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EAN : 9782913955677
368 pages
Editions Transboréal (22/01/2009)
4.33/5   3 notes
Résumé :
Séduit par une Italie rêvée, c’est à pied que François-Xavier de Villemagne a choisi de rejoindre Rome, prenant son temps sur des voies buissonnières et dessinant une boucle jusqu’à l’extrême-sud du pays avant de rejoindre la Ville éternelle et la basilique Saint-Pierre, but du pèlerinage à la tombe de l’Apôtre. Un voyage de six mois et 4 000 kilomètres, de Paris à Rome, des glaciers du Cervin aux oliveraies des Pouilles, de Florence et des hauts lieux de la Toscane... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
« La durée du voyage à pied, c'est le phrasé qui transforme du solfège en musique.«

Le texte de ce récit est l'illustration de ce bel aphorisme. L'auteur, François–Xavier de Villemagne au nom prédestiné (‘Magna Villa') est un pèlerin original autant qu'un marcheur non conventionnel : pèlerin qui veut rejoindre Rome depuis Paris seulement après être descendu tout en bas de la Botte, et marcheur qui chausse des sandales de préférence à des godillots, comme lors de précédente marches de Paris à Jérusalem ou encore dans le Hindu Kush du nord du Pakistan !

Dès lors, l'originalité de l'homme se retrouve dans le regard qu'il porte sur le monde et sur le sens de son périple comme en atteste cette citation en exergue.

Les raisons de son départ sont dites au fil des pages et l'on comprend qu'aucune ne supplante les autres. Pourtant une résume toutes les autres et elle a pour nom Peggy, une Américaine rencontrée à Jérusalem à l'issue de son précédent pèlerinage, qui lui avait écrit : « Forget you ! [T'oublier !] Comment pourrais–je oublier ton regard ?. » Et c'est pour recouvrer ces yeux clairs lavés par huit mois de marche et ce regard « simple, clair, posé, dense, profond« où l'on lisait la vérité que François–Xavier de Villemagne repartit.

Autant le récit du premier pèlerinage Pèlerin d'Orient, à pied jusqu'à Jérusalem montrait un homme « malheureux comme une pierre« qui se défaisait longuement de ses cuirasses, autant ce pèlerinage–ci emporte l'adhésion pour cet homme plus en paix avec lui–même et qui pour cette raison décrit les personnes rencontrées non pour ce qu'elles lui apportent mais pour ce qu'elles lui permettent de comprendre de leurs vérités.

Ainsi une Suissesse à qui il annonce qu'il priera pour elle à Rome lui répond–elle avoir essayé plusieurs fois de croire sans avoir jamais réussi. Et François–Xavier de Villemagne de relever une sorte de regret, « peut– être aussi l'envie devant ceux qui ont reçu la grâce de croire. »

Plus loin, en Suisse encore, le pèlerin, accueilli par une famille de cinq enfants dont le deuxième souffre d'autisme et d'épilepsie, est saisi de la joie de vivre qui demeure dans cette famille où cet enfant–ci « semble avoir trouvé sa juste place et pas seulement la place unique. »

De même en Italie, une Mère supérieure d'un couvent où ne vivent plus que quatre moniales très âgées croule sous les tâches harassantes, matérielles et spirituelles. Elle lui déclare que les moniales ayant toujours vécu ici, leur place est là et la sienne aussi. Elle acquiesce quand il parle de bonheur, « non pas une oisiveté béate mais cette certitude intime d'être à la bonne place. J'ai l'impression d'avoir formulé… l'intuition floue d'une évidence… Et je lis la reconnaissance dans son regard. »

Cette réflexion sur la juste place est récurrente dans le récit, y compris dans ses réflexions sur la juste place de la foi dans la société des hommes. Elle lui inspire une observation riche d'enseignement à la faveur d'un débat télévisé qu'il relate ainsi : « J'ai vu les convictions de l'Eglise défendues avec force par un homme jeune, ordinaire, moderne et pas coincé, qui ne s'en laissait pas conter et dont les avis étaient respectés par ceux qui les attaquaient… Quel bol d'air pur en comparaison de la chape laïciste qui pèse sur la France ! » Vérité d'un pays, vérité des personnes.

Plus au sud encore, à Otrante, point le plus oriental de l'Italie, devant les ossements exposés de huit cents hommes qui furent décapités en 1480 pour avoir refusé d'abjurer, il se remémore les mots d'un rabbin qui en appelait à la pudeur en faisant visiter le mémorial Yad Vashem à Jérusalem où sont exposées des photos de déportés nus au bord d'une fosse d'un camp d'extermination. « Les photos qui se trouvent dans mon dos, je refuse de les regarder et je vous supplie d'agir de même. Il ne s'agit pas de nier, mais songez seulement : si c'était votre père, si c'était votre mère qui étaient là, tremblants, humiliés, à quelques secondes d'une mort horrible, accepteriez–vous de lever les yeux sur eux ? Accepteriez–vous qu'ils soient livrés en pâture au regard des autres ? » Juste place, juste regard.

Et parce que tout pèlerinage a une fin, la fin de celui–ci prépare merveilleusement au retour à la vie ordinaire par le compte–rendu d'une soirée à l'ambassade de France animée par un Français, prêtre et diplomate à la fois, que le regard affuté de François–Xavier de Villemagne croque sans rien perdre de l'affectation et de la prétention du personnage. Il est aussi permis de rire à se tordre pendant un pèlerinage !

Au final, de même que ce pèlerin a fait oeuvre de poésie dans la citation en exergue, de même le récit de ce pèlerinage nous exhorte à faire de notre vie une poésie, au sens étymologique du terme grec ‘poièsis', qui est l'acte de création.
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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
— Pour vous, ce sera ?

— Juste un verre d’eau…

— C’est tout ?

— …et je vous raconterai une histoire.

J’ai craint que le cafetier moustachu et ventripotent ne bougonne, mais non : il pose aimablement un verre sur le zinc pendant que je me déleste de mon sac à dos.

— Sale temps, hein ? Pour la mi-juin ! Vous venez de loin ?

— Paris. Je suis parti il y a trois jours.

Dehors, sous le ciel gris, le vent malmène les tables en plastique de la terrasse et les parasols aux marques de bière. J’ai remis une chaise sur ses pieds avant d’entrer.

— Vous venez quand même pas de là-bas à pied ? Pour venir jusqu’ici, à Donnemarie, ça doit faire…

— Environ 100 kilomètres. Si, à pied. Puis-je avoir un café ?

— T’entends ça, Jeannine ? Et vous allez jusqu’où, comme ça ?

— Rome.

— Ben dites donc ! C’est ça votre histoire ?

Non. Mon histoire c’est… J’aimerais la raconter un soir à un petit bout de chou avant qu’il ne s’endorme. À cette fillette blonde, par exemple, une nièce qui a des yeux d’un bleu si clair, cerclé d’outre-mer, que j’ai donné son regard troublant à Roxane, princesse de Sogdiane, dans le roman historique sur Alexandre le Grand dont je viens d’achever l’écriture. Mon histoire, c’est seulement essayer d’offrir parfois à la vie une allure de conte de fées. Alors voilà : “Il était une fois…”, il y a sept ans, un marcheur qui venait à pied de Paris. Après trois journées harassantes, il s’est arrêté à Donnemarie. En ce mois de mai, la chaleur était accablante et, comme il avait fort soif, il est entré dans un café pour demander de l’eau. Il n’y avait personne, hormis une jeune femme oisive derrière le comptoir. Elle a refusé tout net : “J’suis pas faite pour remplir les bouteilles d’eau. Y’a des fontaines pour ça !” Tu te rends compte, Princesse ? Refuser de l’eau à un passant !

— J’ai souvent pensé à la serveuse revêche durant ces sept années. Je me disais que ce n’était pas possible de la laisser avec son regard mauvais, murée dans une rancœur stupide. C’était injuste de ne garder d’elle que ce souvenir. J’avais envie, non, j’avais besoin de savoir qu’elle pouvait offrir, elle aussi, une chose simple, avec le sourire. Ce bar, c’était le vôtre. Voilà pourquoi j’ai été si heureux, tout à l’heure, quand vous m’avez offert le verre d’eau !

Un bon génie qui revient sept ans plus tard pour donner une occasion de se racheter.

— Vous alliez où, l’autre fois ?

J’hésite à répondre, et puis, comme j’ai commencé…

— Jérusalem.

J’explique très vite : huit mois de voyage, l’Europe de l’Est, la Turquie, le Proche-Orient, 6 400 kilomètres à pied. Je n’aurais peut-être pas dû en parler car l’aventure de Jérusalem écrase aux yeux des autres celle dans laquelle je m’engage aujourd’hui. En un sens, elle la dévalorise : “Rome, à présent ? Pfff… Facile ! Pour vous, ce n’est rien.” Eh bien, pas du tout : “J’aimerais vous y voir !” Ça, c’est la réponse du marcheur excédé à la fin d’une journée de pluie, de froid, de solitude, d’incertitude sur le logement du soir, de kilomètres inutiles parce qu’il s’est perdu. “Vous savez, ce n’est pas toujours simple…” Ça, c’est la réponse policée dans une conversation de salon lorsque tout est fini. D’habitude, les sédentaires ne comprennent pas la première : ils vous trouvent vraiment un sale caractère. Dans les yeux de certains, quand ce n’est pas sur leurs lèvres, on lit : “Après tout, vous l’avez bien voulu.”
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Un Éloge de la virginité dans l’art

— Comment ! Tu n’as pas vu, à Santa–Croce, la fresque sur la vie de saint Jean–Baptiste par Giotto !

Non, et la deuxième Pietà de Michel–Ange non plus, hélas. Ni la troisième conservée à l’Académie, ni la quatrième qu’on peut admirer à Milan. Bien que je jette un œil sur les guides, je les feuillette à la hâte pour ne pas m’user le regard avant la première rencontre. Je me méfie de ce qu’il faut voir. Il me manque des références, sans doute, que d’autres auraient creusées au lieu de se présenter nus devant une œuvre. Je préfère le sein de Flore et le regard de Caracalla.

Ce qui m’a transporté il y a deux jours devant la loggia des Lansquenets, ce qui m’a enivré hier aux Offices, c’est moins une connaissance raisonnée qu’un choc des sens. Un plaisir décuplé par l’émotion des premières fois. Non par la vertu de l’ignorance, mais par celle de la virginité.

Il ne suffit pas de ne point connaître. Il faut aussi être prêt. Voilà dix ans, j’ai passé une semaine de vacances en Toscane avec des amis, ma seule expérience italienne hors quelques voyages professionnels à Milan. Nous avions loué une villa aux environs de Sienne. Pise, Volterra, Arezzo, Florence. Dans cette ville, nous avions passé une demi–journée, dont je ne garde aucun souvenir hors des images convenues. Une carte postale, c’est tout. Cette fois–ci, je commence à comprendre pourquoi je suis devenu si sensible. La solitude, certainement, qui exacerbe les sentiments, et surtout ce long ruban de pas, cette route tyrannique, monotone à ses heures, qui me lave l’âme. Une vie à la campagne, loin des artifices et du flot d’images et de bruits qui envahissent nos vies ordinaires : le superflu râpé jusqu’à l’os ; trop, même. Car vient un moment où la nature arpentée à satiété creuse un désir de civilisation et de beauté créée de main d’homme. Alors, vient le moment favorable…

J’aime le premier regard. Il est divin. C’est celui qui tout embrasse, bien qu’il ne soit pas toujours le meilleur. Ensuite, on voit les détails, et chacun sait bien que le diable s’y cache. Le choc de la première fois : d’un brusque mouvement de la main, Raphaël a emporté le voile qui dissimulait la toile qu’il vient d’achever. Et je suis là, seul, ébahi, avant que quiconque ait formulé un avis, ait encensé le clair–obscur ou déploré la perspective. Des siècles avant l’invention de la photographie et bien avant la première lithogravure.

La magie du premier regard : en une époque marquée par une schizophrénie entre la quête forcenée de l’authentique et une multiplication à l’infini des reproductions, de toutes les vérités, c’est celle–là que je préfère. Il faudra que j’écrive un jour un Éloge de la virginité dans l’art.
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