La catégorie underground dans laquelle est facilement classé
Robert Crumb permet de réduire la portée de son oeuvre. On le range ainsi dans les gentils contestataires allumés et délurés que le système capitaliste ne peut éviter d'engendrer.
Dans "
Amerika"
Robert Crumb met à nu la société américaine de son époque (des années 1970 au début des années 1990.) Cet album est, en effet, une sorte de recueil de divers carnets réalisés par Crumb entre 1965 et 1996. le tableau de l'Amérique selon Crumb n'y est pas des plus réjouissant. Coincé entre le sofa et le téléviseur, avalant feuilletons TV sirupeux et bières tièdes, pétant dans son gros 4x4, le col de son polo bien boutonné jusqu'au cou, l'Américain moyen (même très moyen) vote républicain et en est fier. Même si les gros benêts mâles sont de loin les plus ridicules et les plus affligeants, les innocentes poupées siliconées de la plus grande puissance mondiale ne font rien pour relever le niveau, étant les premières à s'ébaubir devant les paroles insensées et anéantissantes d'un gourou pervers ou d'un grand patron au regard vide et concupiscent. Ce grand déballage dévoile une Amérique raciste, égoïste, cruelle et suffisante, une Amérique très contemporaine au bout du compte (très proche aussi des choix politiques européens d'aujourd'hui), préférant maintenir à sa tête un bon cow-boy lustrant son Colt pour la parade et crachant à la face de ceux qui, comme
Robert Crumb, voudraient faire en sorte que notre société soit fondée sur le droit.
Robert Crumb, lucide, sait très bien que son grain de sable ne changera rien, mais pour les individus dépités que nous sommes, il nous permet de nous sentir moins isolés dans ce monde de brute.