Une oeuvre posthume qui permet de prolonger le plaisir de découvrir sa pensée.
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Dans la pratique du za-zen, nous recherchons également l'expérience intérieur de la lumière. Le but de tout travail initiatique est la voie vers l'illumination, et celle-ci, parcourue jusqu’à la transcendance, apparaît comme la voie illuminée.
Le point décisif dans le travail sur cette voie est que l'expérience de la lumière est liée à l'expérimentation antérieur de l'obscurité. La vraie lumière luit dans les ténèbres.
Voici ce que cela implique pour l'exercice : c'est une impasse que de tenter de se transporter, en quelque sorte par un bond, dans un monde de lumière, de s'imaginer un état lumineux et de vouloir déjouer à partir de là l'obscurité. Les choses ne se passent pas ainsi.
Sur cette voie, le blanc additionné au blanc donne du noir. Seul le blanc qui a intégré le noir reste du blanc. L'obscur doit tout d'abord être admis, regardé et supporté. Ce n'est qu'en supportant, en acceptant l'obscur que l'homme peut trouver la lumière, celle qui est à même d'intégrer l'obscur.
Ne nous détournons donc pas lorsque, dans l'exercice, l'obscur se manifeste en nous, mais tournons-nous vers lui avec amour : il est une part de la lumière, qui est par-delà la lumière et l'obscurité.
Il existe un vide néfaste, par exemple dans l'ennui. Mais il n'y a pas que l'ennui, il y a aussi des états dans lesquels l'homme contemple un néant béant. C'est là, l'horror vacui - la peur du vide. C'est une transcendance négative qui s'ouvre là.
Cet état est négatif parce qu'il n'est pas productif. Il provoque le vide d'un écoulement, sans créer les conditions nécessaires à un nouveau remplissage.
Mais il existe aussi une benedictio vacui - la bénédiction du vide. La multiplicité des pensées, images, sentiments, la multiplicité de ce qui, du quotidien, nous colle encore à la peau - tout cela doit disparaître C'est en direction du vide qu'il faut prêter l'oreille et, dès lors, ce n'est pas rien qu'il y a là, mais tout. De ce rien peut s'élever quelque chose qui est au-delà de toute multiplicité : la plénitude. En ce sens, il existe une plénitude du rien.
La méditation du rien est une des formes du zazen. Le son de l’Être résonne sans interruption. La question est de savoir si en tant qu'instrument nous sommes accordés de manière à l'entendre : le son du silence dans la plénitude du rien.
Dans l'exercice, nous cherchons à devenir perméables à notre essence. Cet exercice comporte deux phases : celle du relâchement, du lâcher-prise, du renoncement à tout ce qui entrave cette perméabilité, et celle de l'accès à une attitude de disponibilité, grâce à laquelle notre essence peut pénétrer notre être intérieur.
Dans la respiration, cela signifie tout d'abord la réalisation de l'expiration selon les trois phases du relâchement, du laisser-aller vers le bas, du devenir un, puis laisser advenir l'inspiration, qui est un don de l'expiration juste - de l'ouverture tout simplement.
Le fait de s'ouvrir désigne l'attitude de disponibilité dans laquelle l'essence peut venir à nous.
La respiration est davantage qu’une alimentation de l’homme en oxygène. Elle est le mouvement vital absolu, non pas seulement sur le plan corporel, mais aussi sur le plan spirituel et celui de l’âme, sur lequel l’homme peut se donner par l’expiration, et se recueillir par l’inspiration… se laisser aller – loin de moi ; se laisser choir – vers toi ; se laisser devenir un – tout en toi ; se laisser devenir nouveau – nouveau à partir de toi.
C’est ici que la prise de souffle, en tant qu’inspiration, prend son sens spirituel. On ne peut pas faire une inspiration, on la reçoit. Nous recevons un cadeau, pour peu que nous ayons su nous donner adéquatement et complètement.
C’est dans l’expiration et le relâchement que se réalise la tentative de devenir toujours plus un avec notre profondeur, la profondeur essentielle dans le rythme de la respiration, dans l’expiration et dans l’inspiration, qui vient de soi, qui est le don d’une expiration adéquate. Lâcher prise et prêter l’oreille à sa propre profondeur.