Il y a parfois des livres avec lesquels on ne se découvre aucune affinité, pire, qu'on a envie d'abandonner après une cinquantaine de pages. C'est ce que j'aurais fait sans hésitation si cette lecture n'avait pas fait partie d'un défi. D'abord parce que toute l'emphase, particulièrement sur le quatrième de couverture et en introduction, mise sur le déplacement forcé d'autochtones frise la fraude tellement cet aspect n'occupe qu'une place négligeable dans le roman. Ensuite par ce que l'autrice suggère d'abord la relation entre sa soeur et son frère ainé, y revient, insiste, ne lâche pas, la présente à nouveau et reprend le thème ad nauseam; on avait compris. On tourne en rond longtemps et cette lourdeur m'a indisposé. Finalement on voit venir des milles à la ronde le supposé punch final. Pour être honnête la dynamique familiale, quand elle concerne le père et la mère vis-à-vis leurs enfants, présente de l'intérêt mais jamais assez pour réchapper tout le reste . . .
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La vérité était bien ailleurs. Le mal était plus discret. Ce n’est pas un diplôme ou une minable expérience sur le terrain « social » qui peut permettre de comprendre cela. Pour comprendre, on n’a que sa propre expérience, ce qu’on ressent, ce qu’on apprend, comment on fait pour fonctionner avec ce qui est, comme on le faisait dans la cour de récréation de notre école, la polyvalente locale, autant dire un enclos de fous : des bunkers de béton, gigantesques, sans fenêtres, parqués sur des terrains vagues. Dans ces grandes surfaces, on ne pouvait qu’apprendre à séduire en expérimentant le plus inimaginable, à se frayer un chemin dans la férocité – à vivre.
Pourquoi ne pas admettre une fois pour toutes que les histoires d’amour sont toujours les mêmes ? Le début, le milieu, la fin. Autant dire qu’il n’y a pas même de milieu, puisque le milieu est déjà la fin, après le début où l’on se berce dans l’angoisse d’une illusion lamentable. La fille qui se tortillait pour capter mon attention me révèle maintenant la sale gueule qu’elle aurait si nous étions en couple. Je fuis, prisonnier de mon côté impénétrable et de ma détresse dont ces folles veulent me délivrer. J’exècre les clichés, mais certains sont efficaces : j’ai l’air d’un cow-boy solitaire et beaucoup de filles aiment cela.
Dans ce bled si bien situé, on s’ennuyait à mourir. C’est souvent le cas, dans les villages de cet immense pays.
Autrefois, ce n’était pas comme ça. Les gens étaient moins abrutis. L’église les rassemblait. Il y avait de l’entraide, des thés l’après-midi, une joie de vivre. C’est du moins ce que j’imagine, et ce que l’épervier, survolant la maison, le village, le lac et l’autoroute perçoit dans son âme d’oiseau libre et seul. Moi, enfant, ce n’est pas ce que j’ai connu. Dans notre maison, il n’y avait pas de joie de vivre, seulement de bons moments, de temps en temps.
Ces femmes d’affaires arrogantes, avec leurs faux ongles, leurs lunettes griffées, leur corps bodybuildé à l’excès sous des tailleurs faussement désinvoltes m’ont toujours répugné. Ça se voit même dans le noir qu’elles sont en manque d’hommes, souvent depuis leur trentaine ratée et révolue. C’est triste à mourir. Elles puent l’argent qu’elles se mettent sur le corps pour compenser l’incompensable : un homme, un vrai, l’amour, la fusion du souffle, ça existe on le sait… elles le savent… sans jamais l’obtenir.
Toutes les autres amours relèvent de la compulsion, de la panique, d’un élan grégaire consternant. Au fond, je ne suis même pas triste. J’accepte et je traîne dans la ville, comme dans ma vie. C’est métaphysique. Il y aura bien une fin un jour, après la vieillesse que j’imagine souvent. Je n’ai plus de dents, ni de cheveux, je suis seul et pauvre, je paye pour mes péchés, c’est interminable. Et puis je tente de me pardonner. Je ne suis pas responsable.