AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : SIE163796_129
(30/11/-1)
4/5   6 notes
Résumé :
C'est Sous-Offs, paru en 1889, qui a fait connaître Lucien Descaves : un scandale a éclaté à la parution de ce roman franchement antimilitariste, qui a valu au jeune auteur et à son éditeur un procès reten-tissant pour injures contre l'armée. Descaves y dresse le portrait satirique et sans concession de la vie d'une caserne à Dieppe. Une galerie de sous-officiers s'offre à nous, médiocres, souvent ridicules, donnant de l'univers militaire une image à la fois dérisoi... >Voir plus
Que lire après Sous-offsVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Voilà donc le fameux "Sous-Off" de Lucien Descaves !
Ce livre, paru en 1889, semble avoir été annoncé par "Les misères du sabre", un premier pamphlet publié chez Stock en 1887.
"Sous-Offs" n'est pas un roman pacifiste, ni même à proprement parler un ouvrage anti-militariste.
Il ne remet pas en cause l'existence de l'armée.
Il ne proteste pas contre la guerre, ce fléau qui dévore l'humain.
C'est un roman de moeurs militaires.
Il décrit les vices de la caserne de son époque.
Il dénonce "les servitudes, les lâchetés, les abus d'autorité et les saletés qui fleurissent tout naturellement dans le fumier militaire*".
Il dénonce des "sous-officiers tripoteurs, voleurs et maquereaux*".
Porte de Vanves à Paris, les conscrits s'agglutinent autour de poteaux arborant un nom de ville et un numéro de régiment.
L'appel d'abord, puis un adjudant forme la colonne.
André Favières, employé parisien au Comptoir d'escompte, bachelier Es lettres, immatriculé 2460, se range derrière le sergent-major.
Le voyage le portera vers Le Havre, puis jusqu'à Dieppe ...
D'après le journal "Les hommes du jour", ce fut à la suite d'une triple dénonciation que "Sous-Offs" fût poursuivi.
Mais pourtant Lucien Descaves fût acquitté par la justice.
Cependant, par ordre de Mr de Freycinet, le ministre de la guerre, il fût cassé de son grade de sergent-major, sa candidature à la Société des Gens de Lettres fût unanimement rejetée, et toutes les portes des journaux se fermèrent devant lui pendant quatre ans.
"Sous-Offs" est un roman naturaliste à la manière de Zola.
Mais sa lecture est, aujourd'hui, un peu longue et fastidieuse.
L'ennui finit par s'y installer.
L'ouvrage a, selon moi, perdu en vieillissant beaucoup de son intérêt parce que trop accroché à son époque.
Le temps ayant fait son oeuvre, Lucien Descaves reste un auteur important et puissant plus parce qu'il a écrit sur la Commune.
En sont pour témoins ces deux livres magnifiques "La colonne" et "Philémon vieux de la vieille".
Et si d'aventure le nom de Lucien Descaves, malheureusement, n'évoquait plus pour le lecteur de demain un souvenir bien net, la lecture de la lumineuse autobiographie "Souvenirs d'un ours", parue en 1946, viendrait replacer cet incontournable écrivain à la place qui lui est due dans la Littérature française ...

* "Les hommes du jour" n°43 du 14 novembre 1908 - texte de Flax et dessin de A. Delannoy - disponible sur Gallica -
Commenter  J’apprécie          422
je ne me lasse jamais de relire certains passage de cette sorte d'état des lieux de l'armée française, dans le prisme de la vie d'un régiment et-particulièrement-de ses sous-officiers.

lucien Descaves a fait oeuvre de journaliste, et livré cette somme en une prose très agréable à lire.

Ces sous-officiers et leur monotone vie de garnison, nous emmène dans cette fin du XIXe siècle marquée au fer de la défaite à la guerre franco-prussienne.
Commenter  J’apprécie          91

Citations et extraits (18) Voir plus Ajouter une citation
Rapidement, l'estrade fut envahie. Beaucoup de messieurs venaient saluer un gros homme coiffé du bicorne des garçons de recettes, très vieux, donnant des poignées de main de cet air las et indifférent qu'ont les distributeurs de prospectus, dans les rues. Et il en trouvait toujours ; on ne voyait que son dos de pachyderme et le continuel jet de son bras, en trompe, allant chercher du pain dans les mains tendues. Mais un nouveau personnage surgit, tête de de marin, lèvre rase, favoris, nez en dos de rasoir, glacial. Et les fonctionnaires d'arriver, d'aller s'incliner, puis, les ressorts détendus, de s'effacer pour faciliter la flexion dorsale à d'autres figurants.
Assis enfin, des habits noirs faisaient sauter devant eux des enfants, de jolies taches claires semblables à des larmes d'argent dans une tenture funèbre. La poussière soulevée par un vent d'orage, l'artillerie et les cavalcades, saupoudrait un gros de curieux écrasés contre les grilles du jardin. Au pied de la tribune principale étaient massés les officiers de la réserve et de la territoriale, affichant, en des dégaines épicières, l'imbécile orgueil du galon accidentel.
- Garde à vous !
On fit porter les armes. A mi-corps, ce fut, d'un bout à l'autre de la ligne, comme un vol transversal d'oiseaux blancs ; puis les mains gantées retombèrent dans le rang, l'aile cassée. Le colonel d'artillerie, commandant d'armes, passait devant le front des troupes. Aucune solennité, la foule morne, une hâte générale d'en finir...La cérémonie de la remise des décorations elle-même se dévêtit de prestige, dans le bredouillement des formules et le galvaudage des récompenses aux services sans éclat.
Commenter  J’apprécie          70
Une porte claqua et de gros souliers sonnèrent sur les marches. Dans le silence touffu d'une fin de nuit de chambrée, ce bruit tomba ainsi qu'une pierre en une eau dormante. Un frisson courut sous les couvertures ; il y eut ce pelotonnement gourmand des corps, l'hiver, à l'approche du réveil, et les respirations s'allégèrent. Cinq heures tintaient en ville.
D'autres portes battirent ; des godillots plus nombreux traînèrent dans les escaliers ; un cuisinier passa, ramassant les gamelles oubliées, les heurtant l'une contre l'autre, avec l'évidente rogne de l'homme forcément matinal.
Alors, minute à minute, la caserne s'éveilla, s'étira, grinça, lasse et cassée comme une vieille servante toujours debout la première.

(incipit)
Commenter  J’apprécie          140
Les hommes libérables, après avoir entendu la lecture du dernier rapport qui les intéressât, donnant les heures de départ et la composition des cadres de conduite, eurent la surprise d'un Ordre exemplaire où le colonel, pour frapper leur imagination, réprouvait en ces termes la mort de Tétrelle : 

   " En dehors de toute idée religieuse et quel qu'en soit le motif, le suicide est une lâcheté, c'est aussi une désertion : notre vie appartient au pays qui, demain, peut nous la réclamer.

   le sergent-major Tétrelle a accompli, en se suicidant, cet acte de désertion. Il s'est montré indigne du choix dont il avait été l'objet parmi ses camarades, l'élite de la jeunesse française ; aussi, non seulement les honneurs militaires ne lui seront pas rendus, mais personne n'accompagnera son convoi.

                                                         Le colonel : Vérignac".



Favières est libre....

Parisien, il a sur les malheureux qu'on pousse vers les gares en troupeau et qui, jusqu'à la dernière minute, auront au col, au poignet, aux chevilles, le carcan, les menottes et les chaînes disciplinaires, il a sur eux l'avantage de s'en aller seul, presque civil déjà, en petite tenue et sans armes.

   Il a serré quelques mains, salué deux ou trois officiers qui lui furent cléments.

   Il se hâte, maintenant, détale, ne se refrène que hors de la caserne, au large !

   Libre !... Il est libre !...

   Il fait un clair soleil de septembre ; le ciel est gai, les frondaisons de la place Fontenoy sont peuplées de pépiements, la matinée sent bon et les passants ont tous l'air heureux...

   Favières a envie de leur parler, de se confier à eux, de se mêler à la partie de marelle que jouent des enfants, de demander un renseignement quelconque aux agents, d'offrir ses services... Depuis qu'on l'a désarmé, il se sent des velléités d'héroïsme ; il voudrait être généreux, se dévouer, se jeter à la tête d'un cheval emporté ou sauver un homme qui se noie...

   Il respire par tous les pores, comme au sortir d'une fièvre éruptive, lorsqu'une peau toute neuve se reforme sur les croûtes qui vont tomber, qui tombent...

   Mais il éprouve autre chose encore qu'un bien-être physique. En même temps que des vêtements civils, il va retrouver une conscience, le sentiment de la dignité, du devoir intégral, de la personnalité, des responsabilités sociales.

   C'est déjà comme du linge blanc, sous l'uniforme qu'il quittera tout à l'heure. Il a changé de chemise, laissé dans l'autre la vermine qui s'y était attachée et qui le dévorait.

   À mesure qu'il s'éloigne de la caserne, sa libération n'est plus inscrite sur les contrôles seulement; une voix intérieure en répand la bonne nouvelle, et le sens moral assoupi en lui se réveille.

    Il s'indigne des turpitudes que peuvent engendrer le sabre au fourreau et le galon gratuit ; de l'espèce d'immunité qu'ils confèrent à leurs détenteurs.

   Car il n'est pas possible que la culture de la bravoure, de l'héroïsme, les considérât-on comme des fleurs de serre, exige tant de fumier. La mémoire de Favières en vide des brouettées, en remue qu'il a lui-même apporté, par contagion, réellement sans savoir ce qu'il faisait, comme dans un cauchemar.

   Il n'y a pas jusqu'à l'homélie du colonel sur la fosse ouverte pour Tétrelle, qui ne plaide en faveur de celui-ci. La mort devait l'exempter à la fois de service - et des corbeaux. Pourquoi, sur son cadavre, ce croassement encore ? De quel droit condamnait-on à s'en aller seul, sans cadre de conduite, sans aucun des compagnons de chaîne qu'il avait eus... à s'en aller comme un chien crevé, ce pauvre diable ni meilleur ni pire, au demeurant, que ses parents d'occasion, les membres impurs de l'illusoire famille épousée par contrainte ?...



   Et, tout à coup, il sembla à Favières que le véritable enterrement de sa vie militaire, goujate, cruelle, improbe et pitoyable, c'était l'enterrement de ce malheureux, et qu'il devait le suivre non seulement pour se donner, en souffletant la consigne, une éclatante preuve d'affranchissement, mais parce que le suivant, il accompagnait d'abord tous ceux qu'il avait vu tomber sur la route, de lassitude, de faiblesse, de découragement, les obscures victimes des règlements, de l'hôpital, du désespoir, de la promiscuité, des pique-bœuf...

   Midi ! S'il allait arriver trop tard ? Il doubla le pas, se dirigea vers l'avenue Rapp...

   Une porte était ouverte, un convoi prête à sortir, solitaire et cahoté, au milieu d'une valetaille irrespectueuse et funèbre, se demandant quel crime avait bien pu commettre celui-là dont la charogne partait dans l'universel abandon...

   Favières s'informa rapidement, puis s'effaça, se laissa dépasser par le corbillard.

    Et, tête nue, il marcha derrière.
Commenter  J’apprécie          10
Généreuse, si bonne fille, et la vraie femme de trente ans, toute en lèvres et en yeux, comme l'en-tête à promesses d'une facture que son corps acquittait.
Si donnante aussi ! suivant un qualificatif accrédité. Quand elle servait, le plateau appuyé à la taille, son corsage en surplomb, entre les consommations, elle semblait s'offrir elle-même, apéritive, prête à décoiffer deux goulots, capsulés d'étoffe.
Delphine, très femme à quatorze ans et déjà s'affruitant, mais l'air hostile, la bouche en moue et un regard de fausse dormeuse, accentuant, par comparaison, l'accueil ouvert de l'autre. Le "poulot à Généreuse", un mioche de quatre ans, bien doux, vivant dans les jupes de sa grand'mère, une vieille Polletaise sèche et haute, reléguée au premier, parmi la progéniture bâtarde de sa fille. Depuis l'arrivée du nouveau détachement, cependant, elle surveillait davantage la boutique, entr'ouvrait fréquemment le judas, quand elle croyait Généreuse seule avec un militaire. L'honnêteté de l'aïeule se retrempait dans les risques courus par la propriétaire. Car ces caprices, en faveur d'un seul, dépeuplait le café, à l'inverse de la famille.
Commenter  J’apprécie          70
Il n'aperçut, d'abord, que Delphine, en chemise, Delphine qui, après avoir entre-baillé la porte, s'était blottie contre le lit et hurlait, les mains en tampon dans les oreilles, sans discontinuer. Il la crut blessée, mais elle étendit le bras, montra Tétrelle couché sur la poitrine, à deux pas d'elle, les jambes nues, la tête diminuée, dans le sang répandu.
Du monde arrivait, se pressait derrière Favières ; des femmes surtout se penchaient sur le corps avec une horreur curieuse et insatiable. Tout à coup les cris de Delphine recommencèrent, fous, aigus...On alla vers elle...Il y avait sur les draps, jusque sur sa chemise, des morceaux de cervelle et des fragments de la calotte du crâne. Un de ses doigts en était maculé... et elle le tendait sans se résoudre à le secouer ni à l'essuyer, comme un enfant qui s'est fait une piqûre...
Commenter  J’apprécie          80

Videos de Lucien Descaves (4) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Lucien Descaves
« Joris-Karl Huysmans (1848-1907) […] nous a donné sur lui-même […] les renseignements essentiels. […] de pères en fils, dit-il, tout le monde a peint dans sa famille […]. […] Il pratiqua toujours, en matière de régime, la plus complète indifférence. Il regardait comme le meilleur gouvernement celui qui ne tracasse personne. […] il lisait beaucoup, travaillait peu et cherchait sa voie. […] […] Huysmans fut, jusqu'à l'heure de sa retraite, après trente ans de services, un fonctionnaire modèle. […] Écrivain, sa distinction répugnait au mélange et se félicitait de rester privée. […] Huysmans avait des loisirs… Il versifiait, en s'inspirant de Villon (1431-1463) et de ses mélancoliques ballades, qu'il aimait alors par dessus tout ! […] il réunit sous ce titre : le drageoir à épices, quelques petits poèmes en prose […]. La critique fit assez bon accueil au Drageoir. […] Huysmans […] conclut « à la résignation, au laisser-faire », à l'acceptation, enfin, de la vie telle quelle, c'est-à-dire irrémédiablement mauvaise. « Le mieux n'existe pas pour les gens sans le sou ; seul, le pire arrive. » Schopenhauer (1788-1860) a raison : « La vie de l'homme oscille, comme un pendule, entre la douleur et l'ennui. » Ce qu'il faut démontrer. Huysmans s'y efforce. À quoi bon réagir, chercher et fixer les conditions du bonheur ? Il n'y en a pas. Rien ne vaut la peine de regimber. Et Huysmans, cependant, ne fait que cela ! C'est un pessimiste qui se complaît, comme beaucoup de Jobs de cette espèce, sur le fumier de sa philosophie. Lui, toutefois, râcle ses ulcères avec des mots précis et précieux, les tessons chatoyants d'un vocabulaire si riche, qu'il fait oublier l'horreur des sanies ! […] […] Il avait enseigné le prix de la phrase bien écrite et du verbe générateur remarquable entre tous les mots, comme le bêlier qui dépasse de ses cornes le troupeau mouvant. Il aimait les humbles et méprisait l'argent. Il en gagnait avec ses livres et négligeait de le toucher. […] Aussi le représentait-on revêche, amer, ombrageux, distant. […] Il observait bien la surface de la nature humaine ; il ne la pénétrait pas toujours. Il avait contracté entre les murs de sa chambre, devant la glace, la myopie des grands félidés en cage. […] Quel sort, dans l'avenir, aura l'oeuvre qu'il laisse ? Il est assez difficile de le dire. Néanmoins, soit qu'on l'envisage comme un acte de foi, soit qu'on la considère comme un merveilleux travail d'orfèvrerie, il faudra bien assigner un rang supérieur, dans la littérature du XIXe siècle, à l'écrivain qui n'humilia jamais l'indépendance de l'artiste le plus raffiné, devant les devoirs du chrétien le plus scrupuleux. » (Lucien Descaves, in J. K. Huysmans, pages choisies, Editions J. M. Dent et fils, 1913)
Des croquis de concert et de bals de barrière ; La reine Marguerite, un camaïeu pourpré ; Des naïades d'égout au sourire éploré, Noyant leur long ennui dans des pintes de bière ;
Des cabarets brodés de pampres et de lierre ; Le poète Villon, dans un cachot, prostré ; Ma tant douce tourmente, un hareng mordoré, L'amour d'un paysan et d'une maraîchère :
Tels sont les principaux sujets que j'ai traités : Un choix de bric-à-brac, vieux médaillons sculptés, Émaux, pastels pâlis, eau-forte, estampe rousse, Idoles aux grands yeux, aux charmes décevants,
Paysans de Brauwer, buvant, faisant carrousse, Sont là. Les prenez-vous ? À bas prix je les vends.
(J.-K. Huysmans, Sonnet liminaire)
0:00 - Ballade en l'honneur de ma tant douce tourmente 1:58 - À maître François Villon 5:28 - Générique
Image d'illustration : https://www.franceculture.fr/emissions/la-compagnie-des-auteurs/joris-karl-huysmans-14-le-forcat-de-la-vie
Bande sonore originale : Dream Machine - Colors Fade Colors Fade by Dream Machine is licensed under a CC BY-NC 3.0 license.
Site : https://icons8.com/music/search/colors%20fade
#JKHuysmans #LeDrageoirAuxÉpices #PoésieFrançaise
+ Lire la suite
autres livres classés : antimilitarismeVoir plus
Les plus populaires : Littérature française Voir plus


Lecteurs (25) Voir plus



Quiz Voir plus

Quelle guerre ?

Autant en emporte le vent, de Margaret Mitchell

la guerre hispano américaine
la guerre d'indépendance américaine
la guerre de sécession
la guerre des pâtissiers

12 questions
3206 lecteurs ont répondu
Thèmes : guerre , histoire militaire , histoireCréer un quiz sur ce livre

{* *}