Avec cet ouvrage, l'auteur du désormais classique « Fronts et frontières » (Fayard, 1991) inaugure une nouvelle collection de géographie et de géopolitique. « Frontières » a pour ambition de réhabiliter l'analyse géographique, l'étude des nouvelles configurations régionales et des enjeux territoriaux à rebours des études convenues sur la mondialisation et le dépassement des souverainetés.
Programme ambitieux, qui choisit l'Afrique australe pour premier terrain d'expérience. Une cartographie soignée mais trop réduite le démontre : l'accès aux ressources naturelles, la structuration de l'espace des corridors sont déterminants. Pour autant, l'influence qu'exerce la République Sud-Africaine (RSA) sur une bonne moitié du continent noir doit plus à la chute du Mur et aux jeux de la mondialisation qu'à de classiques équilibres de puissance.
Si la RSA est puissante, c'est d'abord à sa richesse qu'elle le doit. Son PNB représente à lui seul 40 % du PNB de l'Afrique subsaharienne, 80 % de celui des pays de la SADC (qui compte, depuis 1997, avec l'admission de la RDC et des Seychelles, 14 membres). C'est ensuite parce que la fin de
l'apartheid lui a permis d'intégrer un système régional qui s'était construit sans elle, et même contre elle : les pays de la « ligne du front » regroupés en 1980 au sein de la SADCC accueillent leur encombrant voisin dès 1994 (simultanément, la RSA intègre l'OUA et lance l'Indian Ocean Rim Association avec l'Inde et l'Australie). C'est enfin en vertu d'un discours volontariste, la « Renaissance Africaine », inspiré par le successeur de
Nelson Mandela, Thabo MBEKI, dont Ivan Crouzel démontre fort justement qu'il a « d'abord et surtout une fonctionnalité interne à
l'Afrique du Sud » (p.73).
Loin de prouver « la modernité de la géographie dans la compréhension des phénomènes internationaux » (p.3), ce petit ouvrage de géopolitique montre paradoxalement le contraire : en Afrique australe, la géographie importe moins que l'économie, que l'interdépendance régionale, que le volontarisme politique.