Le titre de ce livre m'a interpelé ; il est de plus en plus difficile d'assumer son catholicisme en public : au mieux on vous considère avec une commisération apitoyée ; au pire on vous met en demeure de vous expliquer sur les positions de l'Eglise en matière de reconnaissance du mariage homosexuel et d'appréciation du transsexualisme. Cela m'est arrivé comme à d'autres.
L'auteur place cette hostilité au christianisme dans le contexte de l'évolution des mentalités sous l'influence du wokisme. Quand à la critique de ce dernier mouvement je suis globalement d'accord et je l'ai dit ailleurs.
Cependant je ne suivrai pas l'auteur dans son analyse des origines doctrinales de ce courant de pensée, qu'il identifie à ce qu'il appelle progressisme, et qui fonde pour lui un continuum allant des Lumières au marxisme-léninisme, en passant notamment par la Révolution Française.
A ce sujet, il se trompe ; le wokisme est tout sauf un progressisme ; et les idéologies qu'il englobe sous ce vocable, à défaut d'une religion révélée, se référent toutes à des valeurs transcendantes dans lesquelles l'individu trouve sa finalité , substitut à la religion ; l'ennui, c'est que, comme le montre
Emmanuel Todd dans La défaite de l'Occident, son dernier ouvrage, ces valeurs se substitution sont portées par ce qu'il reste de religion dans la mentalité des hommes ; mais vient le jour où ce substrat religieux finit par disparaître, et avec lui les valeurs religieuses de substitution. Et alors il ne reste rien ; la société sombre dans le nihilisme ; elle n'est plus qu'une juxtaposition d'individus isolés et égocentrés, qui sont un peu, si l'on veut les Derniers Hommes de
Nietzsche. C'est alors qu'apparait le wokisme, exaltation hypertrophiée des droits de l'individu, conçus comme illimités et illlimitables. Et il est la négation de tout ce qui l'a précédé.
L'auteur a naturellement raison dans ses critiques du marxisme-éninisme soviétique,qui occupent une bonne part du livre, même si ses analyses sont un peu rapides ; mais elles n'ont guère de rapport avec la question ; et il n'est pas pertinent de vouloir calquer l'opposition au wokisme sur les les pratiques de la dissidence en Union Soviétique ; cela serait même contre-productif, puisqu'il en résulterait un enfermement, un repli sur soi.
Non, e marxisme-léninisme est mort et enterré ; il ne renaîtra pas, et il n'y a plus lieu de la combattre ; et le wokisme n'en dérive pas.
Ces filiations abusives, qui conduisent de 1789 à 1917 et au-delà, c'est d'ailleurs une vieille histoire qui a trainé tout au long des XIXème siècle et XXème, souvent dans des milieux monarchistes ou fascisants.
On peut signaler aussi que, dans les pays d'Europe Occcidentale où il existait un parti communisme important, comme la France ou l'Italie, ce dernier jouait un rôle intégrateur important pour les individus et contribuait à l'équilibre de la société, au même titre que l'Eglise, et malgré leur opposition. Cum grano salis, j'appellerai bien cet équilibre le système Don Camillo-Peppone. Et on notera qu'en France, le PCF et l'Eglise catholique se sont effondrés à peu près au même moment.
Je ferai à l'ouvrage un autre reproche mineur celui-là : une analyse largement erronée du régime tsariste, allant presque jusqu'à justifier par ses excès la révolution d'octobre, thèse paradoxalement empruntée aux communistes, qui aurait profondément choqué
Soljenitsyne, auquel l'auteur se réfère pourtant comme autorité et exemple.
J'ai encore relevé une erreur assez grave, que l'auteur reprend alors qu'on la pensait enterrée ; dans les années soixante, certains avaient émis l'hypothèse que les accusés des procès de Moscou avaient reconnu des crimes imaginaires par fidélité au Parti qui ne devait pas être désavoué ; lorsque les accusés qui ont survécu ont pu parler, ils ont démenti cette belle théorie ; s'ils s'étaient accusés, c'était tout simplement apr peur de la torture qui les attendaient en cas de rétractation.
Bref un livre bien intentionné mais maladroit.