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EAN : 9791032928790
L'Observatoire (06/09/2023)
3.96/5   37 notes
Résumé :
« Septembre 1980. Je vogue en direction d’Alexandrie. Je vais rejoindre le poste de doctorant qui m’attend au Caire pour ma thèse sur les mouvements islamistes. J’ai 25 ans et j’inaugure ma vocation… »

Prophète en son pays est un récit de formation qui couvre les quatre décennies pendant lesquelles Gilles Kepel a parcouru le monde arabe et musulman, de l’Égypte au Maghreb en passant par le Levant et le Golfe, ainsi que les « banlieues de l’islam » de... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
"Prophète en son pays" est un ouvrage d'un grand intérêt, car le savant sociologue et orientaliste Gilles Kepel y retrace les grandes étapes de sa vie, qui se confondent avec celles de ses études, lesquelles rejoignent les scansions de la plus brûlante actualité. C'est une autobiographie intellectuelle et politique, écrite par un enquêteur de terrain qui a observé l'essor de l'islamisme en Egypte, puis dans les banlieues françaises, enfin les métamorphoses du Djihad dont nous sommes victimes depuis le début du XXI°s. A plusieurs reprises, l'auteur rappelle qu'on ne saurait rien comprendre à ce qui se passe, dans les sphères savantes et de décision politique, sans la connaissance de l'arabe : or l'ignorance de cette langue ne semble pas gêner les universitaires, les spécialistes de plateau, encore moins les diplomates, dont le président actuel a d'ailleurs supprimé le corps. Cette connaissance orientaliste place l'auteur en position de juger ses pairs, et de voir clair dans les propagandes venues d'Orient, dans la mouvance woke et dans l'islamo-gauchisme occidentaux, dont il retrace l'histoire en termes savoureux et fascinants. La lecture de ce livre laisse voir l'état effrayant de l'Université et des sphères de décision françaises, colonisées par le Frérisme (sur lequel un livre est paru récemment) qui rend impossibles toute interprétation lucide de ce qui arrive, a fortiori toute résistance et toute protection de la société française. Non seulement la lucidité et la réflexion, mais aussi le courage, semblent être passés de l'autre côté : "Du côté de la barbe est la toute-puissance" comme dit Arnolphe dans l'Ecole des Femmes.

Gilles Kepel fait donc une sorte d'autobiographie bien différente des autres, même si elle se présente à chaque chapitre comme un plaidoyer pro domo : il tient à nous rappeler qu'il avait raison avant tout le monde (cela est pardonnable), dans un style et une langue parfois exécrables. La syntaxe est à la fois compliquée et relâchée, le système verbal anarchique, le lexique défiguré par des clichés, et les cacophonies révèlent l'absence d'oreille de l'auteur. Cela m'a surpris, car Gilles Kepel est un linguiste de formation, habitué à jongler avec les langues et surtout, avec les divers niveaux de l'arabe (on sait que le Coran est un chef-d'oeuvre poétique). Mais il est aussi un sociologue, ce qui explique sans doute l'état de son français. C'est dommage, car il décrypte et prend à rebrousse-poil toute une doxa politico-médiatique. Son livre ouvre la voie à des recherches affranchies du conformisme ambiant. Ce n'est pas trahir le livre que de souligner qu'on ne peut se libérer de la sottise et de la soumission qu'en évitant de parler comme elles. A ce titre, il arrive à l'auteur de tomber dans de regrettables clichés de pensée, comme dans ce passage où il met sur le même plan le Rabbi de Loubavitch, le Pape Benoît XVI, qui n'ont pas fait de mal à une mouche, et les prédicateurs enragés, fourbes et sanguinaires des mosquées d'aujourd'hui. On voit ici le piège islamique des "trois religions monothéistes" (souligné par Alain Besançon) se refermer sur un homme qui a toujours eu soin de rester neutre dans son étude, et qui n'a pas cédé, à la façon de tant d'orientalistes convertis à l'islam, à la fascination de leur objet. de plus, Gilles Kepel s'est laissé leurrer par l'illusion d'une action politique, que lui ont fait miroiter des Cazeneuve, des Valls, des Hollande et même un Macron.

Ce livre est donc à lire avec prudence, mais je le crois bienfaisant et stimulant. le magazine Eléments de décembre 2023, n°205, consacre à "Prophète en son pays" deux articles en miroir, l'un pro et l'autre contra, par Gérard Boulanger et Camille Ernest. Rien ne prouve mieux la fécondité d'un livre de ce genre que les débats qu'il suscite.

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Le Hibook a lu « Prophète en son pays » de Gilles Kepel. Cet ouvrage pourrait être qualifié de bio-bibliographie car Gilles Kepel y retrace sa carrière et sa vie à travers ses oeuvres.Je m'intéresse à celles-ci depuis son premier ouvrage « Les banlieues de l'Islam » et j'ai lu toutes les suivantes .Force est de reconnaître la constante justesse de ses analyses concernant un problème , l'islamisme, particulièrement prégnant et épineux , car elles sont appuyées par une érudition sans faille et une formidable expérience de terrain.L'ouvrage est donc passionnant mais je ferai deux critiques :d'abord la trop grande place donnée aux guéguerres pichrocholines entre universitaires , médias,agents d'influence. Ensuite le fait que Képel évalue un peu trop ,à mon goût, la qualité des personnes à travers leur rapport à lui et à son oeuvre .
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Prophète en son pays est un récit autobiographique d'un des meilleurs orientalistes français contemporain. Gilles Kepel y écrit son itinéraire de quarante années à travers le monde arabe et musulman, de l'Afrique du Nord au Moyen-Orient, mais aussi à travers les « banlieues de l'islam » de France. Il relate comment son expérience du terrain ainsi que ses rencontres et sa maîtrise de la langue arable lui ont permis de déceler dans ces régions la menace des mouvements islamistes, qui émergera lors de l'assassinat de Sadate, en 1981. Kepel rejoint la vision de S.Huttington « le choc des civilisations' reléguant la vision antithétique de Fukuyama dans le rayon des utopies.
Le titre de ce livre fait écho aux Evangiles, où il est écrit (Marc 6,1-6 : « Aucun prophète ne trouve un accueil favorable dans son pays »). Kepel dénonce avec une certaine amertume le délaissement de l'orientalisme en France, même dans des instituts de renom (Sciences Po, CNRS,..), le choix pour des analyses distantes et quantitatives remplaçant l'expérience qualitative du terrain. Cet abandon étant guide par une idéologie islamo-gauchiste prenant sa source dans les Universités, dont il finira par être exclu à force de compétence et honnêteté intellectuelle.
Kepel a écrit une vingtaine de livres, dont les axes principaux partent de l'expérience sur le sol musulman pour présenter une vision objective, nourrie de sa connaissance du Coran et de la langue arabe, et projeter cette vision dans le futur. Cette érudition singulière confère à ce livre la valeur d'un témoignage, ainsi qu'une certaine amertume devant le constat des erreurs et impérities de nos gouvernants successifs qui ont amené le terrorisme dans l'Hexagone.
Le courage et le dévouement de G.Kepel à sa 'vocation d'orientaliste' sont indéniables. Les témoignages et expériences qu'il relate sont parfois saisissants, tellement l'indifférence des responsables politiques combinée à leur lâcheté est crue.
Kepel règle quelques comptes.
J'aurais volontiers apposé 4,5 étoiles à ce livre, mais cette vision biographique de l'histoire de l'islamisme est quelque peu confuse. Un point qui m'a étonné est le passage sous silence des premiers attentats islamistes en France comme la tentative d'assassinat de Chapour Bakhtiar en 1980 ou celui de la rue des Rosiers (6 morts, 22 blessés) deux ans plus tard.
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L'obstination. C'est ainsi que Gilles Kepel aurait pu sous-titrer son livre de souvenirs professionnels. Quatre décennies de travaux, d'entretiens, d'enquêtes de terrain, de publications. Quatre décennies consacrées au monde arabo-musulman. Quatre décennies de mises en garde concernant l'évolution de l'islamisme et ses enjeux au Maghreb, au Moyen-Orient et en Europe. Quatre décennies d'avanies et de rebuffades de la part de certains milieux intellectuels auto-proclamés arabisants, mais n'ayant qu'une connaissance indirecte et idéologique de leur sujet.
Le tort de Gilles Kepel est d'avoir eu raison très tôt. Il a appris l'arabe, il a arpenté de long en large les terres d'islam, mais également les banlieues françaises. Il a rencontré des dizaines de personnalités religieuses, politiques ou civiles. Il a acquis ainsi au fil de ses contacts et de ses recherches une connaissance fine et encyclopédique. C'est ce qui lui a permis de percevoir les risques courus par les sociétés occidentales face à l'islamisme. C'est lui qui a inventé la notion de "djihadisme d'atmosphère", aujourd'hui reprise partout - auparavant, on parlait sottement des "loups solitaires".
Mais ses adversaires au sein de l'Université n'ont pas désarmé. C'est ainsi qu'il a été gentiment poussé hors de l'École normale supérieure, où il dirigeait la chaire "Moyen Orient Méditerranée". Victime des adeptes de la "culture woke" et des islamo-gauchistes.
Quoiqu'il en soit son livre est passionnant.
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Comme beaucoup de monde je me suis intéressé aux mouvements jihadistes et à l'islam politique au coup par coup, au fil des évènements tragiques relatés et commentés dans la presse et au fil des questions posées à la laïcité.
Je termine cette lecture, qui m'a passionné (ce qui n'était pas gagné au départ), avec une vue synthétique et une meilleure compréhension des logiques géopolitiques et idéologiques à l'oeuvre.
le style d'écriture est élaboré, les phrases parfois difficiles à suivre ; à lire donc le matin au réveil plutôt que le soir au lit.
Ce texte a un côté testamentaire, l'auteur se présentant souvent dans la peau de quelqu'un qui a fini sa carrière. Il en profite pour donner des coups de sabots au milieu universitaire qu'il a côtoyé, à certains hommes politiques et aux luttes d'influences qui les entourent. Ce pourrait être comique si le sujet n'était pas dramatique.
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critiques presse (2)
LeMonde
20 octobre 2023
Le livre devient [...] une hilarante satire des complaisances politiques et des narcissismes intellectuels.
Lire la critique sur le site : LeMonde
SudOuestPresse
25 septembre 2023
Quatre décennies ans après ses débuts en Égypte, l’orientaliste, perspicace observateur de l’essor de l’islam politique et radical au Moyen-Orient et en France, dresse le bilan de sa méthode et de ses acquis.
Lire la critique sur le site : SudOuestPresse
Citations et extraits (4) Ajouter une citation
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QUESTION
Vous dirigiez le master Moyen-Orient Méditerranée ici, à l’École normale supérieure (ENS),
enseignement qui a été supprimé. Pour quelle raison ?

GILLES KEPEL
" Depuis plusieurs années, je suis confronté à la déferlante de la religion woke à l’Université. C’est au nom de cette idéologie que je suis poussé dehors. Mon enseignement devait initialement se poursuivre deux ans encore, jusqu’à ma retraite, mais les autorités universitaires ont décidé de précipiter les choses : le master a été subrepticement fermé, et ma chaire cesse d’être financée à Noël.

Je n'ai donc plus d’étudiants… et je publie ce livre en solde de tous comptes. Personnellement, ce
départ m’est indifférent, j’aurai les moyens de poursuivre mes travaux où je veux sur la planète. Mais, quand on considère les enjeux colossaux auxquels fait face la société française dans les domaines que j’ai étudiés pendant cinq décennies, on aurait pu penser que la poursuite d’un tel enseignement eût quelque utilité.

Sans doute nos sophistes woke me perçoivent-ils comme un « corrupteur de la jeunesse », mais je ne
suis pas résigné à boire leur ciguë ! "




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FORT A PROPOS

(...) la leçon de déontologie aurait été farcesque si elle n’avait fait écho à l’appel public à me tuer proféré six mois plus tôt par l’assassin du policier Jean-Baptiste Salvaing et sa jeune épouse, à Magnanville, dans les Yvelines. (…)

Mes tympans n’avaient pas été déchirés par les hurlements de désespoir de la plupart de mes collègues, ni par les slogans hostiles qu’ils auraient pu entonner contre ceux qui avaient appelé à tuer l’un d’entre
eux. Ce silence d’or était d’autant plus remarquable par contraste avec les pétitions innombrables signées par ces mêmes collègues sans relâche, cris d’orfraie dénonçant l’islamophobie, exigeant l’usage de l’écriture inclusive, faisant du burkini l’horizon indépassable du bonheur de la musulmane actuelle, vilipendant la laïcité française comme l’aboutissement fascisant de l’universalisme des Lumières .




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[Condamnation par Khomeyni de l'auteur des "Versets Sataniques"]
L'affaire suscite un tollé dans tout l'Occident, car elle est attentatoire à la liberté d'expression sur laquelle sont fondées les démocraties - le bûcher de Bradford a déjà évoqué le souvenir des livres brûlés par l'Inquisition espagnole ou les nazis. Plus encore, la sentence émanant de l'ayatollah qui ne dirige que l'Iran, mais s'applique pourtant Urbi et orbi (une fatwa n'a d'effet que sur la juridiction contrôlée par le clerc qui l'émet) signifie que la planète entière a été érigée, par ce coup de force, en "domaine de l'islam". La mondialisation des médias, avant même l'apparition d'internet au milieu de la décennie suivante, a rendu possible cette extension infinie : un "espace de sens islamique" global se crée, traduisant concrètement l'injonction que la prédication et le jihad n'aient de cesse "jusqu'à ce que la terre tout entière soit à Allah".

pp. 93-94
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Septembre 1980. Je vogue en direction d’Alexandrie, àbord d’un ferry italien qui a appareillé à Venise. Je vaisrejoindre le poste de doctorant qui m’attend au Cairepour ma thèse sur les mouvements islamistes. J’ai 25 ans,et j’inaugure ma vocation – j’ai plongé dans l’inconnucomme s’élance dans l’azur insondable le navire. Je sym‑pathise sur le pont avec un jeune instituteur affecté àl’école française d’Alexandrie. Je l’envie : son existenceest tracée. Pourquoi ai‑je précipité ma vie dans les aléasde cette fuite en Égypte ? Je songe à reculer. Le bleu oùse fondent la mer et le ciel m’angoisse. Pourtant, il n’y apas de retour possible – le bateau est parti.
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Vidéo de Gilles Kepel
Gilles Kepel vous présente son ouvrage "Holocaustes : Israël, Gaza et la guerre contre l'Occident" aux éditions Plon. Entretien avec Christophe Lucet.
Retrouvez le livre : https://www.mollat.com/livres/3069073/gilles-kepel-holocaustes-israel-gaza-et-la-guerre-contre-l-occident
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