Le grand mérite de Jean Fiori est de proposer dans cet ouvrage une interprétation historique générale de
la chevalerie déconnectée des sources littéraires qui nous font connaître -en le déformant en mythe- ce milieu et cette pratique -presque professionnelle pourrait-on dire-.
Comme bien des lecteurs, je me suis donc trouvé contraint de tirer un trait sur les héros de mon enfance, et aussi sur les interprétations du XIIème siècle de Chrétien de Troyes, réinterprétées de moult façons par nos médias modernes.
Disciple de
Georges Duby, Jean Fiori poursuit son oeuvre en concentrant son étude des représentations mentales, philosophique et culturelles, sur
la chevalerie.
Dans ce -court- ouvrage, il nous montre tout particulièrement comment la conscience de classe, ou
plutôt de caste, et la construction d'une philosophie de vie qui donnera naissance au mythe, a en fait été très lente à se constituer, portée par l'Eglise, la culture de l'amour courtois, et la recherche d 'ordre social des puissants.
Il nous montre comment la domination par la force des paysans gallo-romains par l'envahisseur barbare, par les armes, la motte castrale, et surtout -ne l'oublions pas, le fait matériel d'être assez riche pour posséder un cheval- a finalement abouti à une institution ayant traversé plusieurs siècles, non sans force évolutions.
Il nous décrit aussi l'importance qu'a pu jouer, en amont de cette conscience de classe, le métissage par vagues consenti par la vieille noblesse franque à partir des miles les plus méritants -ou les plus riches, le plus souvent- , pour renouveler ce système. Ce faisant,
la chevalerie poursuit une tradition romaine, qui saute aux yeux aussi lorsqu'on étudie l'évolution historique de l'armement.
Un regret toutefois : la plume de Jean Fiori n'a pas la qualité didactique de Duby. Dommage. Il faudra donc réserver son enthousiasme au contenu.