J'ai rapporté de mes pérégrinations estivales ce livre acheté à Boulogne-sur-mer, en y visitant la maison de la Beurière. Ce n'est pas un roman, mais une chronique sur la vie des marins-pêcheurs dans ce quartier au début des années 30, et plus particulièrement sur la vie de la mère de l'auteur.
L'histoire se déroule donc dans un quartier très populaire de Boulogne-sur-mer. Quartier où les familles nombreuses se côtoient. Familles de pêcheurs de père en fils, car n'oublions pas que ce port fut (et est encore) le premier port de pêche de France. L'histoire pointe essentiellement sur l'enfance et l'adolescence d'une fille de marin. On y découvre la vie rythmée par les saisons de pêche, les retours du père, les joies simples du quotidien, les fêtes, le poids de la religion et surtout l'adoration pour la Vierge Marie. Mais aussi les fins de mois difficiles, la pauvreté, le manque d'hygiène, la maladie, le long et dur travail du marin, ainsi que l'évolution des conditions de pêche, des bateaux et de la transformation et vente des poissons. Les qualités humaines de partage et de solidarité y sont aussi largement représentées. Et puis bien sûr la grande Histoire y prend place pour nous remettre en mémoire les conflits sociaux, la semaine de quarante heures (difficilement applicable aux pêcheurs !), les premiers congés payés, la drôle de guerre, les bateaux de pêche réquisitionnés par l'armée, le rôle de Boulogne point stratégique de défense du détroit du Pas-De-Calais, la Débâcle, l'exode, le statut de réfugiés... et le retour cinq ans plus tard vers Boulogne méconnaissable.
C'est un vrai témoignage d'une époque révolue et d'un quartier maintenant disparu (du moins tel qu'il était à l'époque) et j'ai pris beaucoup de plaisir à me plonger dans ce passé si bien traduit dans le petit musée de la Beurière (Beurière, mot dérivé de buron signifiant cabane), visite que je vous invite à faire si vous passez par là...
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La différence entre les gens de ma génération et ceux d’aujourd’hui, c’est que nous, nous étions heureux de ce que nous avions, alors qu’aujourd’hui ils sont malheureux de ce qu’ils n’ont pas.
Disparaître en mer, ce drame est quelque chose de terrible, on ne dit pas du marin qu'il est mort, même officiellement on dit "disparu". Comme ci, un jour, il pouvait réapparaitre. Si le corps n'est pas retrouvé, ce qui est en général le cas, la disparition, elle, en plus d'être tragique, laisse un goût d'inachevé, la boucle n'est pas bouclée. Il est encore plus difficile de faire son deuil dans ce type de situation. toutes les femmes de la famille, épouse, sœurs, cousines, se mettaient en neuvaine. Neuf jours à espérer le retour d'un corps que la mer ne rendrait jamais.
Lorsque la mer est en colère
La vague aux sinistres sanglots
Devient quelquefois une bière
Pour nos courageux matelots.
A leur famille triste et bonne
Qui maudit le grand vent de l’hiver
Il ne reste qu’une couronne
Et ces trois mots : « Perdu en mer « .
Poème de Paul Bracquart
...Pendant les cinq années, qui allaient suivre, pour la plupart des gens que nous allions côtoyer, nous n'aurions pas d'identité. Ils nous appelleraient : "Les réfugiées"...