Un roman qui démarre avec la légèreté d'une comédie mais qui bascule et plonge dans le drame très rapidement en provoquant un vrai choc émotionnel. Un roman polyphonique d'où émergent trois voix de femmes comme des portraits intimes et celle d'un homme vu par le prisme de ces trois femmes. Ada la compagne, la figure maternelle, l'absente. Sandra l'amie féministe, libraire, célibataire qui a fait le choix de ne pas avoir d'enfants et Alba, l'enseignante, l'épouse asexuelle qui rêve de maternité. L'homme qui traverse tout le roman, c'est Alexandre, architecte parisien, amant tourmenté par la paternité, père et veuf au même moment. À la suite de l'événement tragique qui lui fait perdre Ada, Alexandre se lie d'amitié avec Sandra auprès de laquelle il trouve écoute et réconfort. Puis il jette son dévolu sur les sites de rencontres et rencontre Alba qui aspire à combler son un désir d'enfant selon sa propre volonté. C'est le début pour elle d'une quête de bonheur à tout prix et pour lui de grandes interrogations.
Cette première partie du roman qui virevolte entre les personnages est la plus intéressante. prennent parfois la forme de discussions philosophiques dynamisent le récit.
Alice Ferney explore l'intimité de ses personnages à travers le désir amoureux, sensuel et le désir d'enfant. En déroulant le fil de leur vie, elle interroge la maternité et la parentalité. Elle dessine des portraits de quarantenaires, dans une époque où enfanter comporte encore des risques tandis que les nouvelles techniques de procréation redéfinissent la maternité et par là même le couple, la sexualité, la famille, la filiation. L'irruption des progrès techniques dans la sphère privée peut-elle satisfaire le bonheur de chacun ? Et ces progrès rendent-ils les femmes plus libres et vraiment maîtresses de leur corps ?
Lorsqu'
Alice Ferney veut démontrer l'influence des changements sociétaux et des techniques procréatives sur l'intimité des femmes et des hommes, le récit perd son souffle romanesque. Elle se lance dans un raisonnement très documenté, certes intéressant mais très didactique pour expliquer ce qu'est la GPA, quelles interrogations éthiques elle soulève et quelles en sont ses dérives sociales et économiques. Au gré de ses personnages, qui se livrent à quelques confidences intimes, elle alterne entre discours militant et discours conservateur.
Malgré l'opposition d'Alexandre et Sandra, Alba est sur le point de s'engager sur ce long chemin qui mène vers la GPA, après de multiples recherches sur Internet et forte de cette possibilité de procréer sans sexualité. Mais là où un véritable débat aurait pu s'instaurer entre eux, où le discours féministe aurait pu prendre tout son sens, les personnages, au départ complexes avec leurs certitudes mais aussi leurs doutes et leurs interrogations, deviennent des porte-parole très stéréotypés. Chacun joue sa partition en solo, la volonté masculine devient violente et le roman se clôt sur une fin très ambiguë qui laisse perplexe.
Dans cette comédie de moeurs, on retrouve les motifs qui parsèment l'oeuvre d'
Alice Ferney, la vie amoureuse, le couple, la maternité qu'elle explore ici à partir de l'enfant désiré, qu'il soit conçu naturellement ou fabriqué grâce aux différentes méthodes de procréation médicalement assistée. Elle s'empare de ce sujet de société très contemporain avec son écriture précise et élégante, sa manière de dessiner des portraits et d'intellectualiser le propos. Malgré cela, j'ai été moins convaincue par la dernière partie très appuyée, trop démonstrative à mon sens et pas du tout par le dénouement. Pourtant le regard singulier que ces femmes très différentes portent sur notre société moderne où la science repousse les limites de la nature pour satisfaire une recherche de bonheur quel qu'en soit le prix interroge et ouvre des pistes de réflexion. Et nul doute que l'ambiguïté de l'épilogue peut susciter bien des débats…