Dans "
Les dieux rouges"
Jean d'Esme s'empare d'un procédé particulièrement récurrent en littérature fantastique. Il s'agit du récit de seconde main trouvé sous forme manuscrite, dans une bouteille jetée à la mer chez
Edgard Allan Poe par exemple, ou, comme ici, issu d'un témoignage oral directement recueilli par le narrateur. Procédé courageux qui le dégage de toute responsabilité quant à la vraisemblance de ce qu'il conte.
L'auteur n'innove donc guère mais, en réel connaisseur de la région, il profite du procédé pour nous plonger dans l'atmosphère d'une fumerie d'opium pour la scène de la transmission du récit.
Nonobstant l'aspect fantastique, c'est d'ailleurs le principal intérêt de ce livre que de proposer un tableau réaliste de l'Indochine du début du vingtième siècle, non dénué de quelques relents colonialistes mais relativement mesurés pour l'époque.
L'auteur suggère parfaitement l'environnement climatique et végétal oppressant ainsi que les agissements d'abord ambigus puis, progressivement mystérieux et inquiétants des autochtones.
Je laisserai aux lecteurs intéressés la découverte des événements qui entourent le mystère du poste 32. Qu'ils sachent néanmoins qu'un siècle après sa parution, ce récit a beaucoup perdu de sa force de frappe, son final surtout, censé lui conférer son aura fantastique.