a france d'après
Voici la meilleure étude sociologique(*) de l'état de la société française et des mutations qu'elle a subies pendant les dernières décennies ; hélas ; hélas non à cause de ses défauts, mais en raison de ses qualités, et notamment de sa fidélité.
Il en dresse le tableau politique, économique et social, rendant hommage au passage au classique Tableau Politique de la France de l'Ouest (ce que, curieusement, Piketty fait aussi dans sa récente Histoire du conflit politique, dont les thématiques recoupent partiellement celles du présent ouvrage), d'ailleurs pour constater souvent à quel point le monde a changé.
Cet ouvrage repose sur un énorme appareil statistique, mais l'auteur ne dédaigne pas à l'occasion de s'appuyer sur tel ouvrage romanesque, de
L'été circulaire de
Marion Brunet à Chaleur humaine de Serge Joncour en passant par le Conemarra de
Nicolas Mathieu et l'incontournable
Anéantir de
Michel Houellebecq, revenant ainsi à une excellent pratique initiée par le grand sociologue Louis Chevallier dans son maître-livre Classes laborieuses et classes dangereuses. Il se réfère aussi à son collègue géographe
Christophe Guilluy, quitte à l'égratigner un peu au passage, et à
Emmanuel Todd, auquel il emprunte la notion de catholicisme zombie (**), recourant ainsi à des cources aussi originales qu'éclectiques, et toujours judicieuses et éclairantes.
Quand au tableau de la France, eh bien vous en avez déjà une idée, non, puisque vous y vivez ?
Maiq grâce à ce livre elle sera plus précise et plus générale à la fois, et vous apprendrez bien sûr beaucoup de choses.
Je ne vais pas chercher à paraphraser où à résumer le contenu du livre, ce serait sans int »rêt et d'ailleurs irréalisable.
Mais je permettrai cependant de faire ce que l'auteur, par probité scientifique, s'est interdit : qualifier cet état, qu'il a si bien décrit.
Il est effrayant. Une société plus atomisée que jamais, éclatée entre des groupes qui n'ont plus d'intérêts, et de moins en moins de langage en commun, qui d'ailleurs ne vivent même plus aux mêmes endroits, dont les écarts de revenus se creusent, auxquels il n'est offert aucune solution dans un paysage politique tout aussi éclaté, et dominé par des forces semblant irréconciliables, une anomie croissante en raison de l'effondrement de l'état et des groupes intermédiaires qui contribuaient avec lui à structurer la société française, particulièrement de ces deux forces antagonistes et complémentaires qu'étaient l'
Eglise Catholique et le Parti Communiste, dont il ne reste que des lambeaux, un éclatement entre deux traditions culturelles résultant de l'existence d'une forte minorité musulmane, qui n'est pas sans conséquences sur les moeurs, les sociabilités et la cohésion nationale, que Fourquet a le mérite de ne pas chercher à le nier ou à le dissimuler comme le fait par exemple Piketty dans on ouvrage précité, qui le noie sous un flot de pétitions de principe et de statistiques « oubliant » certains éléments significarifs.
J'ajouterai encore une réflexion personnelle: nous payons et n'avons pas fini de payer quarante (et peut-être cinquante) années terribles où nous avons bradé et laissé bradé notre héritage pour un plat de lentilles idéologiques
(*) d'aucuns me feront peut-être reproche, cela m'est déjà arrivé, d'oser qualifier de sociologique un ouvrage qui n'émane pas d'un sociologue professionnel, certifié et patenté, et de l'employer pour celui-ci, dont l'auteur ne bénéficie pas de cette éminente qualification. Je persiste et signe.
(**) pour ceux qui n'ont pas lu Todd, et pas encore Fourquet, pas de panique ! Todd désigne ainsi le comportement électoral de ces régions de l'ouest de la france, profondément catholiques à l'époque où écrivait Siegfried, et à celles des premiers travaux de Todd, mais presque totalement déchristianisées aujourd'hui.