(Livre reçu dans le cadre de l'opération Masse Critique. Un très grand merci à Babelio et aux éditions Flammarion pour cette lecture vivifiante.)
Il s'appelle Lou Bishoff : c'est le narrateur de
Mississippi driver qui, on le parie, ressemble comme deux gouttes d'eau à
Lee Durkee qui en est l'auteur.
Car voilà, Lee et Lou ont été, entre autres métiers pas vraiment reluisants, prof d'anglais puis chauffeur de taxi. L'un en amphi permet de savoir comment raconter, l'autre en taxi permet de savoir quoi raconter. La combinaison des deux donne un sacré bon livre, qui lorgne du côté des frères Coen, entre the Big Lebowski (the Dude sans la Californie ni le bowling) et Fargo (l'Amérique profonde sans les crimes ni la neige).
Mais d'abord qui prend le taxi à Gentry, ville où Lou officie (un bien grand mot pour un gars qui roule dans une Lincoln déglinguée de 20 ans d'âge, sans freins (ou si peu) ni klaxon et qui affiche 336.000 kms au compteur) ?
Un indice : Gentry n'est pas Manhattan. Ni l'état du Mississippi celui de New York. Un habitant de Tribeca doit gagner davantage en une journée que 1.000 habitants de Gentry en 365. Ça donne une idée des courses et de la population qui pose ses fesses (jamais bien propres) sur la banquette arrière de la Lincoln. Des paumés, des vieillards en bout de parcours, des drogué.e.s (sous meth), des ex taulards, des branques, des poor workers - tous sans bagnole, tous sans le sou, tous dans la dèche.
Dans la dèche, Lou s'y débat aussi, derrière le volant 70 heures par semaine (ni RTT, ni carte vitale hein) à ferrailler contre ceux dont ils soupçonnent qu'ils vont se barrer sans payer, la proprio de la compagnie de taxis (Stella, alcoolo ascendant tyran qui ne le paie guère davantage) et son fils Tony (drogué ascendant crétin qui ne paie rien du tout), les autres chauffeurs de taxis (ah l'équipe de nuit) et ses fantômes, les siens propres et ceux de tous les passagers si mal embarqués qu'il a embarqués, qui ne le lâchent jamais, à l'instar de la caméra qui le filme en permanence.
Alors après, il y a Bouddha (qui recommande de rien attendre), Anna (une adorable vieille dame qui attend souvent Lou) et Chloé (une jolie infirmière que Lou attend et devinez… bref…).
Mississippi driver est un livre plein d'humanité, déjanté et chaleureux. Un gros pourboire pour Lou (et Lee) please !