«
Animal » est un roman d'instinct et de survie.
De l'
animal.
De l'homme.
« Comme lui, l'homme armé d'un fusil n'a pas de prédateur dans la nature. Alors l'ours a décidé de lui en faire un. »
*
Le prologue s'ouvre sur une femme, Mara. Elle découvre, dans la forêt népalaise, deux jeunes enfants attachés à un arbre. Elle les délivre tout en sachant qu'elle commet une grave erreur et, la peur au ventre, elle s'enfuit avec eux.
Le lecteur ne peut que se demander pourquoi de si jeunes enfants étaient enchaînés à un arbre, voués à être dévorés par les bêtes sauvages.
Une vingtaine d'années plus tard, un groupe d'amis chasseurs part dans les terres isolées et sauvages du Kamtchaka, pour débusquer et tirer sur des ours bruns. Parmi eux, Lior, une jeune française, passionnée de chasse, attirée par la traque du gibier.
Le chasseur et sa proie.
« le claquement métallique de la culasse le saisit et le rassure, le verrouillage du loquet, l'arme est prête. D'un coup, il comprend le sentiment de puissance des hommes lorsqu'ils tiennent une de ces carabines avec l'intention de s'en servir, la certitude d'être à l'abri, intouchables, increvables. »
Et puis, les rôles se brouillent, se fondent.
Le chasseur devient également proie.
Et, tout d'un coup, l'atmosphère s'épaissit, devient vite terrifiante, oppressante. L'ours joue avec les chasseurs, les surpassant par ses connaissances de la montagne, ses réactions, son instinct de survie, sa vélocité.
« En vérité, jamais elle n'avait eu aussi peur.
C'était d'ailleurs bien au-delà de la peur, là où il n'y a plus de mots. L'instant où les pensées s'effacent et où le coeur s'arrête. Une sorte de vide absolu, où l'on n'est plus tout à fait vivant et plus tout à fait un homme. le moment où les gestes ne se font plus alors même qu'on les connaît depuis toujours, où les yeux voient sans qu'il se passe rien, parce que l'âme s'est mise en suspens. Un retrait de soi-même. »
*
Sandrine Colette maîtrise parfaitement l'intrigue et impose son rythme, offrant autant de pauses contemplatives que de poussées d'adrénaline.
L'écriture très évocatrice et rythmée se traduit par des successions d'images qui ajoutent à cette atmosphère étouffante.
L'auteure a une écriture très singulière, jouant avec les phrases, alternant des moments descriptifs et des moments de tension où le lecteur vit au rythme de la chasse.
Alternance de phrases longues qui nous mettent dans l'ambiance et de phrases courtes qui secouent et empoignent le lecteur.
L'intrigue, bien construite, dynamique, m'a tenue en haleine jusqu'au bout et le dénouement, inattendu, m'a saisie.
« Au fond, c'est Vlad qui avait raison quand il disait que rien n'était gagné d'avance, ni pour les hommes ni pour les ours.
Cela se joue jusqu'au dernier moment.
Jusqu'aux dernières blessures.
Et à l'instant ultime de l'épuisement. »
*
Chaque chapitre s'ouvre sur un des protagonistes de l'histoire, ce qui nous permet d'entrer dans la psychologie de chacun, saisir leurs faiblesses, leurs angoisses, de comprendre les liens qui les unissent. L'alternance des points de vue des protagonistes permet d'appréhender également les émotions qu'ils ressentent face à un
animal sauvage, l'émerveillement, l'excitation de la traque, la peur qui tenaille et paralyse, l'incertitude quant à l'issue de la chasse. En ce qui me concerne, j'ai ressenti un malaise face à la chasse au trophée, ne voyant pas l'intérêt de tuer un
animal, de plus protégé.
« C'est pour cela qu'il a cent fois, mille fois raison d'avoir peur. le destin, ça tourne dans n'importe quel sens. »
« L'excitation lui fait briller les yeux, une pression qu'elle n'a plus connue depuis longtemps, la prémonition de quelque chose de puissant aussi, peur et joie mêlées. »
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Pour conclure, avec «
Animal »,
Sandrine Colette façonne un roman d'ambiance oppressant et surprenant.
Le dépaysement est total. Ce voyage nous emmène dans la presqu'île sauvage du Kamtchaka à l'extrême Est de la Russie et dans les forêts au Népal où la population vit au contact des animaux sauvages. Ces décors grandioses, d'une beauté à la fois éblouissante et sauvage, nous amènent à réfléchir sur l'impact de l'homme sur la nature, la place de la faune sauvage dans notre environnement, et sur notre instinct de survie.