Qu'attendre d'un livre imprimé sur la côte atlantique, protégé d'une couverture glacée parcourue de cartes géographiques et de remous marins et placé sous la protection d'
Henri Michaux, le poète surréaliste ivre de mots?Oui, qu'attendre?Eh bien, rienjustement.Car attendre, c'est ouvrir un livre avec des idées dans la tête, les siennes, alors que là il faut se laisser entraîner par la force de l'imagination de
Bérengère Cournut, par le «chahut immense de son crâne. »L'histoire?S'il faut une trame, alors disons que ce sont les aventures d'une fratrie, deux frères, une soeur: l'Ecorcobaliseur, l'Anicétonque et l'Isandreline.Quoi? Vous auriez voulu qu'ils s'appellent Jean, Pierre et Anne?«Pas la peine de faire cette mine» comme dit
Bérengère Cournut.Ce trio «tricéphale, trinervé, triploïde, trigéminé » vit à la manière du Congloméros du peintre surréaliste
Victor Brauner. Trois corps, une tête. Regardez-le page 115!Cette triade, abandonnée par des parents inadaptés, s'aime, se cherche, se tranche la tête, se quitte pour trouver « un espace où vivre ensemble une autre vie. »Chaque élément du trio voyage. On entend la voix de l'Isandreline, un chapitre sur deux. Passent des pêcheurs, des Bédouins emportés là avec leurs dunes par une tempête de sable et tant d'autres.
Bérengère Cournut a écrit un roman épique, onirique, poétique, cauchemardesque, mais bizarrement drôle. Un peu de
Jules Verne, un peu de fantaisie comme dans les contes, mais surtout beaucoup de la vie rêvée de l'auteur, qu'elle confie dans une entrevue être plus importante que sa vie quotidienne.Et en effet, la lecture de son roman qui met en scène des situations absurdes faites de morceaux de réels détournés et collés, peut susciter à son tour des rêves étranges...
Bérengère Cournut crée des mots, joue avec les sonorités, invente des machines étranges, «à sonder le vide», par exemple.Cet «Ecorcobaliseur» est une mine pour celui qui acceptera de laisser à la porte ses préjugés rationnels.Et il offre aussi une belle réflexion sur l'autonomie, la perte et la nostalgie.