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EAN : 9782918799757
180 pages
Editions Anacaona (09/03/2015)
4.23/5   15 notes
Résumé :
La trajectoire, les errances, les rêves et les désenchantements de Poncia, petite-fille d'esclaves, depuis son enfance à la campagne jusqu'à l'âge adulte dans les favelas du Brésil. Poncia habite sur les terres de son ancien maître qu'occupent de nombreux Noirs même après l'Abolition de l'esclavage, par manque de perspectives. Mais la jeune fille décide de tenter sa chance en ville, où elle vient grossir les rangs des favelas. L'histoire de Poncia retrace la vie de ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (9) Voir plus Ajouter une critique
Publiés par les éditions Anacaona, les livres de la collection “Terra” sont empreints d’un esthétisme alliant sobriété et bon goût. L’illustration dans les tons noir et ocre de la couverture de “L’histoire de Ponciá”, est d’André Diniz un auteur de bande-dessinée brésilien particulièrement inspiré par l’univers des favelas.
Merci Paula pour cette nouvelle découverte de la littérature brésilienne contemporaine dont le plaisir de l’esprit est dans le droit fil du plaisir des yeux !

L’avant-propos du roman, une dizaine de pages, est si passionnant qu’il donne l’impression d’en constituer le premier chapitre. Il s’agit en fait du discours prononcé en 2009 par l’auteure, Conceição Evaristo, lors d’un colloque de littérature à Belo Horizonte sa ville natale, discours dans lequel elle retrace avec passion son parcours de vie.
Malgré une enfance très pauvre au sein d’une favela et un entourage majoritairement semi-analphabète, l’ascension sociale de cette arrière-petite-fille d’esclave, devenue aujourd’hui une des figures majeures de la littérature afro-brésilienne, force l’admiration.
Tout émerveillé de cette préface si belle, le lecteur est vraiment dans des dispositions optimales alors que débute “L’histoire de Ponciá”.

Le mot qui caractérise le mieux ce roman, les lusophones le connaissent bien : “saudade”, que l’on pourrait approximativement traduire en français par “infinie tristesse”. Coupée de ses racines, de la campagne où vivent encore sa mère et son frère, Ponciá broie du noir dans une de ces favelas de la grande ville dont elle attendait tant.
Un mari au caractère primaire qui ne la comprend pas, des fausses couches à répétition, un avenir professionnel bouché malgré une instruction dont elle n’est pas peu fière, font que la “saudade” qui depuis longtemps l'étreint se transforme de plus en plus souvent en hébétude voire en prostration. Les gènes qu’elle a hérités de ses aïeux esclaves semblent imprégnés de cette souffrance qui depuis si longtemps colle aux basques du peuple noir.

Conceição Evaristo a fait le choix du format court pour conter l’histoire poignante de Ponciá. Son style d’écriture est agréable et sans doute travaillé pour être à la portée du plus grand nombre. Tant sur le fond que sur la forme, il n’est pas surprenant de voir “L’histoire de Ponciá” figurer aujourd’hui au programme du baccalauréat brésilien.

S’il est captivé par ces écrits qui laissent à penser plus qu’ils ne disent, le lecteur percevra de façon subliminale le long cri mêlé de détresse et de rage d’une romancière qui jamais ne comprendra, n’acceptera la profonde et durable blessure infligée au peuple dont elle est issue.
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« Je ne suis pas née entourée de livres… C'est dans le temps et l'espace que j'ai appris depuis l'enfance à cueillir les mots. »

Ce sont les mots de Conceiçao Evaristo, dans l'avant-propos du roman. Et cela se sent. Elle sait voir, sentir… et mettre des mots sur des émotions. Ses mots sont vivants, ils sont puissants. Avec courage et persévérance elle a réussi à sortir du sous-sol de son école, à Belo Horizonte, où l'on confinait les familles pauvres et les Noirs, comme l'on confinait les esclaves dans les cales des bateaux.

Ce livre nous conte l'histoire d'une famille, celle de Poncia.
Poncia est une petite-fille pas comme les autres ; une petite fille de la rivière, qui sait où trouver la glaise pour façonner des objets, des statuettes, comme si elle façonnait la vie entre ses doigts.
Elle porte en elle un héritage. Tout comme son grand-père, elle est le témoin d'un passé, d'un présent. À travers son regard, ses mots, ses créations, on lit la mémoire de ses ancêtres esclaves, déracinés de leur pays d'origine pour venir enrichir ici, au Brésil, les Blancs.

On entend à travers elle le chant des hommes Africains, le chant du retour, un chant joyeux, qu'ils entonnaient lorsqu'ils revenaient de la chasse ou de la pêche. Dans le présent, les hommes sont presque muets, ils semblent résignés, mais ils chantonnent encore. C'est leur façon à eux de résister, de ne pas s'avouer vaincus. Tout n'est pas éteint, il reste une étincelle, un espoir, un souvenir.

Poncia a une « vie-ailleurs » ; dans un « rêve-réalité ».
Dans ses moments d'absence, sa tête est pleine de rien, elle devient « néante » ; elle s'entoure de « ses pensées- souvenirs », dans le temps de sa mémoire, dans un « passé-présent » ; elle communie avec « l'homme-argile ».

Ce sont les mots de l'auteur. Des mots pour décrire le caractère multiple de Poncia. Elle n'a pas d'identité propre, elle ne se reconnaît pas dans son nom, il ne lui convient pas. Elle voudrait s'inventer une autre vie. Sa vie lui a été volée, à elle comme à tous les autres Noirs.

Elle pourrait s'appeler « saudade » ; « femme-étoile » ; « fille-amie ». Une fille née de la rivière, qui sait « pleurer-rire », témoin de tout, de la tristesse comme de la joie.

Celle qui porte en elle la mélancolie ; celle qui symbolise le lien ; le lien entre les siens ; un lien qui ne doit pas se rompre, pour ne pas oublier qui ils sont et d'où ils viennent.

Une rivière, de la glaise, une artiste… Une femme qui modèle la glaise, pour en faire ressortir le « saudade », pour créer un lien entre le passé-présent, pour en faire du temps- à-venir, pour inventer une nouvelle vie, un autre destin pour les Noirs. Une vie d'hommes libres, fiers et heureux, comme l'étaient leurs ancêtres venus d'Afrique.

Je remercie Paula des Editions Anacaona pour ce petit bijou aux accents poétiques. L'auteur nous emmène le long de cette « rivière-fleuve », dans ses méandres, ses tourbillons, à la rencontre de la mémoire des Afro-Brésiliens, à la rencontre du « saudade ».

C'est le deuxième livre que je reçois de cette collection Terra. Comme dans Bernarda Soledade Tigresse du Sertao de Raimundo Carrero, la présentation est sublime. Cela donne envie de découvrir d'autres romans de la littérature brésilienne dans cette collection.
Merci à Paula et aux Editions Anacoana pour cette rencontre magique.
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En premier lieu, je voudrais vous parler de la Collection Terra des éditions Anacaona, que je découvre à travers ce roman. La couverture est le portrait de Conceiçao Evaristo, en noir et ocre, l'écriture est rouge. Comme la terre du Brésil. J'ai eu également le plaisir de découvrir un marque-page aux couleurs du livre.

Il y a une frise sur les premières pages, qui illustre le discours prononcé par Conceiçao Evaristo lors d'un colloque de littérature (université UFMG, Belo Horizonte, Minas Gerais, mai 2009).

Conceiçao Evaristo mêle ses propres souvenirs à ce roman. L'histoire de Poncia est triste et émouvante. Elle vit avec sa mère et son frère, leur père étant décédé sur les terres où il travaillait pour l'homme blanc.

Poncia ressemble à son grand-père, appeler « pleurer-rire », qui avait perdu la raison parce qu'il ne voyait pas d'échappatoire à sa vie d'esclave. En tout cas, elle le porte en elle. Poncia va quitter sa famille pour aller en ville. Elle va se perdre, corps et esprit. Comment résister après le décès de ses 7 enfants, qui, une fois nés, mourraient. La saudade l'accompagnera, sera son état d'esprit, jusqu'aux retrouvailles avec sa famille.

A travers ce récit, on voit l'exploitation des blancs sur les noirs, toujours esclaves, même s'ils sont libres. Libres de quoi ? Tout leur est interdit, la misère règne.

Un roman simple, une écriture facile. Une fois le nez plongé dedans, vous ne le quittez plus. Vous êtes happé par l'histoire. Il se lit comme un conte, un conte des temps modernes. Et aujourd'hui encore, je crois pouvoir dire que j'ai beaucoup de chance d'être née et de vivre dans un pays comme la France, surtout quand on voit se qui se passe au Brésil, en Inde ou encore ailleurs…

Si vous voulez en savoir plus, je vous conseille de lire la critique de ANDMAN ou GOUELAN.
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Poncia est une petite-fille d'esclave noirs du Brésil. Son père a travaillé dur dans le domaine des Blancs, son frère Luandi aussi. Sa maman chantait et se rendait maître de la terre, façonnant tous les ustensiles de cuisine nécessaire à la vie d'alors. Poncia a souvent été à la rivière, elle y a puisé la terre limoneuse dont la mère avait besoin... mais pas que cela! Avec la mère, elle a donné vie à la terre, elle a chanté la rivière, elle a rêvé la vie.

Mais la cellule de vie a éclaté. le père est mort, Ponçia d'abord, ensuite Luandi et enfin leur mère ont emprunté des chemins d'errance, de 'saudade'* et de solitude.

Poncia y a vécu de plus en plus prisonnière, elle y est devenue transparente, n'a plus été que néant. Trop souvent en grande absence avec elle-même, elle a pu s'habiller de tout le passé de son peuple, de ses combats, ses misères et sa désespérance. En effet, Ponçia, enfant-différente, avait hérité de son grand-père Pleurer-Rire cette conscience d'un passé et d'un présent sans avenir.

L'entité "Poncia Vicênçio - Conceiçao Evaristo" est un maillon fort de la mémoire afro-brésilienne! C'est avec la délicatesse d'un pinceau 'deux poils' que l'auteure Conceiçao Evaristo nous brosse une toile impressionniste d'un temps où l'horizon est si bouché pour les noirs qu'ils ne peuvent plus entretenir la petite flamme espérance qui les ferait croire à une possible autre vie. Etre là au milieu de la famille sans même plus la voir. Être lasse d'avoir tant rêver d'ailleurs au point d'y partir et de s'y perdre. Noire de peau et si transparente de coeur, telle est la tragédie de Poncia.

Dans cette histoire, telle une blueswoman, Conceiçao Evaristo nous entraîne et nous retient par ses phrases simples, ses images lumineuses, ses émotions à fleur de peau, ses mots dits et surtout ceux non-dits à fleur de coeur.

L'auteure, une fois de plus, redit avec force que, dans notre humanité, auprès de la rivière qui lui est propre mais qu'il devra chercher longtemps, chacun doit retrouver et reprendre la place qui lui permettra de chanter la vie...

La collection Terra a particulièrement soigné la mise en page, le format, la couleur de l'impression pour nous mettre entre les mains un livre-cadeau et non un anonyme produit sorti d'une rotative lambda! Tout est à l'image du texte écrit et très bien traduit par les éditions Anacaona.
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Petite-fille d'esclave, Poncia, vit pauvrement aux abords d'une plantation avec sa mère et son frère et décide sur un coup de tête de tenter l'aventure à la ville.
Travailleuse, elle ne tarde pas à trouver un emploi qui lui permet d'économiser de quoi faire venir sa mère et son frère car elle est tenaillée par la tristesse d'être séparée des siens, la saudade…
Un magnifique petit roman qui évoque sobrement et avec beaucoup de poésie la discrimination raciale au Brésil, la migration des paysans vers les villes par la voix vibrante d'une femme en quête de son identité et de ses racines.
Le tout dans le très joli écrin des éditions Anacaona, merci Babelio et merci aux éditions Anacaona pour cette jolie découverte !
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Citations et extraits (13) Voir plus Ajouter une citation
Brusquement, sur un coup de tête, Ponciá Vicêncio avait décidé de quitter le village où elle était née. Elle était lasse de cette vie. Lasse de travailler la terre glaise avec sa mère, d'aller et venir sur les terres du Blanc, de revenir les mains vides. Laisse de voir la majeure partie de la récolte des Noirs, cultivée par les femmes et les enfants sur leurs terres pendant que leurs hommes s’échinaient sur celles du maître, remise au coronels. Lasse enfin de cette lutte folle et sans gloire à laquelle ils se livraient, pour se lever chaque jour plus pauvres tandis que d'autres s'enrichissaient en permanence. (p.37)
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De cette attention à la vie qu’elles nous ont apprise m’est resté l’habitude de chercher l’âme, l’intime des choses. De recueillir les restes, les morceaux, les vestiges, car je crois que l’écriture – tout du moins pour moi -- est le désir prétentieux de coucher le vécu. D’éterniser l’éphémère.
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L’homme restait muet, les mots coincés dans la gorge. Aucun de ses gestes n’était porteur de sens. Poncia, elle, vivait l’angoissante et désespérante envie de la rencontre. Un mélange de colère et de déception s’emparait d’elle quand elle se rendait compte qu’ils n’allaient jamais au-delà du corps, qu’ils ne se touchaient jamais au-delà de la peau.
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Poncia avait grandi dans la pauvreté. Ses parents, ses grand-parents, ses arrière-grand-parents avaient toujours travaillé la terre des maîtres. La canne à sucre, le café, les récoltes, le bétail, les terres, tout avait un propriétaire -le Blanc. Aux Noirs restaient la misère, la faim, la souffrance, la révolte suicidaire.
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Plus jeune, elle avait même rêvé de porter un autre nom. Elle n’aimait pas le sien… Son nom ne résonnait pas en elle. Elle en inventait d’autres… La petite fille, sans nom, tremblait de peur, craignait ce jeu mais insistait. Sa tête tournait dans le vide et elle, néante, se sentait sans nom. Elle se sentait personne, elle avait envie de pleurer-rire.
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Videos de Conceicao Evaristo (4) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Conceicao Evaristo
"Ses yeux d'eau" de Conceição Evaristo, traduit et lu par Izabella Borges (extrait)
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