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Michel Jarrety (Préfacier, etc.)
EAN : 9782070398911
352 pages
Gallimard (13/11/2009)
3.7/5   10 notes
Résumé :
Premier livre du poète,«Eucharis»(1989) se présente comme un itinéraire vers la contemplation.

La poésie n'a plus pour seul objet le langage mais également le réel existant, tentant de pallier les figures du désastre qui hantent le monde moderne.

«Le veilleur amoureux»(1992) décrit une expérience qui mêle le tâtonnement dans l'obscurité et le temps quotidien à une célébration de l'amour.
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Encore un poète que je découvre davantage , dont je connaissais quelques textes. Et comme pour Anne Perrier, encore une coïncidence : la deuxième partie du recueil est dédiée à sa femme...Sabine, et il s'est marié au même âge que moi, exactement dix ans avant.

Mais mes digressions ne vous intéressent pas, pardon. Venons-en aux mots. Philippe Delaveau se démarque des expériences verbales, souvent hermétiques ou peu réussies ,de ses contemporains. Il renoue avec une poésie de transmission, alliant avec bonheur mythologie et modernité.

Cet aspect est surtout représenté dans la première partie, " Eucharis"( 1989), où les figures du passé interfèrent avec le présent:

" Peut-être verrons-nous, entre les oliviers,
L'ombre furtive d'Antigone.
Derrière la fontaine asséchée, l'abreuvoir
Martelé par les jambes nerveuses des chevaux. "

Cependant, c'est la deuxième partie, dont je trouve le titre très beau ," le veilleur amoureux" (1992) ,qui m'a plu surtout. La ferveur des sentiments s'associe aux beautés de la nature, les arbres , les jardins, l'eau vive sont très présents, limpidité révélatrice de l'être.

" Tes pas traversent doucement
La neige du silence et l'ombre sous les arbres.
Ô fée vêtue de fleurs.
Ta main au feu de bagues. "

Mis à part quelques poèmes un peu trop religieux ou hallucinés, l'ensemble est vraiment magnifique : élan de pureté, douce nostalgie, nature magique et apaisante, femme-fée, femme-fleur...

" J'inventerai pour toi d'autres paroles,
Singulières, des mots étranges,rien ne suffit.
Je leur ajouterai des brassées d'images. "

Le poète y est pleinement parvenu...

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Les premières éditions d'« Eucharis » (1989) et du « Veilleur amoureux » (1992) ont été revues, corrigées et réunies en un seul volume de 350 pages par l'auteur dans l'incontournable collection « Poésie Gallimard » forte de son 453e titre. Bien que l'auteur publie régulièrement dans la collection Blanche chez Gallimard, ce livre de poche est une somme, le condensé d'une oeuvre exigeante et abordable. Les poèmes tiennent presque tous sur une page et demie hormis lorsqu'ils frisent l'épopée tel le poème intitulé le retour du prodigue. Ils ne sont pas rimés. le vocabulaire est simple, sans affèterie, au plus près de la vision, de la sensation et du sentiment. Bien qu'Eucharis brasse les grandes figures mythiques de l'Antiquité, Enée, Icare, Virgile, Didon, Narcisse, Diane, etc. ou les personnages légendaires de la littérature, King Lear, Dom Juan, le poète arrime ses références tutélaires dans la réalité contemporaine, St. Mary's Hospital à Londres, Tower Bridge, les jardins du Luxembourg à Paris, par exemple. Parfois fulgure une vision qui percute douloureusement le lecteur. Ainsi, dans Enée : « Peut-être en notre solitude avons-nous oublié/Le vieux savoir, les voix à peine audibles/Des sources qui parcourent la nuit de l'être/En quête de mots simples, de rythme. Et nous nous enivrons/D'images, nous lacérons/Les lignes pures d'un visage incompris. » ou encore dans le Retour de Troie, merveilleux songe tout piqueté par la bile noire de la mélancolie dont il est délicat d'extraire le moindre vers d'un poème à la musique fragile, lancinante et dévorante. Plus loin dans le recueil et plus près de nous dans le chronologie, le calvaire du Christ est d'une poignante sobriété. Il provoque des élancements vertigineux chez le lecteur athée : « […] on le menace depuis l'ombre/Qui hait les oeuvres de la lumière. Impassible/Vêtu non pas de pourpre mais de gloire invisible,/Il a déjà franchi le fleuve de souffrance… » ; « Après un cri, sa tête se redresse puis retombe,/Après que le larron a découvert l'amour. le centurion s'effraie,/Celui-ci était Dieu, nous l'avons crucifié. L'obscurité recouvre/Le soleil et le jour. Coups de tonnerre. Effrois et nuits/Frappent le monde. »
La seconde oeuvre du recueil, le veilleur amoureux, est peut-être la plus touchante car elle traduit le quotidien du poète sans passer systématiquement par le paravent des mythes et des symboles. Elle débute par « Mes années » : « de la lumière qui meurt à terre parmi les feuilles./Je sais bien ce que j'ai perdu. » La parole élégiaque joue à saute-mouton d'un poème à l'autre, dans « Chanson » : « Je n'étais rien, le temps me dilapide. » ; « le signe de la torche » : « Regretter ne fera jamais détenir/La clef de la porte invisible. » le découpage en cinq chapitres jalonne le parcours du lecteur : « Nocturnal » ; « Un chant d'amour » ; « Un éternel été » ; « Exercice du jour » ; « L'âme sentinelle ». le poète croit humblement et sa ferveur est communicative : « Ainsi lorsque j'atteins au fond des terres/Dévastées l'extrême endroit de la détresse,/Lorsque je sens la solitude empiéter sur la joie,/J'éprouve près de moi cette présence/Qui fortifie mon coeur désert. » Par la magie des mots et la force de la vision, le veilleur n'est plus seulement le poète ; il devient naturellement le « Très-Aimant ». Alors : « La pluie redouble, ses gouttes flambent ».
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Citations et extraits (37) Voir plus Ajouter une citation
À LA BELLE ENDORMIE

Maintenant que j'écris sur la page secrète
Des mots doucement ivres de ton nom,
Tu dors dans ce désordre de cheveux
Odorants et doux que je respire,
Et les volets fermés ont replié leurs ailes.
Le soleil par les fentes soyeuses d'un après-midi
Jette ses lettres sur le plancher qui flambe :
Je les ramasse, je veux les lire, je transcris
Ces mots d'amour et dans ton cou je les traduis
Contre l'oeil clos de ton oreille.

Belle endormie loin de moi, tout près de moi, ton rêve
Encore fou, rêve et s'enfuit. Dis-moi tout bas
De deux amants quel est ce doux royaume.
Et comment le soleil qui déjà fuit t'admire.
Mais tu souris et je me brûle
De tant de mots, à travers coeurs en flammes.
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LES POEMES

Les poèmes vieillissent confusément,
Parlant encore de forêts, d’or et de roses. Toutefois
Quel sage aurait pu dans une seule fable
Serpentant au-dessus des hommes et des fleurs,
Dire comme la perle un peu l’attente
Qui est au creux du monde, et peut-être à la fin composer
Pour un prince las du soleil et des livres,
Un autre chant qui ne vieillirait pas,
Qui parlerait sans fin de ce qui recommence,
Au gré des libellules bleues, des armoiries de l’onde ?

Alors l’image en ce poème serait plus limpide
Que le bruit continu de l’eau, plus sombre qu’un silence
Au pied de l’arbre à qui écoute
La nuit parfaire les saisons
En quête de sagesse nébuleuse et d’ordonnance.
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Le jardin -


Redescends du vieux pommier qui t'a connu

Quand tu lui demandais de te conduire sur sa monture

Jusqu'à ses frères du verger, sur l'autre rive.

Laisse l'échelle près de l'œil des lucarnes

Qui rêvent sur le flanc crépi de la maison des vignes.

Tu demeurais longtemps parmi les livres roux d'images,

Les cartons à chapeaux hantés d'abeilles mortes.

Mon amie, je t'écris de
Brazzaville, je ne sais

Quand cette lettre arrivera.
Je la confie au missionnaire

Qui rentre pour soigner son cœur malade.
Que
Dieu

Te bénisse...
Réponds-moi, parle très longuement

De notre terre aimée, des fleurs que l'on arrose

À la tombée du jour.
Le ciel est-il, là-bas, couleur de vieux pastel

Et rose, au-dessus de la
Vienne, au crépuscule?

Tu aimais les romans, les livres inutiles, allongé

Sur le parquet blanchi par la poussière, tandis qu'entre les

poutres,
Les araignées filaient de minuscules cartulaires,
Espérant de saisir une étoile tombée.
Une abeille chargée du butin des bigognes
Heurtait dans la fournaise du grenier
Les vitres sales; tu l'aidais à s'enfuir,
Vers le jardin, plus bas, tes délices, le soir,

Lorsque les arrosoirs sur la terre extasiée

Jetaient leurs arabesques.
Le temps s'enfuit, le temps

Est mort comme les feuilles des terrasses.

Ainsi de l'été qui s'étire, le crépuscule

Atteste encore, comme au-dessus de
Troie dévastée,

Hantée de ronces, l'intangible bonheur

Que le songe rappelle, mais en vain.

Redescends, puisque des mains hostiles

Ont arraché la vigne sanglante d'automne,

Tronçonné les tilleuls sur les allées.

Et le cheval à l'horizon lève sa tête immuable

Au-dessous des vaisseaux qui tanguent sur la mer

Viens rejoindre la terre d'en bas, les trottoirs brunis par la

pluie,
La ville qui déploie l'emblème des rues, allonge un peu
Le bras, voici la gloire mais si proche.
Il suffit d'un désir
Et tu seras le maître.
Il s'éloigne sur la route qui brûle
De tous les crépuscules vainement assemblés.
Dimanche, cependant,
Remonte ruisselant des eaux, chaque semaine, sable engendré
De la rivière qui dresse l'or au milieu de l'herbage
D'une lettre sacrée, delta dont le sommet
Contemple l'abîme invisible.
Enée chemine, se souvient
Du jardin d'ombre, chaque soir.
La nuit
Verse le tombereau, l'oubli s'accroît sur le rivage.
Le vieillard ouvre ses mains si vaines, mais dimanche
S'en revient, que les merles saluent dans la clameur des cerisiers;
Le sable ruisselle, et tes journées s'achèvent, tu l'ignores.
Parfois, dans les recoins du ciel qui tremble
L'imperceptible étoile se découvre; tu ne fus jamais seul,
Le savais-tu?
La neige tombe sur les quais où oscillent
De vieux navires.
La rivière a gagné l'embouchure et se meurt
Dans la gloire des sables, mêlée de sources grises.



Lorsque tu parles du jardin, personne à la fenêtre close

Ne se rappelle ton passage.
Il n'y a plus de lampe sur la table.

Et les très douces mains ne se poseront plus, Énée,

Sur ton visage.

Nous ne reviendrons plus nous promener dans le jardin

Détruit.
Où êtes-vous, voix familières

De la saison têtue, arômes colportés par le vent?

Et nous marchions encore, espérant de fléchir

Le silence que veille
Aldébaran, la ténèbre

Que la nacelle de la nuit creuse d'un souffle.

Une constante vie, mais ce désir aussi qui n'est pas le désir.

Nous avons répondu à l'appel, fondé des empires fragiles

Dont les syllabes en suspens chancellent sur l'ocre de l'été;

L'appel encore a retenti, tout proche, dans les forêts obscures

Comme la plainte d'une biche près des étangs déserts.

II

Le guetteur descend du pommier solitaire.
Toute la nuit, il a lancé la ligne infructueuse,
Troublant l'aquarelle du jour et le pinceau des feuilles,

dans
L'aube frémit; la nuit s'éloigne au pas de ses chevaux,
Abandonnant quelques étoiles dans l'herbe dure.
Quelle aurore s'agite parmi les branches?
Le vigneron
Sitôt levé taille déjà le cep.
La musique tressaille
Dans la splendeur du hêtre rouge qui compte l'aune
Pour disposer déjà la nappe blanche.
Le soir
Le jardin fraîchira.
La lune observera
Semblable et muette, sa sœur obscure
Dans l'oeil du puits où goutte l'heure sainte.
Les crépuscules uniront leurs nacres et leurs feuilles,
Les temps auront mûri comme les fruits de l'arbre.

II

Lorsque la nuit voile son front d'érèbe.

Le guetteur se précipite en criant d'allégresse,

De l'arbre traversé d'aurore.
Et le jour

Hérisse de son feu les toitures nocturnes, le
Jour,

Lorsque la mort sera défaite et le jardin ouvert.

Alors peut-être souviens-toi des vergers que la nuit

Voulut même abolir pendant les temps d'orage;

Ils tremblent quand le vent se déguise en rivière,

Dans le consentement des branches qui n'ont rien refusé,

Pour que les fleurs se pâment sur son passage

Et que soit proféré le nom par quoi l'aube commence.
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LE CHANT DE LA TERRE

Voici la plus belle heure, les arbres
Sont roses dans le jour qui se lève.
Les parfums n'ont encore épuisé leurs timides
Secrets, dans le lacis des herbes, parmi les fleurs.
Alors le soleil blanc et rond quitte son écurie
Perdue dans la douceur du ciel au-dessus de la crête
Des arbres centenaires. Le lourd charroi qu'il tire
De la chaleur d'été d'où tombe le foin rouge,
S'engage sur l'ornière de la Loire jusqu'au soir des collines,
Que des merles, des hirondelles, veillent de leurs cris.
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Qu'ai-je fait des heures d'été?
La nuit grandit sur les jardins, parmi les livres.
Le vent du soir est solennel.
La vie précieuse nous traverse.
Ce jour semblable aux autres jours.
Imperceptible sous les arbres.
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Vidéo de Philippe Delaveau
Festival Voix Vives 2016 Entre mer et ciel : Philippe Delaveau Images et montage : Thibault Grasset - ITC Production #Poésie #VoixVives #PhilippeDelaveau
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