Plus je repense à ma lecture de
Viviane Elisabeth Fauville, plus les sentiments positifs que je ne nourrissais à l'égard de ce livre s'estompent, ce qui n'est pas très bon signe.
Il m'a pourtant été recommandé par quatre de mes libraires - oui, quatre ! - qui l'annonçaient comme un bijou littéraire (cela dit, trois d'entre eux m'avaient aussi conseillé
Continuer de
Laurent Mauvignier, que j'ai détesté : j'aurais dû me méfier). Même si, en effet, je l'ai lu avec un certain plaisir, il n'est ni marquant, ni révolutionnaire. Voici selon moi les failles de l'ouvrage :
Tout d'abord, l'alternance des pronoms personnels (vous, je, elle...) : en soi, c'est un point positif. le procédé est très amusant, on devrait d'ailleurs le faire plus souvent. Mais ce n'est pas neuf non plus, n'oublions pas que
Michel Butor l'a fait bien avant
Julia Deck. Ce n'est donc pas suffisant pour combler d'éloges l'ouvrage. Je regrette aussi que les pronoms soient alternés sans logique apparente ni changement de style.
Ensuite, la dimension policière : je m'attendais à un "polar fêlé" comme l'annonçait le Monde. Finalement, j'ai eu une esquisse d'enquête assez mal exploitée ; tout au plus aurons-nous quelques interrogatoires et articles de presse. de plus, en toute honnêteté, je n'ai pas vraiment compris la conclusion de l'enquête (ou plutôt, je pense que si ; mais elle me paraît si fade et si décevante que je nourris l'espoir d'être passée à côté de la vérité).
Enfin, le profil désaxé de l'héroïne : c'est plutôt plaisant, il y a un côté
Houellebecq dans l'indifférence où vit Viviane par rapport à sa fille, à son métier, à la société. La plume de
Julia Deck est spirituelle et retranscrit bien la personnalité fragile de l'héroïne, c'est le seul vrai point fort du livre. Mais voilà, il demeure pas mal d'invraisemblances (je pense par exemple au fait que Viviane envisage à un moment de tuer son mari, d'une façon assez froide et soudaine ; ou aux apparitions inexpliquées de sa mère, qui ne servent pas à grand-chose, si ce n'est à nimber l'intrigue d'un vague relent freudien) ; et finalement, toute cette histoire est assez vaine. Il n'y a ni vérité révélée, ni leçon apprise, ni chute, ni quoi que ce soit qui touche aux "confins de l'humain", pour reprendre les termes pompeux du Monde. A la fin, Viviane n'est pas beaucoup plus avancée qu'au début, et quant au lecteur, je doute qu'il se sente "touché au vif" (dixit).
Dans l'absolu ce livre aurait mérité la moyenne, car il n'est pas désagréable à lire, mais - pardonnez mon pragmatisme - je trouve que 8€ pour 150 pages qui laissent un goût d'inachevé (et 14€ pour l'édition de Minuit originale !), c'est un peu cher payé. Néanmoins, je surveillerai les publications futures de
Julia Deck. J'ai cru comprendre que c'était son premier roman et je suis sûre que l'autrice a le potentiel nécessaire pour mieux faire.