Dans le Decameron, Boccace imagine que de jeunes hommes et de jeunes femmes, s'assemblent, au moment où la Peste Noire ravage Florence, dans une villa de Toscane où ils ont quelque espoir d'échapper à l'épidémie. Vont-ils prier ? Se lamenter ? Nullement. C'est en devisant agréablement qu'ils entendent tuer le temps. Et, tout au long de ces dix jours, ce ne sont qu'histoires antiques, récits merveilleux, bons mots et, surtout, contes galants et grivois.
Simple vue de l'esprit, pourrait-on croire, que cette joute intellectuelle et licencieuse en pleine peste? Elle est cependant révélatrice d'une mentalité. Lorsque Boccace invente des contes, les plaies de la Peste Noire sont encore vives et, cependant, il ose en faire le prétexte de son livre. Bien mieux, en janvier 1401, Charles VI crée « la Cour d'Amour », académie de l'amour courtois, à laquelle il confie le soin de l'honneur féminin égratigné par les auteurs du Roman de la Rose et leurs partisans contre lesquels Christine de Pisan vient de rompre des lances. Or, en ce même mois de janvier 1401, une épidémie décime Paris. Le Decameron est réalisé.
1709 - [p. 159]
La peste est sans cesse présente parmi les hommes du Moyen Age. Le terme recouvre d'ailleurs bien des réalités, et toute épidémie, de la simple grippe au choléra, se voit qualifiée de « peste ». La peste bubonique domine cependant, susceptible de complications pulmonaires lorsqu'elle s'attaque à un milieu humain sous-alimenté. Or, cette peste pulmonaire est de loin la plus grave, et elle se propage de façon foudroyante. Si, parmi toutes les pestes qu'enregistrent les chroniques, celle que l'on appelle la Peste Noire, la peste de 1348-1350, jouit d'une triste notoriété, elle le doit aux récoltes gâtées à travers toute l'Europe par la pluviosité des précédents étés.
En quelques moins, l'Italie est ravagée, la France atteinte à son tour. L'Angleterre, l'Allemagne, la Scandinavie paient leur tribut à l'un des plus terribles fléaux de l'histoire. Dans certaines régions, un homme sur trois disparaît. pris de panique, les citadins s'enfuient : des villes italiennes perdent ainsi la moitié de leur population.
1708 - [p. 128/129]