L’OISEAU ENCORE (fragment)
(…)
Il n’apporte plus de questions,
il n’apporte plus de présages,
mais il est là, heureusement,
dans les moments où l’avenir
se dissout dans ta nostalgie,
où ton cœur affolé
cherche son ancien rythme
tandis que tes deux tempes savent
ce qu’il te reste encore de temps
pour faire des adieux discrets
à ce qu’il te reste d’amis,
à cet instant où l’aube
vient soudain effacer
ton dernier cauchemar,
ta dernière insomnie,
et qu’il jaillit du grand manguier
du jardin créole d’en-face
pour renouveler ta surprise,
ton étonnement d’être en vie.
Ce trop de légèreté
Méfiant devant le participe
qui sème trop d'évanescences,
fasciné par les adjectifs,
il voit le parfum d'une rose
l'exacte douceur d'une peau,
sait écouter le clair-obscur,
aimerait tant
palper la peau,
mordre la pulpe,
savoir quelques saveurs.
Aimerait être moins léger,
avoir un fragment de matière
– pour y perdre ses souvenirs.
Aimerait à peine apparaître,
ombre incapable d'oublier,
que ne se rappelle personne
et dont rien ne garde la trace.
POSSIBLES
" C'est ainsi qu'on vient parfois au monde…"
Lord Byron, Lettres et journaux intimes.
Se souvient d'un pays
où il a failli naître,
d'une maison possible,
cherchant une mémoire où vivre,
de possibles vergers,
navigant sur son souffle.
Se souvient d'ancêtres possibles
‒ purs profils calligraphiques,
silhouettes cursives,
sur la page de saisons possibles ‒
se souvient d'amis invisibles
dans les livres-silences
où les secondes neigent,
de visages sans noms
et de noms sans visages,
dans la fable d'hier.
p.9
TRACE DE QUI DE QUOI ?
Trace cherchant,
désespérée,
celui ou celle
qui l'a laissée.
Mais toi qu'es-tu sinon la trace
de ce qui n'est jamais passé :
nuage oublié dans un coin
d'une Bohème d'outre-ciel,
nuage, jamais dépensé,
qu'un ciel a gardé dans sa poche.
N'aie donc que léger pour bagage,
et que le bleu à raconter.
Que ton seul verbe soit partir,
ta seule fable les oiseaux
qui n'ont que le vent pour biographe.
p.35
À celles qu’a laissées l’Histoire
j’avoue préférer d’autres traces,
celle de mes oiseaux d’enfance :
petites empreintes discrètes
là où ils se sont ébroués
dans un vrai bonheur de poussières
ou subtil alphabet du sable
que la vague vient effacer.