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EAN : 9782081216969
175 pages
Flammarion (08/09/2008)
4.62/5   4 notes
Résumé :
Au sein de la Renaissance italienne, Venise occupe une position originale par sa situation géographique, par son indépendance politique et ses usages sociaux. Carrefour entre les pays du nord de l'Europe et du centre de l'Italie, entre l'Orient et l'Occident, la cité des doges réussit à tresser un tissu social cosmopolite, à inventer une culture ouverte à d'innombrables courants pour créer un style homogène et unique. Elle sut également composer une vie sociale sans... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Si Florence a largement contribué à façonner notre vision de la Renaissance, Venise en offre pourtant une autre facette, originale et différente, mais tout aussi attractive. C'est la création artistique du Quattrocento jusqu'à la seconde moitié du XVIe siècle qui fait l'objet de cette synthèse de la Renaissance vénitienne. Tout autant que son homologue florentine de la même collection, elle est composée de manière très claire et très accessible, et la lecture en est fort agréable. La couverture (Flore, 1515) renvoie à Titien (1488-1576), le vénitien capital.

L’exploration de quelques spécificités propres à la ville - géographiques, historiques, économiques et culturelles - ne sont pas inutiles pour initier ce parcours vénitien, bien balisé, dans lequel chacun peut se frayer son propre chemin. Peuplée à partir du VIe siècle et protégée par sa lagune, Venise s’est dotée très tôt d’institutions politiques stables et devient une cité florissante à la tête d’un vaste empire commercial maritime s'étendant dans les terres et au-delà de l'Adriatique. Elle se définit aussi par son héritage byzantin (San-Marco est construite sur le modèle de l'église des Saints-Apôtres de Constantinople) et son cosmopolitisme, une identité forte par laquelle elle veut s'affirmer en rivale de Rome.

Ainsi a pu se constituer « la venezianità », l’essence singulière d’un univers artistique local, étroitement tributaire de son environnement et inscrit au coeur de la vie civique. Premières pages incontournables pour saisir la suite, illustrées de cartes anciennes gravées de Venise et de sa lagune ainsi que de quelques-unes de ses beautés (coupoles de San-Marco, Pala d'oro, etc). On retient d'une part que San-Marco - dont les reliques sont volées à Alexandrie en 828, par deux marchands vénitiens ! - reste un modèle puissant, par la fascination que ses mosaïques, datant des XII et XIIIe siècle, exercent sur les artistes vénitiens (par leurs jeux de lumières) qui se succéderont dans la basilique, pour les regarder mais aussi pour les restaurer :Titien, Véronèse, Tintoret et Palma le Jeune pour les plus connus ; d'autre part, que dans la controverse qui opposait le "disegno" (le dessin/dessein) au "colorito", Venise se plaçait du côté de la sensualité colorée plutôt que de la ligne intellectuelle (conception toscane) qui avait la préférence de Vasari.

Une caractéristique essentielle du contexte de la création artistique vénitienne largement développé et illustré ici : l'existence des guildes et des scuole, confréries ou corporations, auxquelles les artisans et les artistes étaient tenus d'adhérer. La fonction des guildes était commerciale, l'art étant une activité comme une autre et l'indistinction entre beaux-arts et métiers artisanaux, la règle (les peintres travaillaient souvent dans plusieurs domaines). Les fonctions des scuole, attachées aux guildes, qui disposaient de ressources financières énormes, étaient sociales et religieuses, et faisaient d'elles des mécènes. Le but d'une telle organisation : réguler les activités et contrôler la concurrence extérieure. Mais ce protectionnisme vigoureux, n'excluait nullement l'accueil des étrangers (ce sera le cas de Dürer, entre autres, et d'autres nombreux artistes de la péninsule ou d'ailleurs) et leur participation à la vie commerciale de la cité ; une composante essentielle de Venise à la Renaissance.

La présence d'ateliers pérennisés par de véritables dynasties familiales (Bellini, Vivarini,Titien, Tintoret) est par ailleurs une tradition vénitienne qui s'intègre à l'esprit de coopération encouragé au sein des guildes fédératrices. Contrairement à Florence où la compétition est valorisée entre les artistes, La Sérénissime privilégie le collectif. Les questions de l'émergence de l'artiste en tant qu'individu et de la signature de l'oeuvre, agitent néanmoins les débats de la cité. Dans cet esprit (coopératif), la plupart des oeuvres et des tableaux vénitiens sont souvent destinés à remplir des fonctions spécifiques (religieuses, politiques ou didactiques) dans les lieux publics ou religieux. En 1562-1563, Véronèse réalise Les Noces de Cana pour le mur du réfectoire de San Giorgio Maggiore, l'un des plus riche de la Ville. On connaît l'histoire de ce tableau gigantesque, qui se trouve aujourd'hui au Louvre.

L'art dans la vie publique est illustré par un chapitre important consacré à la décoration du Palais des doges, construit en style gothique au XIVe siècle. Après la destruction totale de la Salle du Grand Conseil dans l'incendie de 1577, et des fresques historiques de Gentile et Giovanni Bellini, Carpaccio et Titien, la charge du chantier de réfection est confiée à Véronèse qui meurt en 1588. C'est Tintoret qui réalise finalement la décoration de la salle ("Le Paradis"). Les institutions vénitiennes, le doge, les symboles de la République dont le lion est le plus ancien, la vie civique et l'importance des fêtes et processions (le couronnement du doge devient événement public à partir de 1485, et la fête de la Sensa célébrée au printemps) fournissent autant de prétextes à la création contemporaine qui les représente dans tout leur apparat. Dans le premier quart du XVIe siècle, l'esprit de la Contre-Réforme vient pointer le goût du faste affiché par certaines scuole.

Dans la sphère privée, l'évolution stylistique peut bien sûr se lire sur les façades très colorées des palais vénitiens où le style gothique encore dominant assimile bientôt certains des éléments classicisants de la Renaissance. L'architecture vénitienne des palais est largement représentée par la peinture. La nature et le paysage trouvent une formulation dans la représentation religieuse avec par exemple Lorenzo Lotto (Saint Jérôme dans le désert, 1506) ou Tintoret (Sainte Marie l'Egyptienne en méditation, 1586-1587). Mais dans la première décennie du XVIe siècle, les artistes vénitiens vont donner au mythe littéraire de l'Arcadie la forme picturale du concert champêtre (Titien, 1510), mêlant des scènes pastorales à la mythologie et suscitant une "esthétique de l'évasion". Avec Giorgione, élève de Giovanni Bellini surgit la peinture privée destinée à des collectionneurs.

La connaissance du milieu domestique vénitien à la Renaissance est aussi documentée par la peinture, même religieuse (Carpaccio, "Le songe de Sainte Ursule" 1495 ; "La naissance de la Vierge" 1504-1508, sont deux oeuvres exemplaires à ce titre). Les inventaires fournissent énormément d'informations sur le mobilier, les habitudes et la décoration. La vaisselle, les tapis importés d'Egypte, le rouge et le vert qui sont les couleurs prisées dans les intérieurs, les dentelles, les soieries, la céramique (la majolique qui est introduite à Venise à la fin du Quattrocento) et le verre, autant d'objets manufacturés faisant la prospérité de la ville et représentés sur les tableaux. Des tableaux pieux souvent, vierges à l'enfant réinterprétées (originaux de Giovanni Bellini, Titien, Carpaccio), icônes bizantines importées de Crète (madonneri) et que l'on copie, ornent les murs, car la dévotion imprègne autant les moeurs privées que publiques.

L'art du portrait, très vivant à Venise évolue lui aussi et clôt le parcours : idéal aristocratique encore un peu raide du patricien de Giovanni Bellini en 1485-1490, à celui tempéré de naturalisme de Lorenzo Lotto qui introduit une dimension psychologique à son "Jeune homme à la lampe" en 1506, date à laquelle Giorgione peint "Laura" puis Titien "La bella" en 1536. Les formats augmentent selon la position sociale et les moyens du commanditaire. Les portraits de belles femmes (Palma le Vieux) et de courtisanes, de familles (Véronèse) se multiplient. Autoportrait de Titien vers 1570.

Un bon bouquin, d'excellents repères didactiques, iconographie riche, bibliographie conséquente.


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Excellent livre sur la renaissance à Venise. je recommande à quiconque prépare un voyage dans la cité des doges de lire se livre avant de partir. La lecture en est aisée. L'auteur écrit bien et le discours n'est pas abscond. Vous apprendrais beaucoup sur la renaissance artistique de la ville mais aussi sur son organisation sociale et politique de l'époque. Je l'ai lu d'une traite et j'ai beaucoup appris.
J'aurais peut être juste souhaité un peu plus de belles illustrations.

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Citations et extraits (37) Voir plus Ajouter une citation
Venise était la seule ville importante d'Italie qui ne fut pas bâtie sur des fondations antiques. Vers la fin du Moyen-Âge, la population grandissante et plus fortunée devint sensible à l'absence de passé impérial romain et se forgea une lignée plus digne. Une tradition affirmait que les îles avaient été occupées par un groupe de nobles Troyens après la chute de Troie. Venise était, selon ce mythe, plus ancienne que Rome, donc supérieure, et avait chéri la liberté depuis son origine. [•••] Venise revendiquait aussi des origines chrétiennes anciennes. À la Renaissance, la participation artistique de Venise au renouveau de l'Antiquité se caractérisa par une approche romantique et nostalgique issue de ce double héritage mythique des origines (p.17).
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Au temps de Giovanni Bellini, l'existence même d'un portrait indiquait un statut élevé, car seules les personnes des classes supérieures pouvaient se faire peindre. Au milieu du XVIe siècle, en revanche, la commande d'un portrait devint plus fréquente chez les commerçants et artisans. Ce phénomène n'avait pas échappé à la plume acide de l'Aretin. Oubliant ses humbles origines, il écrivit : "C'est une honte pour notre époque que de tolérer ainsi la peinture de portraits de tailleurs et de bouchers." (p.149)
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Le Palais des Doges était l'expression visible de l'essence même de Venise. Alors que le Palazzo vecchio de Florence avait des allures de forteresse, le siège du gouvernement vénitien se montrait aussi ouvert et accueillant que possible, à l'image de "la ville dont la mer est le rempart, ouvrant ses portes sans craintes". L'édifice avait été construit en style gothique au XIVe siècle, mais comportait aussi des éléments islamiques et classiques. Il enracinait ainsi la République dans un temps historique et dans l'espace géographique en expansion d'une grande nation commerciale.
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Les mosaïques de Saint-Marc restèrent donc un monument vivant pour les artistes de Venise qui y découvraient une approche subtile de la couleur, des leçons sur la technique artistique, des modèles de composition, le respect de la surface et, ce qui comptait peut-être le plus, une façon de percevoir et de représenter la lumière comme un puissant agent de révélation - et, en même temps, de dissolution - de la forme (p.33).
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A la fin du Quatrocento, l'activité commerciale et l'immigration consécutive à l'avancée vers l'ouest de l'Empire turc avait produit l'une des populations les plus hétérogènes d'Europe. Les calli et campi, mots du dialecte vénitien qui désignent les rues et les places publiques, étaient si pleines de visiteurs et d'immigrés aux vêtements exotiques -parmi eux des Allemands, Slaves, Albanais, Dalmates,Turcs, Mamelouks, Arabes, Africains, Perses, Grecs et Levantins, juifs d'Allemagne et d'Espagne- qu'un visiteur fit cette remarque à propos de la ville : "Leur peuple se compose en majorité d'étrangers" (p.36).
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