Y. mais peut-être, cette nuit-là, là, apparaîtra à la minute
de derrière les horloges, certain Chevalier Noir, maître d'un
monde sans clef où gît l'Aurore Cristal fusée d'une déchirure
de la nuit possédée qu'un bond ne franchit pas, qu'une main
de feu n'éclaire pas, qu'une porte battante n'ouvrira pas.
UN SAFRAN DE MARS
Le maître de l’Amour se maintient au carreau de lune,
Ses yeux, tirés du blanc, découvrent l’ombre de Ce-qui
n’est-pas.
« Donnez-nous, disait-on, ce qui manque à l’étincelle
pour faire du bois, ce qui manque à la rivière pour mouler
une forêt de feu ! »
La machine de l’Amour battait la campagne, hâtait
les saisons. L’échelle de son ombre dépassait l’horizon.
Il y est un soleil et quelques allumettes perdues dans la
boîte du vide…
Une étoile avec la chair de l’œuf.
Un grand rideau d’objets. Rien devant et tout APRÈS.
Le condamné à vivre
Je cherche au fond de moi ce qu’y cacha la vie
Quand elle me prit aux mains de ses yeux de pleureuse,
Peut-être a-t-elle jeté l’existence de nuit
Dont un cœur d’homme ne sent que la part malheureuse ?
C’est sûrement un sort qu’elle me mit dans la main
Avec le don de vivre et de souffrir sans masque,
Car le bonheur, dit-elle, n’a pas de nom humain,
Il ne respire pas encagé dans un cœur,
C’est un oiseau malade d’être trop voyageur
Et le toucher serait lui retirer son vol.
Et quand on l’imagine on sent qu’il est trop loin,
Qu’il s’est cassé le cœur dans ses efforts de vivre,
Qu’il ne marquera plus les pages d’aucun livre
Et ne traduira plus la comédie du cœur.
Depuis longtemps il fait le jeu d’une autre vérité,
C’est une étoile déracinée de ses désirs…
(Janvier 1947)
Sommeil
Extrait 1
Je dors la tête pleine d'étincelles
Je dors le cœur gonflé de mies de rêve
Le silence retourne l'haleine sur ma bouche
Et le noir m'ouvre le cerveau
Je dors, la nuit travaille pour moi
Dessous l'oreiller dur perce un fil de sueur
Un doigt lourd retourne un bloc d'acier
Sur les gerçures de mon sommeil
Je dors et je m'écoute en rêve
…
Sommeil
Extrait 2
Les paupières les rêves fondent comme des bouts de chandelle
Au-dessus le ciel s'anime de zéros
Mais la terre ne marque rien
Et la lune a durci sous mon regard éteint
Tranche d'or tournant à vide
Lueur dépolie
Étape lointaine du ciel
Dans les trous du sommeil tombent les clefs du ciel