise ses pouvoirs magiques, avec de beaux effets spéciaux réalisés par le coloriste Matt Mila. En bon écrivain, Coates ne sacrifie pas tout à l'action et à l'intrigue et prend soin de développer ses personnages. Pour commencer, le flux de pensées intérieures de Captain America court tout du long du premier épisode, donnant accès au lecteur, à ses convictions, ses émotions, ses jugements de valeur. le coeur du dernier épisode est constitué d'un face à face à table, entre Red Skull et Captain America, confrontant leurs valeurs et leurs méthodes, leurs convictions personnelles. Cet échange relève plus de la conception de la société, tout en restant à l'échelle de deux individus et de leur façon de penser. Dans ce passage, l'artiste se repose beaucoup sur des cases avec uniquement des têtes en train de parler, mais l'auteur a également prévu l'évocation de plusieurs événements, ce qui permet d'intégrer de la variété visuelle. En outre, le dernier épisode se termine avec une séquence de 5 pages réunissant Steve Rogers, Bucky Barnes, Peggy et Sharon Carter, tous en civil., ce qui focalise le récit sur la dimension humaine de ces personnages. Kirk se montre plus inspiré dans la mise en scène, alternant les plans de prise de vue pour montrer quel geste font les uns et les autres. Ayant établi des éléments de continuité dans son intrigue, le scénariste peut monter que chaque personnage se conduit en fonction de son caractère, mais aussi des épreuves qu'il a traversées. le lecteur se rend bien compte qu'ils ne sont pas interchangeables, que leurs réactions et leurs avis sont fonctions de qui ils sont.

Bien sûr, Captain America reste le symbole d'un peuple plutôt que d'une nation et à ce titre, ses aventures revêtent forcément une dimension métaphorique, plus ou moins développée, plus ou moins consciente de la part de l'auteur. le lecteur guette donc les symptômes de cette dimension du récit. Il est un peu décontenancé par le fait que le monologue intérieur commence plutôt sur le thème des morts qui ne sont jamais définitives dans le monde des superhéros. C'est, certes, un commentaire découlant directement de sa condition de superhéros dans l'univers partagé publié par l'éditeur Marvel, mais ce n'est pas ce qui était attendu. Les remarques suivantes sont très classiques pour un superhéros : évoquer le caractère précieux de l'amitié, des vrais amis, faire ressortir qu'on ne vit jamais seul, qu'on n'avance jamais seul, qu'on ne s'élève jamais seul. Classiques mais prenant une saveur particulière car prononcées par le héros incarnant un peuple. La dernière du premier épisode est tout autant chargée de sens : ce que j'ai trouvé n'était ni un ami, ni un ennemi, mais quelque chose de plus complexe, j'avais trouvé un patriote. Là, le lecteur sent bien que Coates s'amuse. le début du deuxième épisode est également chargé de sous-entendus quand Steve évoque ceux qui se présentent comme des sauveurs et qui ne sont en fait que des charlatans. Ces individus génèrent de la défiance et il devient alors difficile de croire en un idéal. Il y a comme un écho de la figure publique du quarante-cinquième président des États-Unis. Puis Red Skull explique à sa fille que Captain America est capable de faire croire à la réalité du rêve américain, mais qu'il ne fait rien de cette capacité : c'est un homme de symboles vides, sans vision. le lecteur sourit quand Steve Rogers explique à Sharon que c'était plus simple quand il se battait contre les Allemands pendant la seconde guerre mondiale : ils étaient l'incarnation du mal, une vision un peu réductrice. Puis Ta-Nehisi Coates met en scène une manifestation rassemblant différentes factions en désaccord avec la société, avec la politique, autant d'américains que Captain America représente également d'une certaine façon. Ces brefs moments amènent tout naturellement au face à face de 5 pages entre Red Skull et le héros, pour une confrontation idéologique qui reste à un niveau pragmatique, qui ré-établit ce qu'est réellement une dictature.

Ce dernier tome vient conclure une saison de Captain America plutôt réussie, même si elle n'est pas parfaite. Elle a vu défiler un grand nombre de dessinateurs, ce qui a nui à son unité, avec certains excellents, et d'autres moins bons. le lecteur a pu être un peu déconcerté par le fait que le scénariste raconte vraiment une histoire de superhéros, et pas une trame prétexte à développer ses convictions personnelles. D'un côté, il fait preuve d'un réel goût pour les superhéros, et d'une réelle connaissance de l'univers partagé Marvel et de la mythologie de Captain America. D'un autre côté, le dosage n'est pas toujours bien équilibré en fonction des tomes. Cette saison souffre de quelques défauts, tout en étant bien imprégnée de la personnalité de son auteur.