"Passé un certain point, selon les paramètres de la nouvelle science, il devient impossible de distinguer l'imagination de la réalité"
Roman-romanichelle niietzschéen, avec beaucoup à manger dans l'assiette, et, pour rester dans le ton du livre, pas mal à évacuer ensuite par l'autre côté (rassurer-vous, il s'agît bien là d'oeufs de dragon multicolores).
Donc, le sujet (ici pas bien clair avant de commencer... décidément je ne dispose pas de la formation en semiologique de 4ème de couv', encore une fois, à côté de la plaque ce résumé-éditeur) c'est DSK, le Sofitel, bref du bon gros scandale planétaire, le monde entier ayant un avis, etc.
La littérature a cela de génial, elle seule peut traiter de ce genre de sujet comme bon lui semble. le titre l'annonce, ça part un peu dans tous les sens, mais surtout pas celui de la morale, sans pour autant piétiner l'éthique du lecteur, pluralité des points de vue, et surtout tourner autour du scandale sans jamais s'y intéresser de front, faire passer DSK du faune au pantin, du possédé au dépressif, du satyre au... labrador (?)
A force de brouiller les pistes, de vouloir en faire un "roman total", et d'éviter tous les pièges à raconter une telle histoire, l'auteur se perd parfois en longueurs; heureusement pour nous, il s'en relève vite avec de grands moments de bravoure, au premier duquel on trouve un vrai-faux documentaire pour HBO et Arte décrit en milieu de livre, intitulé "Le trou et le ver", qui fait intervenir, au sujet de l'affaire DSK,
Philip Roth,
Camille Paglia, Slavoj Žižek,
Philippe Sollers,
Noam Chomsky, P.B. Preciado,
Michel Houellebecq,
Julia Kristeva,
Michel Onfray, Lady Gaga,
Catherine Breillat,
Judith Butler,
Caitlin R. Kiernan,
Chantal Thomas,
Bell Hooks, Steven Shaviro, Rosi Braidotti,
Harold Bloom, Todd Haynes,
Amélie Nothomb,
Catherine Millet,
Virginie Despentes,
Alain Finkielkraut et
Anne Fausto-Sterling; chacun leur tour, en va-et-viens, avec un paragraphe décrivant chaque fois la mise en scène de l'intervention. D'un réalisme hilarant, donc frisant forcément la caricature, ce morceau permet d'évacuer, en une soixante-dizaine de page, tout ce qu'on pourrait dire ou penser de sérieux sur l'affaire au niveau du symbole et du retentissement social (et #metoo n'était pas encore arrivé, certaines positions s'étant encore radicalisées depuis). Fin et habile.
Certains passages confèrent à l'hénaurme, et puis cette volonté de basculer vers une critique de la politique mondiale est un peu dure à avaler, entouré de convocations au fantastique et de la ficelle du fait-divers accrochée à la cheville, à deux doigts de se casser définitivement la gueule dans ces égouts promis, sans qu'on en ressente autre chose que l'odeur.
Difficile d'y mettre une note... Mais un talent indéniable, pour une histoire qui a le bon goût de rester dans l'invraisemblable.